"Imaginez une vallée alpine où coexistent deux espèces d’arbres, le pin à écorce blanche (Pinus albicaulis) et le sapin des Rocheuses (Abies lasiocarpa). En bas de la vallée, là où il fait bon vivre, leur distribution est aléatoire. En haut, là où les conditions de vie sont plus difficiles, on ne trouve les sapins qu’autour des pins. Mieux, il a été mesuré qu’en bas de la vallée, lorsqu’un pin meurt, les sapins voisins poussent mieux. En haut, lorsqu’un pin meurt, les sapins poussent moins bien… Cette expérience, réalisée dans les années 90, est l’une des premières qui ont fait l’objet de mesures. Poursuivant leurs travaux, les pionniers de la « facilitation » chez les plantes (voir encadré Concept), ont fait le tour du globe pour voir s’ils pouvaient tirer de ces observations une règle générale. Réponse en 2002 dans la revue Nature: sur 11 sites aussi différents que l’Arctique, les déserts ou les forêts tropicales, où l’on trouvait un gradient de conditions faciles-difficiles, et sur 115 espèces de plantes, les chercheurs ont observé de la compétition dans les endroits où il fait bon vivre (9 sur 11) et de la coopération là où les conditions se gâtent (11 sur 11). C’est ainsi que l’écologie (des plantes) redécouvre officiellement l’autre grande loi de la jungle : l’entraide."
Lire la suite sur le site de la revue :
16 commentaires:
Cher monsieur Terstchenko,
Peut-être que le mot "entraide" est un peu fort en ce qui concerne les plantes... "coopération" conviendrait sans doute mieux.
Cependant, je suis toujours émerveillé de contempler la largeur de votre esprit, et la facilité que vous avez à exposer des sujets APPAREMMENT "simple", pour en faire ressortir toute la substance philosophique (le fait d'être d'accord ou non avec vous n'ayant en soi aucune importance bien sûr).
Ainsi, sur ce sujet, j'oserais dire ceci : tout être exprime une âme (serais-je aristotélicien malgré moi...?) et les âmes, à leur tour, participent d'une même âme. Ainsi, en ce qui concerne les végétaux, nous pouvons dire que l'âme qu'ils incarnent est caractérisée par le repos le plus total. La mort est un retour "à la racine", sans rire, qui permet à notre âme de se réexprimer entièrement sous sa forme végétative. Puis minérale. Ce passage effectué, peut-être que nous nous réunissons à L'Un : L'Un étant donc plus proche du végétal (sérénité, paix, harmonie, fraîcheur...) que l'animal. Nous devons donc lutter avec la bête qui est en nous pour préparer cette voie royale qu'est la mort.
Apprendre à mourir... Tiens donc, et si Montaigne avait raison ?
Merci, cher Mathieu. Je préciserai simplement que ce n'est pas moi qui parle, dans ces échanges, d'entraide mais l'auteur de l'article. Mais coopération va tout aussi bien s'il s'agit de dire ce que les travaux des écologues ont découvert.
Il y aurait donc aussi une certaine forme de sagesse dans la nature,non pensée, non réfléchie mais néanmoins efficace et au final moralement bonne. Ceci étant, même si le constat des travaux des écologues nous invite à penser qu'il y a une "sagesse" du développement des "êtres" végétaux,une harmonie des comportements (le terme est inadapté car il relève du langage de la volonté)rien ne nous permet d'affirmer réellement une "intelligence" du vivant végétal si ce n'est par analogie avec les comportements humains. La coopération des végétaux, l'entraide, ne pourraient elles pas être interprétées plutôt comme une simple adaptation au milieu ? La mise en application d'un code de survie ? Mais ce qui est quand même remarquable c'est qu'on ne peut être pas nier une forme de communication qui n'est pas une communication humaine, qui n'est pas réfléchie, mais qui débouche sur un partage de l'espace naturel et sur une exploitation "raisonnable" des ressources locales, et les pratiques humaines (pollutions diverses, etc...) prouvent chaque jour à l'échelle mondiale combien ce problème à résoudre est crucial et vital... Et pour le coup, c'est dans ce sens là qu'il faudrait faire jouer l'analogie, et écouter la sagesse de la nature. On a employé les mots de coopération, d'entraide, mais on pourrait aussi parler de partage ; partage pas forcément consenti, planifié, pensé, mais réussi et réalisé concrètement : une sorte de sagesse du dehors. Pour répondre à Mathieu, nous devons à mon sens rester ancrés dans la vie pour penser toute sa problématique, même celle de la mort, dont à vrai dire, excepté quand nous aurons franchi l'ultime barrière, nous ne savons pas grand chose. Philosophons sur la vie en pensant que la vie nous précède et qu'elle survivra à notre mort individuelle. D'autre part, comme le montre le commentaire de M.Terestchenko, il me semble que les végétaux (ou l'âme qu'ils incarnent) ne s'apparentent pas au "repos le plus total" mais bien plutôt à un dynamisme porteur d'enseignements.
Il me semble que l'intention de M. Terestchenko est essentiellement de relever que les processus et comportements que l'on peut constater dans la nature sont multiples, complexes et ne peuvent être réduits à la seule lutte. On y rencontre aussi des formes de coopération. Une pierre dans le jardin de ceux qui continuent de s'armer, de façon caricaturale, de l'argument du "struggle for life" pour naturaliser, et donc rendre incontestable sinon à contester l'ordre naturel des choses, leur vision éthique, psychologique et sociale basée sur le seul intérêt individuel.
Bonjour Jean-René,
Oui, il faut penser à la vie, c'est sûr ! La mort ne doit pas devenir un échappatoire. Mais l'agitation qui caractérise la vie animale, et donc la nôtre, semble être tempérée par l'espoir d'un Salut dont l'essence consisterait en un repos. C'est là qu'interviennent nos petits êtres verts : ils offrent le cadre par excellence pour l'épanouissement de ce sentiment. Sans parler de la lumière du soleil... Et tiens donc, la photosynthèse !
Je déplore que les philosophes, aujourd'hui, délaissent complétement Schopenhauer. C'est le SEUL philosophe à avoir présenter la théorie la plus complète, la plus tragique, mais aussi la plus belle, sur la Nature, à travers sa conception du monde comme Volonté et Représentation.
Cet article évoque Bergson pour moi , lorsqu'il s'intéresse à la classification des êtres vivants de la plante dont la seule conscience est celle qui lui indique de tendre sa matière vers la lumière, à cet être complexe qu'est l'homme. Bergson indique que la conscience accélérée de l'homme lui à fait perdre l'instinct ; au contraire, les êtres primitifs on conservé l'instinct, au détriment de l'intelligence.
C'est un point de vue qui met l'homme et les autres êtres vivants dans une définition de même nature, à des degrés différents.
Du coup, l'homme semble rentrer dans le schéma naturel, et, contrairement à ce qu'il prétend, bien qu'étant le seul à être doté du sens moral, il perd cette auto-promotion ontologique.
Enfin le complexe de supériorité dont il souffre sur le reste de la création s'efface : il n'y a plus de différence de nature entre l'homme et le radis, il n'y a donc pas lieu de justifier la domination de l'un sur l'autre.
Mon analyse est bien sûr caricaturale, pourtant elle met en avant une autre nécessité de préserver la biodiversité que l'impératif utilitariste : l'exigence morale envers le monde animal que nous partageons, hommes ou plancton.
Ou diable allez-vous trouver tout cela, Michel ? Merci, en tout cas.
Avec le temps, l’homme cherche à panser les grandes blessures narcissiques occasionnées par les théories de Darwin, Freud et Copernic. Et il a choisi de tenir à distance la nature, de la regarder de loin. La nature est devenue un objet que l’on possède, dont on devient le maître, dont on vient à bout. A la lecture de cet article, je ne peux m’empêcher de penser que l’homme est plus enclin à étudier la nature, à exploiter ses ressources, dit autrement à l’objectiver qu’à s’y sentir partie intégrante. L’écologie, étymologiquement l’étude de la maison, ne semble alors qu’une pièce abandonnée, un cagibi d’une maison occupée par l’économie, une servante en somme dépendante des règles en vigueur dans la maison des hommes. L’entraide, la coopération, la collaboration seraient en vigueur dans la nature? Elle est en vigueur parmi les hommes. Qu’allons- nous entreprendre pour coopérer avec notre écosystème ? Je crains que l’on en reste à l’analyse et qu’il faille du temps pour réduire l’écart entre les discours empreints de bons sentiments et les actes. Je redoute même qu’un jour les arbres prennent conscience de l’adversité, se constituent en forêts armées et viennent nous demander des comptes.
Le pin est une espèce invasive pionnière à la montagne. Il se présente donc comme un arbre facilitateur qui ouvre une nouvelle niche écologique potentielle au sapin qui ne saurait spontanément s'y installer ou y survivre. Une fois le pin disparu, la niche disparaît, le sapin aussi..
Imaginons une foire ouverte à qui veut vendre. Toutes les places intéressantes sont disputées, (sapin et pin en milieu facile) et un homme, peu commerçant, sans place, veut quand même vendre... il reste à sa disposition un couloir de faible circulation où les acheteurs sont inattentifs et stressés. A la fin de ce couloir, il découvre un autre vendeur très performant qui sait attirer les clients. Il se pose à coté profitant des conditions favorables ainsi crées, et vend.
Pour les humains on parlerait, je pense, non pas d'entraide ou même de coopération, mais d'opportunisme!
Ce travail repose largement sur la théorie de l'évolution, et effectivement si on abandonne la théorie du contrôle divin, face au mouvement perpétuel de création/destruction, notre écosystème terrestre semble être une scène de cauchemard à la Hobbes. Darwin, qui avait emporté sur le beagle les Principes de géologie de Lyell, chantre de « la lutte permanente pour l'existence », a vu dans ce monde que l'espace et la nourriture était source de compétitions terribles. « Le struggle for life ».
Mais cessons d'oublier que sa théorie se pose sur l'idée que « la nature est un tissus de relations complexes », que rien ne pourrait vivre de façon indépendante de liens, que chaque animé survie par les interactions sociales.
Darwin était fasciné par les cas de « co-adaptation », d'interdépendance (le gui ne parasitent que certains arbres, ses fleurs n'attirent que certains insectes, ses graines que certains oiseaux)
Darwin a même posé le principe de divergence, -sans en tirer toutes les conséquences possibles, il est vrai- : « la progéniture modifiée de toutes les formes dominantes et croissantes tend à s'adapter à de nombreuses places hautement diversifiées dans l'économie de la nature »
Face à la compétition pour les même substrats de vie, intrinsèquement limités, la nature opte pour la diversité, l'originalité. Cela change radicalement du « struggle for life » communément véhiculé...
L'être vivant qui nait différent, par cette unicité peut avoir accès à des moyens de subsistances non identifiés comme tels, sans lutter.
Lu comme l'expérience, face à des arbres qui « s'entraident », nous avons des milieux de vie « tolérants », qui acceptent la différence, voir la valorisent.
La nature comme lieu d'entraide et de tolérance. Pourquoi pas ?
Depuis les années soixante, nous sommes marqués par les désastres écologiques.
Darwin l'était par l'ambiance de son époque victorienne (la terreur du non civilisé, etc..;) et ses expériences personnelles. Relire Melville, aux Galapagos 6 ans après Darwin, est intéressant.
L'ambiance culturelle d'une époque fonde la science, la science fonde l'ambiance culturelle d'une époque. C'est un diallèle.
« L'entraide » de l'article n'est pas sans rappeler la milpa mexicaine, l'entraide des trois trésors, de la à valoriser « objectivement », scientifiquement, un certain type agroalimentaire...
Où faut-il y lire plus simplement une vieille querelle, que l'origine de la morale est naturelle?
Pour cela encore, et pour faire court :Darwin, The Descent of Man.
Angelina J-M (master2)
Nom d'un petit bonhomme sur un grand chêne, voici un sujet passionnant !
Je vous conseille vivement l'écoute de l'émission "Science publique" en date du 8 mars dernier sur le site de France Culture (http://www.franceculture.fr/emission-science-publique-les-plantes-possedent-elles-une-veritable-intelligence-2013-03-08).
On y apprend que des études récentes ont effectivement fait état d'une forme d'une forme de d'intelligence et de solidarité chez les plantes.
En effet, elles seraient non seulement capables de s'adapter à un environnement de façon remarquable, mais bien plus de coopérer entre elles. Par exemple, une expérience a montré que les arbres les plus âgés nourrissent les plus jeunes (expérience faite à l'aide de carbone placé sur les racines des arbres les plus anciens ; retrouvé quelque temps plus tard sur celles des plus jeunes arbres).
"Intelligence" ? "Solidarité" ? Ne me jetez pas la pierre, au titre d'une écriture anthropomorphique à l'emporte-pièce. Car c'est, par delà les découvertes scientifiques en tant que telles, tout l'objet du débat !
A savoir, à quelle condition peut-on appliquer les termes d'"intelligence", de "comportement" ou de "solidarité" aux plantes ?
S'agit-il d'une erreur méthodologique qui, bien loin d'aider à la vulgarisation légitime de découvertes scientifiques, dégrade l'objet même de la recherche ?
Au contraire, peut-on considérer que certains mots sont suffisamment flexibles pour s'appliquer à différentes réalités, et à différentes espèces vivantes ?
Est-il pertinent de penser que l'homme, en tout état de cause, doit produire un discours scientifique, et qu'à cet égard, il le fait avec ses mots à lui ?
Voici donc que de merveilleuses découvertes illustrent la question de l'articulation du langage à la réalité, dans le cadre d'une aperception scientifique du monde.
Dans les faits on n'observe pas d'auto anéantissement de la vie,de la nature.On étudie les végétaux, et on pose un sens sur un processus:il y a coopération.Est ce de l'anthropomorphisme?La phusis est un processus qui opère je dirais tout simplement,il n'y a pas de coopération...L'homme comme pour se rassurer sur le chemin modélisé qu'il a en grande partie pris(le modèle d'une société basée sur la compétition selon Albert Jacquard),fait des va et vient entre sa condition et la nature;alors il se pose ces qustions: le monde végétal,en l'occurence,coopére-t-il ?Ou est-il basé sur de la compétition...Consciemment ou inconsciemment la nature demeure comme ultime "guide" d'une attitude éthique à adopter.
Dans les faits on n'observe pas d'auto anéantissement de la vie,de la nature.On étudie les végétaux, et on pose un sens sur un processus:il y a coopération.Est ce de l'anthropomorphisme?La phusis est un processus qui opère je dirais tout simplement,il n'y a pas de coopération...L'homme comme pour se rassurer sur le chemin modélisé qu'il a en grande partie pris(le modèle d'une société basée sur la compétition selon Albert Jacquard),fait des va et vient entre sa condition et la nature;alors il se pose ces qustions: le monde végétal,en l'occurence,coopére-t-il ?Ou est-il basé sur de la compétition...Consciemment ou inconsciemment la nature demeure comme ultime "guide" d'une attitude éthique à adopter.
L’entraide entre les plantes. Cet article de Pablo Sevigne dans la revue « Imagine Magazine » est à mon avis vraiment passionnant. D’une part on trouve la manière de survivre, de la coopération et pour l’autre part on a la méthode de la compétition, la manière de ne dépendre de rien. Cette expérience des écologistes me rappelle fort les témoignages des gens qui ont dû essayer de survivre dans la deuxième guerre mondiale. Lors de la Bataille des Ardennes, des femmes, enfants et hommes qui ne se connaissaient même pas, ont vécu ensemble pendant des semaines dans des caves, sans rien.
Aujourd’hui à nos jours on ne peut même pas s’imaginer de vivre un jour dans les mêmes conditions.
Chacun essaye d’avoir le plus de confort pour soi-même.
Donc, c’est vraiment intéressant, pour les plantes comme pour les hommes, là où les conditions de vie sont difficiles ils redécouvrent que l’un a besoin de l’autre, et là où il fait bon vivre, chacun vie pour soi. Mais, dans aucune condition il ne faut oublier : citation de Jean de La Fontaine dans la fable l’Âne et le chien : « Il se faut entraider, c’est la loi de nature »
Cet article traite, me semble-t-il, d'aspects du monde dotés d'une vraie pertinence dans la recherche d'une réponse à la question: qu'est-ce que l'éthique? En premier lieu, les plantes sont, dans l'idée commune que l'on s'en fait, les êtres les plus déterminés et les moins sensibles aux conditions environnantes qui soient. Or précisément, les espèces considérées ne vivent pas une relation symbiotique dont la totalité des contours auraient été tracés par leur matériel génétique. Leurs relations inter-spécifiques varient en fonction du milieu où elles se trouvent. Donc (1) elles sont sensibles à plusieurs aspects de leur environnement, ce qui débouche sur un comportement différencié à l'égard de celui-ci,
(2) ce sont des dispositions à se comporter de telle ou telle manière qui sont fixées génétiquement pas, à ce qu'il semble, des contenus de ces dispositions. Ce qui nous amènent à une série de questions:
Y a-t-il des "bases naturelles" à l'éthique? Et pourquoi n'y en auraient-il pas? La coordination inter-individuelle puis la coopération sont-elles les prémisses de l'éthique.....
Merci pour cet article
Commentaire en 2 parties :
1ère partie
De la réflexion sur les interactions entre les espèces de la flore, aux enseignements de la crise sanitaire du coronavirus
L’article portant sur « l’entraide entre les plantes » publié sur le blog de M. Terestchenko en mars 2013 met en évidence les interactions entre les diverses espèces de la faune. Ces interactions sont au cœur de la biodiversité qui colonise tous les milieux, de la canopée des forêts aux profondeurs abyssales des océans, des mammifères aux microorganismes, et qui constitue le tissu vivant de la planète ; elles sont extrêmement complexes et ne se traduisent pas nécessairement par des compétitions mais par des affinités électives voire des complémentarités qui conditionnent la survie de certaines espèces.
Ces réseaux d’interdépendance entre végétaux, animaux voire entre végétaux et animaux constituent des écosystèmes continentaux et marins qui sont menacés par les activités humaines souvent peu précautionneuses voire délétères à l’égard des équilibres biologiques et chimiques terrestres nécessaires aux espèces vivantes. En effet, depuis 50 ans, l’homme a conscience que notre planète est menacée, par l’érosion de la biodiversité liée à l’accélération du rythme d’extinction des espèces induite par le bouleversement de leurs conditions de vie, le déclin de groupes d’espèces, la désorganisation des réseaux écologiques par les limites de résilience des espèces au réchauffement climatique causé par l’homme « industriel », qui ne cesse de se dégrader, sous le poids de pressions croissantes, des sociétés humaines. Et on ne peut que constater que l’appel au développement durable s’inscrit souvent dans des débats politiques qui font prévaloir les intérêts individuels, voire des enjeux économiques, à l’intérêt général et tend à galvauder la noble cause de la défense de la biodiversité.
La crise sanitaire que nous traversons aujourd’hui en 2020 se fait ressentir à l’échelle planétaire ; elle témoigne une nouvelle fois, des dysfonctionnements de notre planète ; n’est-il pas du devoir de l’homme de lire le texte qu’il vient de vivre en le ramenant à soi pour en comprendre le sens, puis à s’ouvrir à l’altérité ? L’heure n’est-elle pas venue pour l’homme de prendre soin de la planète et de reléguer les enjeux industriels et économiques au second plan alors que l’homme lui-même en tant qu’espèce Homo sapiens présentant une diversité phénotypique et génotypique fait partie intégrante de la nature et se situe lui-même dans la biodiversité.
Commentaire en 2 parties :
De la réflexion sur les interactions entre les espèces de la flore, aux enseignements de la crise sanitaire du coronavirus
2ème partie
N’est-il pas de la responsabilité de l’homme, à l’aune de cette nouvelle ère qui succèdera à la crise sanitaire du coronavirus, de faire infléchir ce déclin de la biodiversité pour permettre la survie du tissu vivant de notre planète ? Un défi est lancé aux hommes de planète pour asseoir leurs ambitions socioéconomiques qui orientent leurs activités humaines, sur les modèles des mécanismes écologiques, sociaux et économiques régissant la dynamique de la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes. Il s’agit peut-être d’un vœu pieux une nouvelle fois formulé. Néanmoins, en oeuvrant face à la crise actuelle de la biodiversité, l’homme contribue à sa propre survie.
La tendance de l’homme à vouloir dominer la nature pour contrebalancer sa faiblesse avait été mise en lumière par Pascal dans ses pensées en ces termes : « L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant. » L’homme seul dans la nature à être doté de la capacité de penser et conscient de sa faiblesse, a toujours été enclin à affirmer sa supériorité sur la nature. L’homme face au coronavirus et à la tragédie humaine qu’il a causé peut enfin prendre conscience, par l’expérience, qu’il ne domine pas la nature dans laquelle il s’inscrit, voire se révèle bien faible face à elle.
N’est-il pas temps de faire écho à Jonas qui plaide en faveur de la responsabilité de l’homme sur l’avenir de la planète, à la nécessité de bâtir une éthique, devant les menaces mettant en péril la nature de l’homme, en construisant conjointement et consensuellement une société où nos préoccupations environnementales prévalent dans la détermination des ambitions des productions humaines, des conditions de leur réalisation, et ce, dans l’intérêt général car il importe à ce stade, de définir un niveau adapté de préservation de la nature et de la biodiversité qui s’imposera à tous comme une politique commune.
Que les actions de l’homme puissent reposer systématiquement sur des considérations de la nature, car celui qui ne voit pas la nature, ne voit pas l’homme et en niant sa propre existence, met en péril les sociétés humaines.
La publication de Michel Terestchenko met en évidence les mécanismes d’échanges de nutriments, conduisant à la coopération et à l’entraide entre les arbres. « La compétition ne serait ainsi pas la seule loi du vivant, contrairement à une idée reçue ».
Il apparaît en effet que deux organismes vivants peuvent s’associer ; une telle association permet à l’organisme de se développer, soit pour son propre intérêt, soit pour un intérêt commun, soit en nuisant à l’autre organisme vivant. Ces modes d’association correspondent respectivement aux organismes saprophytes, aux organismes qui s’associent en symbiose ou encore aux organismes parasites.
Une des symbioses les plus connues est celle qui associe le chêne et la truffe ; un échange de nutriments contribue ainsi à leurs vies respectives. Des organismes vivants présents notamment sur la peau et dans le tractus digestif sont saprophytes pour l’homme et inoffensifs. Tel n’est pas le cas des virus qui se logent dans les cellules vivantes et nuisent à l’homme. Ces associations se justifient par au moins un intérêt. Elles peuvent être qualifiées d’entraides mais visent à une finalité naturelle et vitale. Peut-il s’établir des liens entre organismes végétaux ou animaux qui soient dénués de tout intérêt pour l’un et l’autre des organismes ? Car force est de constater que cette entraide résultant de telles associations met systématiquement en action un organisme dont la démarche est intéressée pour subvenir à des besoins vitaux. Cela signifierait-il donc que l’association sans intérêt ne serait pas prévue dans la nature des végétaux et des animaux ? La démarche d’altérité serait-elle donc propre à l’homme ?
Une telle démarche est illustrée par celle du don. Le don, objet par excellence de l’anthropologie, lorsqu’il est volontaire, anonyme et gratuit et ne relève d’aucune obligation de la part du donateur, peut s’inscrire dans une démarche de vrai don de soi car sans contrepartie, sans retour. Tel est le don de sang, de gamètes, de tissus voire de parties de certains organes voire d’organes en post-mortem, au profit d’un autre. Quel est le motif qui gouverne alors une telle action porteuse de valeurs de partage, de solidarité, de générosité ? Est-ce la création d’un lien social virtuel ou l’amour de l’homme qui le relie aux autres humains, à l’humanité ? Il s’agit d’un acte pur en deçà de tout intérêt, un acte vertueux traduisant un sens noble de la générosité. Nous abordons alors l’éthique du don. Chaque année, l’agence française de Biomédecine lance une campagne de sensibilisation aux dons de gamètes, de moelle osseuse (cellules souches hématopoïétiques), de tissus (et d’organes en post mortem) et appelle ainsi l’attention des citoyens sur la possibilité pour chacun de réaliser un tel acte, susceptible de sauver la vie de patients, d’autrui comme un autre moi-même. Cette générosité, est-elle bien une vertu si elle ne s’accompagne d’aucun sacrifice ? L’article « généreux » de l’Encyclopédie, écrit par Voltaire assimile la générosité qu’elle réserve à quelques-uns, aux sacrifices qu’elle exige, et comporte la mention suivante : « Dans le monde tel qu’il est, la générosité est la vertu des héros ; le reste des hommes se borne à l’admirer ». On peut néanmoins, indépendamment de tout sacrifice associé, aborder l’acte du don comme un acte tourné vers l’autre, qui privilégie l’autre et qui est gouverné par un élan vers l’autre. Cette dynamique spontanée, désintéressée, d’expansion, ne tend-elle pas alors à se confondre avec l’amour ?
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