On se forme l'esprit et le sentiment par les conversations, Pascal

lundi 27 avril 2020

À propos du " Zéro et l'infini " d'Arthur Koestler

Je viens de finir Le zéro et l'infini d'Arthur Koestler. Admirable !
Le zéro, c'est l'individu au service du Parti et que le Parti sacrifiera au nom de l'Histoire et de la cause du Peuple. L'infini, c'est l'être de chair et de sang, ce Je dans lequel l'idéologie du Parti ne voit qu'une "fiction grammaticale". Merleau-Ponty répondra à cette immense objection - et il fallait le talent d'un grand écrivain comme Koestler pour en faire autre chose qu'un réquisitoire intellectuel - dans "Humanisme et terreur", avant de jeter l'éponge devant la réalité du Goulag. Ni Koestler ni Camus n'auront à connaître ces repentirs. Ils avaient choisi la révolte contre l'injustice, sans jamais accepter que les hommes deviennent les pions de la nécessité historique, tout à la fois acteurs et victimes des "crimes logiques".
Le Machiavel que je présente, et qui paraîtra début septembre - il est pourtant beaucoup question de Machiavel dans le roman - n'aurait jamais accordé avec une indifférence aussi calculatrice, le cynisme des moyens avec l'abstraction des fins que fixe l'idéologie totalitaire. et qui conduit aux liquidations de masse. Il faudra toujours dire Non à la réduction de l'homme à un chiffre et Oui à la vie inaliénable qui est son fonds.

5 commentaires:

FRANCE DELTENRE a dit…

La publication de Michel Terestchenko constitue une invitation à relire Le zéro et l’infini de Koestler qui fait partie de la littérature dystopique du XXème siècle. Ce roman critique un régime totalitaire théorisé, sous la forme d’un discours proféré par un personnage récurrent dans la littérature dystopique, appelé le « Grand Inquisiteur » ; ce dernier prend les traits dans le zéro et l’infini d’un juge cynique et désabusé. Le contenu du roman est avant tout d’ordre politique, sous forme de discours idéologique. Le zéro et l’infini pourrait être rapproché du combat auquel se livrent les Justes dans la pièce de Camus. Il éclaire le lecteur dans la même ville de Moscou mais plus de trente ans plus tard, en 1937, sous le régime de Staline. Ce dernier fut marqué de l’empreinte bien plus tôt de Trotski, même s’il le fit déporter quelques années plus tard, qui considérait que « Le Parti a toujours raison » et qu’il incarne « l’infini » en tant que pouvoir absolu, entreprise d’asservissement et d’autodestruction des hommes réduisant à « zéro », l’homme politique. Mais comme les autres militants de la vieille garde, Trotski sera déporté, lui-même victime de l’univers concentrationnaire et du système qu’il avait servi. Koestler eut comme Soljenitsyne dans l’Archipel du goulag le courage de relater l’expérience des victimes du régime. Koestler propagandiste du communisme voyagea en Russie et constata le délabrement de l’économie et la peur qui y régnaient et qui contrastaient avec l’image reflétée à l’étranger, par le régime de Staline. Victime des franquistes, c’est incarcéré dans une prison de Séville que Koestler posa les fondations de son roman Le zéro et l’Infini en constatant « l’erreur de calcul, l’équation qui ne collait pas » lorsque « le Parti nie le libre arbitre de l’individu et en même temps exige de lui une abnégation volontaire. » Le zéro et l’infini se penche sur un apparatchik de l’arrière garde, personnage fictif du nom de Roubachof qui incarne plusieurs hommes victimes des procès à Moscou qui ont précédé les purges staliniennes. Roubachof représente ces hommes au service du Parti, ayant défendu et participé sans état d’âme, au système totalitaire et qui se trouvent eux-mêmes à leur tour, victimes de ce même système, broyés par la machine. Le grand Inquisiteur Ivanof est un personnage cynique à part entière, ce qui donne à ses paroles un effet de supériorité car tout en défendant le système qu’il soutient, il en dévoile les bassesses. Il méprise les remords humanistes de Roubachof et cherche plus à l’entraîner dans sa propre vision du monde affichant un mépris souverain pour l’humanité, que de tirer de lui des aveux. Bien qu’il ait lu Machiavel et son cynisme politique, Ignace de Loyola, Marx et Hegel, Ivanof est enchaîné à une idéologie dont il a perdu le sens. Tout en alliant réalisme à l’égard de la nature humaine, idéalisme et lucidité cynique, il est porteur d’un discours dont la fin justifie toujours les moyens. Koestler ne cherche-t-il pas dans ce roman à engager le lecteur vers une ouverture, face à ces dérives totalitaires ? ………..Dans l’attente de découvrir le roman de Michel Terestchenko

Yves CHARPIOT a dit…

Je n’ai pas encore lu Koestler, mais le commentaire sur l’œuvre et le rapport de l’homme au totalitarisme me rappelle Vie et Destin de Vassili GROSSMAN. Le totalitarisme Bolchevique, rejoignait le totalitarisme Nazy dans sa façon de réduire l’homme à une multitude d’individu façonnés sur le même modèle mental et ceci pour un soi disant bonheur de classe .

Anonyme a dit…

Une différence qui a existée entre nazisme et communisme (tel qu'il a existé en Russie) c'est que dans ce dernier l'homme, en tant qu'individu, que personne, n'a pas de valeur ni même de sens. Il ne vaut qu'à travers le nombre, la masse.
Donc dans cette masse il n'est pas possible de se distinguer, aucune tête ne doit dépasser. Le grand-père de ma femme a passé 10 ans à la kolyma pour une plaisanterie.
Si on regarde bien les analyses de Koestler restent valable dans la Russie d'aujourd'hui : pour être tranquille les gens se taisent et gobent, au moins en apparence, les discours officiels. Les plus agés savent que dans leur pays l'avenir est toujours incertains. Cette incertitude menaçante nous est complètement étrangère en occident.

Jean-Pierre Ménage a dit…

Analyse très intéressante qui me fait penser à une chose. Dans Le Zero et l'infini, Roubachof dira ceci : ''Le Parti, camarade est quelque chose de plus grande que toi et moi et que mille autres comme toi et moi''.
Révélant ce désir tout à fait humain qui nous pousse à toujours vouloir nous rattacher à quelque chose qui nous dépasse. Parti, État, nous si petits, nous cherchons à nous y inclure pour nous retrouver dans quelque chose de plus grand que nous. Mais ce désir n’est peut-être, en fait de compte, rien d’autre qu’une nostalgie. Puisqu’avant même d’être, nous appartenions à un Tout. Le fait de vouloir se dissoudre dans un grand ensemble -un parti par exemple- est un moyen certes négatif pour nous de ré atteindre cet état initial de toutes choses. Sans doute, avec beaucoup plus de maturité, nous les hommes, pourrions faire l’expérience de l’infini universelle mais cette fois d’une manière positive. Cela se fera-t-il, lorsque peut-être tout un chacun sera capable de faire l’expérience du fameux ‘’sentiment océanique’’….

Jean-Pierre Ménage – étudiant de l’Urca (année 2019-2020)

Anonyme a dit…

Bonjour Monsieur, je ne comprends pas le rapprochement entre le livre « Zéro et l’infini » d’Arthur Koestler et le Machiavel que vous présentez. Serait-ce une critique envers le Parti de Koestler, qui serait en opposition avec votre Machiavel ? Pouvons-nous réellement les opposés quand nous savons que Machiavel était du XVème siècle et que le livre d’Arthur Koestler n’est paru seulement qu’au XXème siècle, les enjeux n’étaient pas totalement les mêmes.

Je n’ai pas encore lu le livre de cet écrivain mais en cherchant un peu sur Internet, je constate que le livre est une critique au sujet des dictatures et du système totalitaire. Pour l’instant, je ne peux pas en dire plus sur votre article, mais ça sera avec plaisir de lire cet ouvrage. Merci, de nous faire découvrir de nouveaux auteurs. En vous souhaitant une bonne journée.