Nul doute que le documentaire réalisé par Christophe Nick, "Le Jeu de la mort", financé par France 2 et que la chaîne publique doit diffuser les 17 et 18 mars, va constituer un événement médiatique et relancer le débat sur la méchanceté de notre humanité ordinaire.
Voici donc quatre-vingts hommes et femmes, appartenant à toutes les couches de la société, qui, après avoir été recrutés pour participer à un jeu télévisé (pilote ou réel), ont accepté, dans l'immense majorité des cas, d'envoyer des décharges électriques croissantes, jusqu'à 480 volts, à un sujet parfaitement innocent (en réalité, un complice) chaque fois qu'il se trompait dans la réponse à un test de mémoire, simplement parce qu'ils en avaient reçu l'ordre de la part d'une présentatrice vedette qui, face aux caméras, les incitait vigoureusement à continuer. Près de 80 % des participants (appelés "questionneurs") à cet exercice, qui n'avait vraiment rien d'un divertissement, se sont transformés, sous les acclamations d'un public entraîné par un chauffeur de salle dans un décor pharaonique, en purs et simples tortionnaires prêts à faire souffrir atrocement, voire à tuer, leur partenaire - du moins est-ce ce qu'ils croyaient. Ce dernier, à mesure que le voltage augmentait, protestait des souffrances subies, par des cris, des hurlements, puis par un silence des plus alarmants.
Christophe Nick et le philosophe Michel Eltchaninoff viennent de publier un ouvrage, L'Expérience extrême (éd. Don Quichotte, 294 p., 18,50 euros), qui dénonce le pouvoir que la télévision exerce sur nos esprits, surtout lorsqu'elle s'abandonne aux dérives perverses de la télé-réalité. Celui-ci reproduit, à un certain nombre de variations près, la fameuse expérience sur la soumission à l'autorité, menée par le professeur de psychologie sociale de l'université de Yale, Stanley Milgram, entre 1960 et 1963, en vue de comprendre les atrocités commises par les nazis pendant la seconde guerre mondiale.
Première conclusion accablante : à bientôt cinquante ans de distance, et malgré tout ce que nous sommes censés avoir appris sur la Shoah, les comportements passifs d'obéissance des individus, lorsqu'ils sont confrontés, même avec une anxiété réelle, aux ordres d'une autorité destructrice à leurs yeux légitimes - ce facteur de la légitimité est déterminant - l'emportent toujours sur le petit nombre (près de 20 % dans l'expérience Zone extrême, autour de 35 % dans l'expérience standard chez Milgram)de ceux qui se comportent, à un moment donné, en individus libres, responsables et, par conséquent, rebelles.
Il ne saurait être question d'entrer ici dans les détails des dix-huit variations que Milgram a introduites, ni des aspects spécifiques à la version revisitée sous la forme d'un jeu télévisé. Nous insisterons cependant sur un point important. Aussi bien pour les auteurs de L'Expérience extrême que pour les psychosociologues les plus connus auxquels ceux-ci se réfèrent (principalement Stanley Milgram), ce sont la situation et les circonstances dans lesquelles ces participants se sont trouvés placés qui expliquent leur conduite, et non quelque trait de caractère qui tiendrait à leur personnalité. En somme, pour reprendre l'expression de Philip Zimbardo, il s'agit de "bonnes pommes" qui ont eu le malheur d'être placés dans une "barrique maléfique". Une fois la duperie révélée, les questionneurs dociles se sont vu expliquer par une équipe de psychologues qu'ils n'avaient pas à se sentir coupables, car seule la situation était en cause ; du reste, les autres avaient agi comme eux.
Il ne fallait pas qu'après s'être comportés comme de parfaits tortionnaires, ils perdent, en plus, confiance et estime de soi. Qu'en serait-il si l'on devait appliquer aux meurtriers, pris dans des conditions réelles de génocide de masse, une compréhension aussi accommodante ? Reconnaissons que la question est pour le moins délicate.
Même si l'on désire admettre l'influence prépondérante des facteurs liés à la situation ou à l'environnement sur le comportement, doit-on pour autant exclure tout ce qui revient également aux dispositions personnelles ? C'est là un débat qui agite les théoriciens de la psychologie sociale depuis des décennies. Les enquêtes personnalisées menées, huit mois plus tard, auprès des participants de cette fausse émission montrent pourtant que certaines dispositions individuelles ont joué un rôle explicatif dont on ne saurait minimiser l'importance.
Cela est une donnée scientifiquement intéressante, et socialement capitale : existerait-il un antidote à l'aveuglement de la soumission ? Contrairement à ce que prédirait une position "situationniste" radicale, il est, en effet, possible d'identifier plusieurs variables individuelles liées à l'obéissance. C'est ainsi que les sujets sont d'autant plus incités à obéir qu'ils adhèrent aux valeurs de la coopération sociale et de l'amabilité et qu'ils sont socialement intégrés. Inversement, ceux qui se sentent le moins satisfaits de leur sort ou ont une inclination au refus de statu quo social ont une bien plus grande propension à la rébellion. Il existe une grande différence entre "être pris par les circonstances" et la capacité à leur "faire face", et cette capacité se rapporte à une manière personnelle de se rapporter au monde et aux autres qui est le propre de ceux qui savent ne rien perdre de leur présence à soi et de la fidélité à leurs principes. Ce que ces résultats indiquent, c'est que l'action désobéissante est plus difficile pour les personnes les plus intégrées dans le système.
Enfin, doit-on conclure de ce "jeu" que la télévision est devenue un instrument nocif au point de nous conduire à commettre les pires atrocités ? La conclusion prête à nuance. De fait, les conditions spécifiques d'un plateau télévisé, la présence du public et d'autres facteurs encore constituent des facteurs aggravant l'obéissance massive des sujets. Mais celle-ci s'était déjà manifestée à grande échelle dans le laboratoire d'une prestigieuse université américaine.
Il demeure scientifiquement impossible d'accréditer la thèse d'un pouvoir supérieur de la télévision par rapport à d'autres autorités, les conditions d'une comparaison rigoureuse n'étant pas présentes. Ce qui n'enlève rien à la force du message. Les dérives de la télé-réalité doivent être dénoncées lorsque celle-ci conduit les personnes à accepter de commettre des actes aussi graves et dégradants, pour eux-mêmes et pour les autres, qu'elles ne commettraient pas en d'autres circonstances. Mais ce n'est pas la télévision seulement qu'il s'agit, en l'occurrence, de mettre en cause. Avec elle, il faut dénoncer toutes les institutions sociales qui établissent et développent en leur sein cette dynamique perverse de la soumission à une autorité malfaisante. Et comment ne pas songer à ce qui se déroule quotidiennement dans l'univers clos de bien des entreprises ?
L'actualité récente a montré combien les facteurs de la destructivité ordinaire et les dynamiques de l'obéissance qui y sont à l'oeuvre peuvent conduire certains employés au désespoir et au suicide. Le système n'explique pas tout. Au coeur de tout système, il y a toujours des hommes. Les uns qui décident et ordonnent, les autres qui exécutent, ceux enfin qui en subissent les conséquences, parfois mortelles.
29 commentaires:
Bonjour,
Important débat que celui-là. Je porte à votre connaissance, le dossier "la Télé nous rend-elle mauvais?" du Philosophie magazine de ce mois-ci. Il s'appuie beaucoup sur cette émission dont vous parlez et le livre publié à sa suite.
La nuance déjà apporté par l'un des articles, c'est qu'il est difficile de conclure à la supériorité de la nocivité de la TV sur les gens. Bien des défauts sont imputables à la TV, à la passivité qu'elle entraîne, mais non point comme le juge l'édito de A. Lacroix (bien qu'il nuance vers la fin). Accuser la TV est une manière de redoubler cette absence à soi en se déresponsabilisant de ce gestin "anodin" d'allumer la TV et de zapper. Cette présence à soi que Lacroix dans ce même édito appelle à sa manière "rendre sa propre existence plus intense", implique non pas une autonomie mais une passivité radicale à soi-même afin d'en jouir, et non plus une passivité à l'autre, dans une alienation. Mais cette passivité à l'autre implique cette passivité à soi mais qui devient absente à soi, oubli de soi... Réellement? Ne suis-je pas celui-là qui a agi? Non pas seulement d'un point de vue grammatical ou juridique, suis-je seulement agi (par les circonstances, la situation)? Quel est ce noeud où je prends en charge ma propre action?
M.S.
http://mindofconcrete.blogspot.com/2008/09/voter-et-liminer.html
C'est une petite nouvelle que j'avais écrite par rapport aux dérives des médias.
N'hésitez pas à en faire la critique.
Ouf ! Je m'etonnais de ne pas encore vous avoir lu sur ce sujet...
"Il ne fallait pas qu'après s'être comportés comme de parfaits tortionnaires, ils perdent, en plus, confiance et estime de soi. Qu'en serait-il si l'on devait appliquer aux meurtriers, pris dans des conditions réelles de génocide de masse, une compréhension aussi accommodante ? Reconnaissons que la question est pour le moins délicate"
Vertige de l'expérimentation... N'aurait-il pas été préférable d'en profiter pour insister, justement, sur l'effroyable banalité du mal et sur cette fameuse fragilité de chacun ?
Cher Manuel, j'ai lu les articles dont vous parlez. Je publie également un entretien dans Telerama demain. Je crois que c'est limiter inutilement la portée subversive de cette expérience (que j'ai vue hier soir à Paris) que de la réduire à une critique de la téléréalité, comme si ces "mécanismes" de passivité destructrice n'étaient pas à l'oeuvre dans bien d'autres situations.
Merci, Marc, je vais regarder cela.
Cher Patrick,
Il y a beaucoup à dire sur cette expérience (que je gardais en réserve depuis un certain temps, par obligation). Malheureusement dans un article, on est obligé de beaucoup raccourcir son propos.
Un peu plus dans le prochain Télérama de demain.
Bonjour,
j ai lu hier soir votre article dans le Monde. La fin de votre texte me fait réagir. La télé a été largement pensée et ses usages, effets continûment débattus (sur-estimés?). A rebours, il me semble que la philosophie n'a pas investi le monde clos des entreprises ; et pour cause, comment la rencontre d'un philosophe et d'une entreprise (du cac, pme, start up, agence...) peut concretement advenir? Pourtant ces nouvelles organisations humaines méritent d'être étudiées pour les raisons que vous évoquez si bien: "comment ne pas songer à ce qui se déroule quotidiennement dans l'univers clos de bien des entreprises ?
L'actualité récente a montré combien les facteurs de la destructivité ordinaire et les dynamiques de l'obéissance qui y sont à l'oeuvre...". Sans parler des situations extrêmes de détresse absolue ayant abouti a des drames largement - traités par les medias, il me semble que l'univers de l'entreprise souffre d'une pénurie d'analyse et de réflexion.
Rester en dehors de la violence que l 'on impose à autrui ,voilà le maitre mot !
Cette expérience démontre les mécanismes humains quand il s’agit d’être dans « le consentement » non pas face à une idéologie mais à une indiscutable autorité, qu’elle soit de l’université ou de l’entreprise ou d’une institution médiatique.
L’expérience de Stanley Milgram aux USA, est, ce me semble, tout à fait reproductible quelles que soient la culture et la réflexion acquises (vous évoquez la shoah, mais comment agissent les industriels de l’élevage avec les animaux aujourd’hui ?). Elle repose à peine sur une culture quelconque, à part celle du culte du chef que l’on craint parce qu’il peut tout. L’entreprise est totalitaire, l’espace de liberté de chaque salarié est nulle, et elle utilise les méthodes éprouvées d’une hiérarchie au service de. Je ne connais pas suffisamment l’université, mais vu l’état actuel des consignes pour l’école, je ne doute pas des mêmes dérives, sauf à entrer en résistance et pratiquer la désobéissance civique, ce qui est encore un peu possible dans la fonction publique (j’évoque ici le système de fichiers imposé aux directeurs d’école sur les élèves).
La loi américaine sur la pratique de la torture dans une soi-disant une démocratie prouve, si cela était à démontrer, que le groupe des hommes est capable de cette insoutenable cruauté dès que ses intérêts particuliers sont en jeu. Mais hors des intérêts particuliers, à partir du moment où un humain se reconnaît et est reconnu dans une communauté (qu’elle soit de secte, de jeu télévisé, d’entreprise, d’élite intellectuelle, etc.) chacun de ses membres participe à ce que Chomsky appelle ‘la fabrique du consentement’.
Je crois que cette expérience implique que, dès l’enfance, les conditions psychiques s’accommodent, dans un moule prédéfini comme référentiel, des exigences sociales et culturelles données dans une société politique, et que, hélas ! jamais les esprits sont formés à une critique lucide sur eux-mêmes - pourquoi la philosophie, par exemple, est-elle soudain au programme de la classe de terminale, alors qu’elle devrait dès l’école élémentaire et tout au long de la vie fonder le pacte humain, et permettre un comportement éthique vis-à-vis de tout être vivant ?
Vous avez sûrement raison, Cécile. De là mon désaccord avec les conclusions de ce "documentaire". Ce n'est pas la télé qui est seule en cause. Il faudrait en effet voir les choses de plus près dans le monde de l'entreprise. Connaissez vous le beau livre de Christophe Dejours, Souffrance en France, Banalisation de l'injustice sociale ? qui traite de ces questions.
Vous pouvez également, si vous le voulez, lire l'entretien que j'ai eu avec une journaliste dans le nouveau n° de Télérama.
Merci de votre fidélité.
Merci, Héhé. Je suis assez d'accord avec vous, même si je nuancerai davanatage vos propos. C'est bien le consentement qui est en cause. En même temps, parler de consentement volontaire ne suffit pas, si on oublie ou que l'on nie complètement le poids des "situations" (comme le montre Milgram et ce documentaire).
Merci de votre commentaire.
Bonsoir,
Passionnante discussion ! Ce qui est troublant dans l'expérience de Milgram, c'est une sorte de panne de l'empathie: pas suffisamment puissante pour abolir la souffrance d'autrui.
Cette passivité est choquante parce qu'elle remet en cause la possibilité d'assumer ses choix...
"Sciences Humaines" consacre un numéro à "l'enigme de la soumission"(mars 2010).
Chère Laurence,
Vous avez raison : une panne de l'empathie. En même temps, vous le verrez si vous regardez l'émission tous les candidats n'étaient pas non plus dénués d'empathie, ils éprouvaient une réelle anxiété éthique et psychique à faire souffrir, pourtant dans l'immsnse majorité des cas, ils continuaient malgré tout. En partie, parce qu'ils étaient là pour participer à un "jeu" et qu'ils ne pouvaient se résoudre, à la différence de quelques-uns, à le faire échouer.
Là où je ne suis plus tout d'accord avec l'analyse des spécialistes convoqués, c'est que ce serait la télé seule qui devrait être incriminée (comme si de semblables situations n'existaient pas ailleurs).
Bonsoir,
LA TV, oui, en dernier ressort... L'entreprise, certainement certaines... Mais que dire de l'Ecole ?
S'il est une institution où l'on apprend dès son plus jeune âge la soumission à l'autorité "légitime", c'est bien là, non ??? Penser que pisser boire et manger sont, dès 3 ans, rythmés par le diktat d'une seule personne pour trente enfants me donnent le vertige...
Et ce n'est que le basique, le trivial, mais le reste est à l'avenant malheureusement. Il n'y a pas un instant où les enfants peuvent, sans danger pour eux, ne pas être d'accord et ne pas vouloir faire ce que le "maître" leur demande... Dingue, non ?!
Ah non !?! Ce n'est pas dingue : personne ne semble trouver cela choquant...... Ce ne sont QUE des enfants ! Ils doivent passer par-là... D'ailleurs, nous y sommes tous passer, non ?!
Et les 80% de tortionnaires aussi...
Au delà de la télévision j'ai l'impression que lorsque la violence est institutionnalisée, dans le sens où il y a un encadrement autour de cette violence. Personne ne songe véritablement à remettre en cause les directives. Lorsque que quelqu'un présente une procédure à éxécuter, il prend la responsabilité du déroulement des opérations qu'on soit dans une entreprise, une armée, ou simplement dans les règles du jeu (Je pense que peu d'entre nous ont évité le jeu du pouilleux massacreur). Ça c'était déjà effectivement décrit dans l'Expérience de Milgram.
Mais je pense que l'engagement du candidat est déjà en place bien avant qu'on soit dans le jeu. Le candidat est là de son plein gré pour accomplir une "expérience stimulante". Encadré, notamment avec les autres candidats, peu de personnes refuseraient... Après tout ça n'est qu'un jeu. Le manque d'empathie est alors piégé. Dans un tournoi où chacun risque la même chose. Chacun fait comme tout le monde et parfois mieux que tout le monde. Il faut rafler la mise... Aller plus loin que les autres, après tout, ils auraient fait la même chose à notre place. Ça, c'est le côté manipulation (voir Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens)
Sachant que les émissions de télévision font le tri pour choisir leurs candidats... Nous avons une sélection de bonnes poires, candidats idéaux pour le jeu. Particulièrement, prêts à jouer et heureux de participer. Il ne reste plus qu'à monter l'émission tournées en studio. Donner l'illusion par le médias de masse que tout le monde a la possibilité de participer et que chacun est capable de faire comme le candidat lambda.
Dans les faits, nous avons affaire non seulement à une certaine manipulation des médias pour présenter un simple "jeu". Mais il y a aussi une certains goût du sang, voir le candidat souffrir stresser, subir le suspens le temps d'une émission. La télévision dans ce cas recrute les candidats qui justement font preuve d'hésitations. Mais je dirais pour finir que si ces émissions marchent c'est bien parce qu'on les regarde. Quelque part le plus honteux... Ça n'est pas ceux qui les proposent mais aussi ceux qui les regardent.
Bonsoir,
Je suis enseignant-chercheur en psychologie sociale au LAPSCO à clermont-ferrand et je fais des recherches sur la soumission à l'autorité. Ce que je trouve étonnant dans tout ça, c'est que pour des raisons éthiques les chercheurs spécialistes du domaine ne reproduisent plus l'expérience réelle. Depuis plusieurs années, nous avons développé des techniques d'environnement immersif qui permettent de reproduire et d'étendre les travaux de Milgram sans prendre aucun risque au niveau de la santé mentale des participants! Si cela vous intéresse, j'ai un article 'in press" dans l'european journal of social psychology à ce sujet. Si les comportements des participants peuvent sembler inquiétants, j'avoue pour ma part être un peu étonné des comportements des personnes à l'initiative de ce reality show qui ont choisi de prendre le risque d'atteindre l'équilibre psychologique des participants.
Bonne soirée,
M. Dambrun
LAPSCO CNRS UMR 6024
Cher Dambrun. Je suis tout à fait d'accord avec vous. C'est pourquoi les organisateurs et les scientifiques accueillent les candidats (qui st allés jusqu'à 460 volts) à la sortie du "jeu" en leur disant de ne pas s'inquiéter : la situation est seule responsable et leur comportement a été "normal". A mon avis, un discours qui, sur le fond, est intenable (lorsqu'il est porté par une interprétation situationiste radicale). La plupart ont dit par la suite avoir tiré un bénéfice personnel de cette expérience.
Je serai évidemment plus qu'intéressé de lire votre article.
Soyez tous honnétes et responsables ,ne jouez pas les martyrs ,les candidats ont été utilisés comme des cobayes et le CSA c'est rendu coupable de complicité,il faut pousser les candidats à porter plainte contre les producteurs...aristote_912@hotmail.com
Je pense que cette expérience n'avait pas vraiment pour but de démontrer l'influence de la télévision sur les téléspectateurs (entendez par là ceux qui sont assis dans leur canapé, indignés par ce qu'ils voient, mais comment ont ils pu?), persuadés qu'ils auraient fait partie des 19% des "rebelles".
Non. Cette expérience avait pour but de démontrer l'influence que peuvent avoir sur n'importe lequel d'entre nous des lumières et des caméras de télévision. L'autorité incarnée là par l'animatrice ne fait que renforcer les choses. Sous les feux des projecteurs, on aurait tendance à faire ce que nous pensons que les autres attendent de nous, puisqu'on est là pour ça. Même sans rien à la clef. Cette autorité peut être la télévision aussi bien que l'entreprise ou qu'autre chose.
Bien sûr, nous passons beaucoup de temps devant le petit écran, nous assimilons ce que nous voyons, parfois, je dirai même souvent de façon inconsciente. Ce que l'on voit de chez soi, nous influence quand on est de l'autre côté de l'écran. On obéit à l'autorité (présentateur/trice, chauffeur de salle...), on fait ce qu'on nous dit de faire. On ne risque pourtant rien, juste de ne pas être intégré, de décevoir.
On dit souvent que chacun a le libre arbitre, que l'on sait faire la part des choses, différencier le bien du mal. Mais les actes? Sous une influence "supérieure", toutes nos valeurs, nos convictions sont mis au second plan. C'est faible, c'est normal, c'est humain.
Concernant l'émission en elle même, j'ai quelques interrogations. Le public était il "au courant"? Si oui, ils sont tout aussi "complices" car aucun ne s'est levé et insurgé n'est ce pas?
Il serait aussi intéressant de savoir, maintenant que l'émission est diffusée, comment les "candidats" qui sont allés jusqu'au bout vivent cela? comment supportent ils le regard de leurs proches? de leurs entourages? Car il y aura certainement des gens qui penseront qu'ils sont "capables de tuer". Alors que rappelons le, leurs actes étaient parfaitement normaux, nous ne sommes pas sûrs de ce que nous mêmes aurions fait à leurs places. Certainement pareil, même si on veut croire que non.
Pour répondre à la question de savoir si le public était au courant. Non, il ne l'était pas, pourtant aucun des participants, récrutés par une société spécialisée, n'a protesté ni n'est sorti.
Marc a évidemment parfaitement raison. Si les émissions de télé réalité ont du succès, c'est parce qu'il y a des gens pour la regarder !
Mais je reviens sur mon objection centrale : ce n'est pas la télévision qui est en cause, parce que ce type de "mécanisme" fonctionne parfaitement dans bien d'autres situations. L'école en effet. Laurence a raison. Le problème, c'est qu'il faudrait que l'école enseigne tout à la fois le respect de l'autorité - celle qu'elle incarne - en même temps que la vigilance critique à l'égard de l'autorité, lorsque celle-ci est injuste ou dégradante. Et là, c'est vraiment trop lui demander !
Un collectif se crée pour porter plainte contre France 2 ,le csa et les producteurs car ils ont utilisés les candidats et les spectateurs comme des cobayes avec tous les conséquences graves que cela a sur nos enfants et l'avenir des candidats qui passent maintenant pour des bourreaux.Vous étes tous concernés avocats ,journalistes,télé-spectateurs ,la loi Huriet interdit d'utiliser des candidats et de leur mentir sur la motivation profonde des producteurs.Réagissez.aristote_912@hotmail.com
La question déontologique soulevée par cette plainte est importante et devrait être discutée sérieusement. En même temps, les "candidats" ont la liberté d'engager eux-mêmes des procédures. Je ne sache pas qu'aucun l'ait fait. Il n'empêche, ce type de situations où les individus sont piégés alors qu'ils n'ont pas entre les mains les termes explicites du "contrat" n'est certainement pas "fair play" - c'est le moins que l'on puisse dire ! S'agit-il d'un délit puni par la loi ? vous semblez le suggérer. La suite nous en apprendra davantage...
Bonjour,
Je ne sais pas si c'est la "même" Laurence, mais en tout cas un individu devrait être capable de distinguer ce qui est légitime et ce qui ne l'est pas. Ce n'est pas seulement l'intelligence critique qui est en panne mais autre chose, complexe à définir.
Je serais aussi intéressée par l'article de Dambrun (psychologie à Clermont-Ferrand). Pouvez-vous me le faire parvenir?
Merci.
Laurence H
Chère Laurence,
J'ignore quel est cet article dont vous me parlez. Pouvez-vous m'en dire davantage ?
Rebonsoir,
Oui, il s'agit de l'article de M. Dambrun (journal de psychologie sociale à propos d'un test). Merci.
Laurence
Je vais me renseigner et chercher à me le procurer.
Bonsoir,
Merci beaucoup.
Laurence Harang
extBonjour,
J'ai découvert cet article grâce à une étudiante rencontrée pendant les examens de master à distance.
Je ne connaissais pas ce test de Milgram.
Je suis indignée certes, mais je trouve qu'il manque des informations concernant tous ceux qui n'ont pas accepté de participer à un tel jeu et ceux qui n'ont pas voulu se soumettre au contrat. Il manque aussi, les critères de sélection. Tout cela, il me semble, nous n'en savons rien.
Je travaille dans la maroquinerie. Pour me former à un tel métier, j'ai eu l'occasion de travailler dans différentes entreprises. Il y en a une en particulier, qui me vient à l'esprit lorsque j'ai lu cet article. Une sous traitance gérée à la manière d'une manufacture, avec du travail à la "semi" chaîne.
400 salariés, des femmes pour la plupart, gérés par une famille. Un jour, les ouvriers ont demandé pourquoi, soudainement, ils n'avaient plus le droit de toucher une prime sur la participation au chiffre d'affaire. Sans syndicat existant, le patron a parlé en ces termes:
"Ecoutez, au Vietnam, dans notre succursale, ils sont payés avec un bol de riz et ils sont contents, alors ne vous plaignez pas et dans le cas contraire, sachez que la porte est ouverte!"
Au coeur de la Bourgogne, avec peu d'offres d'emplois, près de 400 femmes "sans qualifications", payées au lance-pierre, se voient un peu dans une situation similaire à celle ou l'on a un révolver sur la tempe. On a le choix entre mourir ou obéir. C'est un choix, mais dont l'issue est de toutes les façons, dramatique.
Avec des enfants à nourrir pour la grande majorité, que faire?
Il y en a qui sont parties, oui, mais, ne trouvant pas de travail, elles sont revenues!
La phrase de la présentatrice dans l'émission, "ne vous inquiétez pas, c'est normal", que vous soyez allé jusqu'au bout. Ne culpabilisez pas. La normalité, quel vilain mot!
Pour ces ouvrières, je peux vous certifier que non, ce n'est pas normal! Elles ne le considèrent pas ainsi, mais bien comme un choix si restreint, qu'elles doivent absolument choisir de se sacrifier pour leur famille.
Pourquoi chercher à déculpabiliser les questionneurs tortionnaires?
Comment se remettre ne question si on nous pousse à penser que c'est "normal"?
Evidemment, ces gens sont nos semblables et qui sait, si je ne me serais pas laissée embarquée dans cette obéissance mécanique? Néanmoins, je refuse d'admettre que cela soit "normal"!
De cette manière, j'appuie ce qui a été dit dans les commentaires précédents, le responsable n'est pas la télévision, c'est bien nous.
Si l'on pense que c'est normal de faire le choix d'oublier que nous faisons du mal à un tiers, ou que nous faisons le pari terrifiant de penser que cela ne doit être qu'une supercherie, alors on peut tout aussi penser:
"C'est normal, c'est de la faute de la télévision, les projecteurs, la présentatrice, tout ça est responsable de mon comportement."
Cela revient aussi à dire:
"Lorsque je regarde la télévision, c'est donc elle qui me dicte comment penser et quoi penser."
Cela ressemble un peu à la conclusion du test.
Comment accepter cela?
Indignée, oui je le suis.
Effrayée, je le suis aussi, car si un aussi grand nombre de personnes sont des tortionnaires, pourquoi pas moi?
Je n'ai pas vécu cette expérience ainsi.
J'espère que garder ce doute en moi, me permettra de toujours avoir le recul et l'humanité nécessaires pour rester sur mes gardes!
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