On se forme l'esprit et le sentiment par les conversations, Pascal

mercredi 17 mars 2010

Le jeu de la mort

Cher(e)s ami(e)s, si vous avez vu l'émission diffusée hier soir, Le Jeu de la Mort, je serais plus qu'intéressé de recueillir vos réactions et d'ouvrir le débat.

19 commentaires:

Unknown a dit…

Ce documentaire soulève de nombreuses questions à mon sens. La construction et les effets de l’obéissance chez l’individu ont été expliqués, cependant il m’aurait semblé intéressant de développer davantage les moteurs de l’insoumission. Rares ont été les « résistants », surtout de la « première heure », mais il me semble que cet élément n’a pas été suffisamment exploré. Pourtant, c’est peut-être celui qui aurait donné le plus d’éléments pour, justement, permettre la construction chez le spectateur, d’un sens critique. Peut-être que se reconnaître hétéronome, relié à autrui peut augmenter la capacité de résistance ?
Comme le souligne J.L. Beauvois, le discours sur l’autonomie du sujet est un des meilleurs moyens de l’amener « en toute liberté » à assumer la responsabilité d’actes qu’il n’aurait sans doute pas commis contraint.
Par ailleurs, la question de la légitimité de l’autorité se pose avec acuité. En effet, à mon sens, la télévision n’a pas plus de légitimité objective qu’un « scientifique ». L’autorité se fonde sur une morale déontologique d’autant plus que c’est elle qui en fixe les règles. Le développement d’une morale téléologique, qui permettrait à l’individu de prendre en compte la complexité d’une situation et qui l’amènerait à fonder ses actes sur leurs conséquences prévisibles, non sur une règle pourrait-il être une réponse ?
Ces questions ne sont qu’un glaçon dans l’iceberg d’interrogations que pose cette émission.

Cordialement
Béatrice P.

michel terestchenko a dit…

Chère Béatrice. Beaucoup de questions se posent, en effet. Le fait est que les comportements de désobéissance ne sont généralement pas étudiés par les psycho socioloques, parce qu'ils échappent à leurs grilles d'interprétation "situationnelles" et qu'ils renvoient à l'individualité des sujets en question (et non à la situation, justement). Ce que suggère d'ailleurs une remarque dans le commentaire.
Ce qui est frappant, c'est qu'une présentatrice de télé (assez peu connue par ailleurs) puisse être considérée comme une autorité "légitime".
Mais en dernier ressort, le "scoop", c'est qu'il n'y a pas de scoop ! Au fond, les analyses de Milgram ont gardé toute leur pertinence, à cinquante ans de distance.
Quant à conclure sur les méfaits de la télé réalité, c'est, à mon avis, passer à côté du propos.

Bertrand Puysségur a dit…

cher Michel, le scoop, c'est aussi que cette émission a fait un flop. Les sujets racoleurs ne sont pas les plus vendeurs surtout quand on nous dit "ce que vous allez voir est vrai mais n'est pas vrai parce que c'est faux mais on fait comme si c'est vrai"...
Sur la question de l'autorité, en l'occurrence la télévision, il y a dans le spectacle une forte puissance politique, religieuse et morale que depuis les Romains il serait peut être bon d'analyser.

Béatrice P. a dit…

Cher Michel, nous sommes tout à fait d’accord, le sujet était bien l’obéissance. Une des explications, donnée au cours de l’émission, à cette compliance portait sur la solitude du sujet en expliquant que c’était celle-ci qui le poussait à obéir et à violer ses valeurs. Cette explication pourrait laisser entendre que ce comportement aurait été plus rebelle si le sujet n’avait pas été seul. Cependant à ma connaissance, le plus souvent, l’être humain ne fait pas preuve de plus de réflexion lorsqu’il est en troupeau. C’est plutôt la règle du PPDC d’intelligence (plus petit dénominateur commun) qui s’applique. Effectivement l’Homme a peu changé depuis Milgram, ce qui en soi n’est pas surprenant.
Quant à l’autocritique télévisuelle, je n’y crois pas une seconde, comment être juge et partie ?
Cordialement
Béatrice P.

michel terestchenko a dit…

Cher Bertrand,

Avez-vous des infos puisque vous me dites que l'émission a été un "flop" ?

Chère Béatrice,

Je suis entièrement d'accord, la solitude n'explique rien. Quant à dire, comme on l'entend dans le commentaire, que les sujets en l'entreprise peuvent toujours avoir le soutien de leurs collègues, c'est franchement naîf !

Laurence Harang a dit…

Bonsoir,

Voici ce que l'on peut lire sur le net:
"Le documentaire de Christophe Nick et qui revisitait l’expérience de Milgram, est arrivé troisième en terme d’audience. Diffusé mercredi 17 mars (20h35) sur France 2, "Le jeu de la mort" n’a réuni que 3,4 millions de téléspectateurs ; soit 13,7% de part d’audience. Le même soir, selon les chiffres de Médiamétrie, TF1 était en tête des audiences avec la série "New York, section criminelle" (25,1% de PDA), suivi de "Louis la brocante" sur France 3 (17,6% de PDA). Quant au débat qui a suivi la diffusion du documentaire "Le jeu de la mort" et présenté par Christophe Hondelatte, il a été suivi par 2,3 millions de téléspectateurs.".

Cela dit, je ne comprends pas bien la remarque de Bertrand Puysségur.Voulez-vous dire que la télévision n'invente rien (depuis les romains...).
Merci.

Presbytera Anna a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Michel Terestchenko a dit…

Eh ! bien, voilà des résultats plutôt décevants, chère Laurence. Mais fallait-il s'attendre à autre chose ? Je ne regarde presque jamais la télévision, et déteste tout autant y participer (ce qui par chance ne m'arrive que fort rarement). J'ai généralement l'impression d'y perdre affreusement mon temps.

Bertrand Puysségur a dit…

"La grosse promo qui a précédé la diffusion sur France 2, mercredi soir, du documentaire Le Jeu de la mort n'a pas permis de rassembler plus de 13,7 % de part d'audience, soit 3,4 millions de personnes. C'est une déception pour le service public qui avait misé beaucoup sur ce documentaire reproduisant l'expérience de Milgram. "J'ai l'impression que les téléspectateurs n'ont pas tellement apprécié qu'on leur renvoie une image dégradée d'eux-mêmes", analyse-t-on, ce matin, chez France Télévisions."

source Le Point

http://www.lepoint.fr/actualites-medias/2010-03-18/france-2-audiences-decevantes-pour-le-jeu-de-la-mort/1253/0/434996

L'audience a été plus forte chez les jeunes (15/34 ans).

Chère Laurence, je ne reprendrai pas le mot de Saint Just ("Ce monde est vide depuis les Romains) mais il me semble que la dimension dans laquelle le spectacle peut réellement opérer contient une forte part de politique, de moeurs et de religion, ce qui était tout à fait le cas dans les jeux romains (Veyne, Salles, Danielle Porte...).
Il me semble que l'autorité dérive de ces pouvoirs... ;)

Michel Terestchenko a dit…

Merci, cher Bertrand, pour cette info. La déception de France Télévision est justifiée. L'émission était passionnante, malgré tout, sérieuse dans ses analyses, sans compter le coût (plus de trois millions d'euros, à ce que j'en sais). Que des millions de téléspectateurs lui aient préféré une série américaine de seconde zone est tout simplement accablant !

Gwladys M. a dit…

On peut toujours déplorer que l’émission n’ai bénéficié finalement que d’un intérêt très modéré de la part des téléspectateurs. Mais positivement, un peu plus de 3 millions de téléspectateurs ont regardé l’émission et il n’est pas possible d’imaginer que ces 3 millions n’ont pas été « remués » d’une quelconque façon que ce soit par ce qu’ils ont vu.
La vertu de cette émission a été d’obliger le spectateur à sortir malgré lui de son sentiment de sécurité habituel , d’abolir la distance rassurante -inhérente au statut de spectateur- qui s’instaure entre lui et ce qu’il voit.
Au delà de la question du pouvoir de la télévision , c’est à sa propre humanité qu’il a été confronté, dans ce qu’elle peut avoir de plus digne comme de plus abject. Comment rester indifférent quand au terme de l’expérience germe inexorablement dans notre esprit la question : « Et moi ? qu’aurais-je fais dans la même situation ? »
Impossible de ne pas être affecté par les sentiments les plus vifs et les plus opposés selon la décision de chaque participant de continuer ou d’arrêter le jeu si tant est que l’on puisse encore appeler « jeu » le fait de torturer un autre que soi.
Comment ne pas être pris par l’effroi et la révolte lorsque des participants passent outre les supplications d’un être en souffrance et continuent à infliger eux mêmes ces souffrances pouvant conduire à la mort ?
Comment ne pas être inquiet quant à la capacité de ces individus ordinaires – que tout un chacun peut facilement assimiler à son voisin, à son collègue de travail, à la brave dame que l’on croise chaque matin en promenant son chien ,qui nous dit poliment bonjour et à qui on répond tout aussi poliment- à se laisser , pour les uns écraser et aliéner par la machinerie d’un jeu télévisé (caméras, assentiment du public ,injonction du présentateur, signature d’un contrat) qui leur impose son diktat ou , pour d’ autres , à se glisser avec enthousiasme dans l’idéologie du jeu et à assurer sans sourciller la fonction qui leur a été impartie , définie et acceptée lors de la signature du contrat , soit activer machinalement des manettes de « jeu »?
Comment ne pas faire des bonds d’indignation en entendant une accompagnatrice dans les coulisses rassurer un participant qui est allé jusqu’au bout en lui disant « Ne vous inquiétez pas, vous avez eu un comportement normal » ? Qu’on lui explique que son comportement était en parti prévisible, qu’il faisait partie des possibles envisageables mais non qu’il s’inscrit dans une norme !


A l’inverse, comment ne pas se sentir solidaire et digne devant la force de caractère des trop rares participants capables de faire face au pouvoir incarné par le jeu en affirmant qu’aucune logique ne peut légitimer le fait d’infliger des tortures à autrui et en refusant de déposer sa responsabilité morale dans les mains de qui que ce soit ?
Comment ne pas être envahi d’une profonde empathie envers cette participante affectée dans tout son être ,non seulement par la souffrance d’autrui mais par mais par le fait d’avoir accepté de la lui infliger et par la perspective de devoir recommencer ?
Comment ne peut - on pas se sentir à la fois infiniment soulagé par sa décision de ne plus se compromettre et rempli de gratitude envers son sens de l’humanité au moment même où elle fait acte de résistance en se levant pour dire « Désolée, j’arrête » ?

Aucune attitude, aucun comportement qu’ils soient tendu vers la réalisation du bien ou pris dans la spirale du mal ne pouvait laisser indifférent.
...

Gwladys M. a dit…

...suite

Le commentaire qui a suivi le documentaire est quant à lui beaucoup plus discutable. Deux raisons à cela .
La première est qu’il n’a pas dépassé le cadre polémique de l’emprise télévisuelle sur les individus alors que la télévision n’est qu’une source parmi tant d’autres d’autorités qui s’auto- légitiment et auxquelles l’individu se soumet globalement passivement ( soumission silencieuse du patient devant l’attitude de plus en plus souvent infantilisante, voire culpabilisante et condescendante du médecin qui lui fait face , soumission du consommateur aux stratégies marketing qui vous intiment de fournir des renseignements personnels afin satisfaire au mieux un besoin dont vous n’êtes pas encore conscient…)

La deuxième raison découle de la première : les commentaires ont porté essentiellement sur le phénomène de soumission à l’autorité en évacuant à trop bon compte celui de la négation de la souffrance d’autrui et de la passivité face à la détresse exprimée par l’autre.
Or, il est inconcevable de tenir que la soumission à une autorité- serait-elle légitime- implique nécessairement de nier sa propre humanité en refusant d’entendre celle de l’autre.

Les questions de la personnalité , de la responsabilité, de la conscience morale et de la valeur absolue que constitue la vie humaine qui nous tendent individuellement vers le bien –ou pas-
n’ont pas fait l’objet de réflexion et ont été rapidement éludées alors que leur présence ou absence était au cœur même des réactions post- expérimentales des participants.

Le témoignage de la participante qui s’est levée en disant « Désolée, j’arrête. » et qui représente une figure exemplaire de résistance morale était pourtant éclairant. Sa conscience d’être la seule responsable de ses actes ,sa conscience d’accomplir des actes intrinsèquement mauvais et son sentiment de ne plus être en accord avec sa personnalité sont des facteurs déterminant de son choix.
Il me semble que c’est la conscience d’avoir perdu, ne serait ce qu’un instant, son intégrité morale qui a intensifié son mal être et ce , bien qu’elle ait mis fin à son conflit intérieur. Le fait de demander pardon à celui à qui elle a infligé des décharges alors même que celui-ci venait de la rassurer et de l’informer du caractère fictif de la situation témoigne de son effroi d’avoir pu accepter de relativiser -rien qu’un instant- la valeur de la vie humaine et d’avoir subordonné le caractère absolu de celle-ci à d’autres valeurs, soit de l’avoir tout bonnement sacrifiée.

A l’opposé de ce témoignages ceux - pour d’autres raisons tout aussi frappants - de quelques participants qui sont allés jusqu’au bout ,qui se sont dépossédés pendant tout le jeu de leur responsabilité pour la soumettre à l’autorité dont ils ont investi la présentatrice ou la « logique du jeu ». Le retour réflexif sur leur participation et l’administration de douleurs extrêmes n’a fait apparaître aucun sursaut de conscience morale a posteriori .Tout au contraire, ce sont à nouveau des attitudes « d’évitement » - autant dire de mauvaise foi - qui sont à l’œuvre et par lesquelles ils se tiennent à l’écart de toute responsabilité morale.


Le sentiment qui prédomine est que le commentaire est passé à côté du vrai sujet, qui n’est pas seulement celui du pouvoir de la télé mais celui des comportements qui nous conduisent hors des limites de notre humanité et qui ne sont pas exclusifs d’un tel contexte.

Mais peut être mon jugement est-il profondément marqué par la lecture très récente de votre essai Un si Fragile vernis d’humanité dont on ne peut ressortir indemne et qui , pour cette raison même en fait un livre à recommander à quiconque a le souci de soi.

Presbytera Anna a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Michel Terestchenko a dit…

Merci, chère Glawdys, pour votre beau commentaire avec lequel je suis en profond accord.
Quant au débat avec Hondelatte, il a été, comme vous le savez, l'occasion d'une confrontation, tout à fait inadmissible de sa part, avec Alexandre Lacroix de Philosophie Magazine.

michel terestchenko a dit…

Merci, chère Gwladys, pour votre beau commentaire avec lequel je suis en profond accord. Tout cela est très juste. L'analyse est intéressante mais partielle. Et comme toujours on ne cherche pas à tirer de lecons des sujets rebelles qui sont les vrais héros de l'émission.

Anonyme a dit…

Monsieur,

Parmi les très nombreuses questions que pose ce programme de télévision (son caractère scientifique ou non, le parti pris du spectaculaire, la faiblesse du débat qui a suivi, l'ambiguité des "autorités" scientifiques, journalistiques, télévisuelles, qui l'ont... légitimées), je trouve très étonnant que le débat, disons pour simplifier entre intellectuels, en reste pratiquement toujours au problème de la soumission des individus. Certes, c’est très angoissant pour tout un chacun (et moi le premier), mais cela fait désormais très longtemps que nous savons que nous pouvons obéir aux ordres d’une autorité légitime, même si nous les désapprouvons.
Je peux admettre qu’il n’est pas inutile de rappeler ces évidences même de façon provocante, surtout quand il s’agit de s’adresser au grand public. A vrai dire, j'ai été très intéressé aussi par l'émission qui m'a été utile pour réfléchir, tellement j'ai été choqué de ce qui l'environnait. Mais je ne parviens pas à comprendre pourquoi le débat ne déplace pas sur le problème de ceux qui exercent cette autorité, au moins de deux manières.
La première : au nom de quel(s) droit(s) les auteurs ont utilisé des cobayes humains et surtout les ont dévoilés en public ? (en effet, l’obtention de leur « consentement » formel ne me paraît pas être suffisante).
La seconde: comment empêcher les autorités, légitimes ou nom, de nous mettre dans des conditions telles que nous ne pouvons pas désobéir alors que la morale et la raison devraient nous pousser à le faire.
Autrement dit, vous, avec la majorité de ceux que j’ai pu entendre ou lire à ce propos, vous placez le plus souvent le problème au niveau de l’individu et de la responsabilité individuelle, alors qu’il serait au moins aussi intéressant et peut-être plus utile de le placer au niveau politique et collectif. Dit de façon plus polémique et plus précise : comment empêcher les autorités de nuire ? ou, pour reprendre l’objectif apparent que s’assignait M. Nick (dans ses interviews), comment empêcher la télévision de nous manipuler ?
Je me pose peut-être la question de cette manière à cause d’une formation d’historien. La liberté s’apprend et se conquiert : elle n’est pas donnée par Dieu, ni par ses prêtres et ses prophètes, ni même peut-être par les sages.

Bernard K.

Anonyme a dit…

Les concepteurs de l'émission ont cherché à actualiser les expériences de Milgram (au nombre de 18) et à faire des comparaisons avec la plus connue (la variante avec le feedback vocal, avec le chiffre de 63 % env. de sujets allant jusqu'à 450 V). Cela les conduit à s'étonner vivement de l'emprise supérieure de la télévision (on passerait de 63% à 83) ...
Il me semble que plusieurs biais relativisent pour le moins la valeur de leur comparaison :
1. Si l'émission semble reproduire l'expérience américaine, en même temps elle mobilise un public qui joue un rôle non négligeable et conduit plutôt à la variante où des complices des expérimentateurs (qui jouent le rôle de pairs du maître en l'accompagnant dans sa tâche)renforcent les effets de l'autorité en la soutenant lors des éventuels doutes du sujet ...
2. Les candidats qui ont été recrutés par une agence, puis séléctionnés (80 retenus sur 2000 de mémoire) font partie des individus qui veulent bien passer à la télévision pour un jeu télévisé (ou du moins participer à sa mise au point)et qui par là, ont en un certain sens intégré un certain nombre de choses qui font par ailleurs l'emprise de la dite télé ...
3. Le jeu se fait dans une toute autre atmosphère que l'expérience scientifique (les conditions d'un tournage en plateau, avec maquillage, techniciens, cameras, etc.).
4. Aussitôt le "jeu" terminé, on prévient immédiatement les candidats du caractère truqué des décharges et du montage, en cherchant tout de suite à les rassurer ... Cela n'a-t-il pas faussé "la mise en scène" ? Cela n'explique-t-il pas pourquoi certains des pseudo-spectateurs (payés, recrutés - le documentaire le montre très bien pour une fois) n'ont pas cru à tout cela et ont eu assez vite le sentiment que c'était trop gros (voir les témoignages sur le forum de FR2)?
- et je ne pense pas que l'explication par le déni après coup soit ici forcément recevable ...
5. Malgré l'intérêt d'un tel documentaire (vulgarisation de l'expérience de Milgram, dénonciation des pouvoirs de la télévision, prise de conscience des mécanismes de la soumission, etc.), peut-on dire qu'on a là une occasion d'auto-critique de la télévision ? On peut fortement en douter ... Milgram regrettait la manière dont les médias avaient pu récupérer ses résultats avec un certain sensationalisme. Milgram participait d'un regard critique sur les mécanismes de la guerre, du génocide mais aussi sur le pouvoir des institutions et notamment celui des professions intellectuelles (avec Arendt également), mouvement critique qui s'est développé et prolongé dans les universités de Berkeley à Nanterre dans les années 60. Peut-on voir un tel mouvement aujourd'hui ?
Cordialement, et en remerciant l'auteur du blog pour la qualité de ses écrits,
Leyla.

Anonyme a dit…

Rectificatif de Leyla.
Je me permets de revenir sur mon message du 28 mars. Après avoir vérifié les différentes versions de l'expérience de Milgram, je m'aperçois que les deux variantes dans lesquelles le sujet testé est accompagné dans sa tâche par des pairs ne correspondent pas à ce que j'avais indiqué. Dans l'une, les pairs se rebellent ce qui fait chuter à 10 % les sujets obéissants. Dans l'autre, le pair est obéissant et envoie lui-même les décharges mais le sujet testé est spectateur passif (avec 93 % d'obéissance maximale cette fois !) ... Dans son ouvrage sur le "si fragile vernis d'humanité", notre hôte regrette à juste raison que Milgram n'ait pas continué dans cette voie, à savoir la mesure des effets du conformisme. Il évoque ensuite les expériences des années 70 de Lataney et Darneley sur le "témoin inactif", qui, dans ma mémoire, avaient dû se confondre avec une sorte de 19ème version de l'expérience de Milgram.
Je rectifie donc sur ce point : les organisateurs de l'émission et commentateurs scientifiques n'ont pas négligé une expérience qui n'a pas été faite par Milgram. En revanche, je maintiens l'idée qu'ils ont réalisé une expérience nouvelle (pas seulement en transposant l'expérience de référence dans un jeu télévisé) en introduisant des spectateurs à la fois passifs et actifs, au lieu de la situation de confrontation unique entre le sujet et l'expérimentateur.
Avec mes excuses et en souhaitant que la discussion se poursuive.
Leyla.

michel terestchenko a dit…

Cher Bernard, Je suis absolument d'accord avec vous : la question est d'abord politique. C'est pourquoi à la suite du Vernis fragile, où l'accent était porté sur la responsabilité individuelle, j'ai consacré un livre à la politique de la torture et à l'idéologie fallacieuse qui pretend la justifier. Donc, oui, ce sont d'abord les auteurs de ces institutions destructrices qu'il faut mettre en cause, et non pas simplement les individus qui, dans leur faiblesse, sont comme pris au piège.