Songe-t-il l'acrobate déchu à cette parole de Machiavel, lui qui connut l'amertume d'une longue disgrâce sans avoir commis de faute : "La fortune élève un homme au sommet et le jette à terre, afin qu'elle en rie et qu'il en pleure" (Capitolo de la Fortune) ? Dans le cas présent, le sadisme d'une divinité malveillante n'y est pour rien. La réalité a rattrapé un homme, brisant en miettes l'arrogance - mais quelle bétise finalement ! - de celui qui voulait dissimuler la gravité de ses délits et l'impudence de ses mensonges. Pourtant, au-delà de l'enchaînement des causes, qui n'a rien de mystérieux ni de terrible - à qui donc peut-il s'en prendre sinon à lui-même ? - il y a quelque chose d'imposant dans ces grandes chutes qui font trembler l'édifice du pouvoir, révélant au grand jour - c'était la leçon même de Machiavel - sa profonde et très humaine fragilité.
Les conséquences politiques de l'affaire vont bien au-delà de l'homme qui les a déclenchées et elle ébranle ceux dont le principal tort est probablement d'avoir manqué de prudence ou d'avoir péché par excès de confiance. Est-ce seulement une faute ? La réponse est oui. En politique, il n'y a pas d'innocence. C'est ce qui fait toute sa grandeur tragique.
39 commentaires:
Bravo pour cet article !
Néanmoins, deux ou trois éléments me laissent sceptiques ; j’ai l’impression que cette affaire est d’avantage prise au sérieuse que les précédentes, que le système médiatique et que le monde politique cherchent à nous rassurer sur le fait que les coupables seront bien déchus, à une période ou paradoxalement l’atmosphère sur le sujet est plutôt calme. Personne n’est sans ignorer les nombreuse « affaires » qui ont émaillées le XXème siècle, de la fin de la troisième république aux scandales de la reconstruction, ou même les nombreuses suspicions qui pèsent sur de grands industriels (Bouygues, Dassaut et Roger Patrice Pelat pour ne citer qu’eux). Pourtant, les hommes politiques ayant trempé de près ou de loin dans ces méfaits sont, pour la plupart, resté membres actifs de la vie politique.
Alors une question me taraude. À quoi est due cette vindicte publique. Pourquoi fait-on de Mr Cahuzac (coupable sans excuses au demeurant) le bouc émissaire, et l’expiateur de la vie politique Française. Est-ce parce que le gouvernement au pouvoir a promis l’exemplarité ou est un nouveau contre coup de la montée des extrêmes qui met en panique la vie politique Française ?
Merci encore Mr Terestchenko et à bientôt !
Sérieux *
émaillé *
restés *
Pardon pour mon orthographe, pas évident de se relire sur un ordinateur.
LV.
C'est peut-être le défaut de la philosophie que de nous changer en spectateurs désabusés du monde politique mais, pour ma part, je n'arrive pas à voir dans cet événement autre chose que la simple chute d'un homme bien mal avisé.
Tant et si bien qu'à mon oreille, cette formule présidentielle, "outrage à la République", sonne creux.
Je dirais même qu'il y a, dans cette façon de vouloir par le verbe sacraliser la chose commune quand elle est mise à mal, une posture qui m'a toujours gêné.
J'y vois, pour un homme politique, une manière de faire la montre, et de servir son ambition personnelle. Les choses les plus sacrées n'ont pas besoin d'être sanctifiées par des formules de circonstance.
Du reste, tout montre que rares sont ceux qui se montrent à la hauteur de ce que devrait être une noble République. Alors pourquoi s'offusquer lorsqu'une telle absence de noblesse est mise au devant de la scène ?
Cette affaire présente le mérite de nous rappeler à une certaine réalité. Et il n'y a rien de mieux pour nous faire avancer vers le mieux.
Détrompez vous !
je crois fermement que le système démocratique dans lequel nous vivons, le "moins pire des systèmes politiques", n'est pas éternel, et que les éléments qui viennent entraver sa bonne marche,s'ils sont trop scandaleux pour être acceptés par nous autres, le peuple, peuvent mettre en péril son existence ! Nous avons tord de croire que les choses qui sont resteront. C'est pourquoi il faut s'offusquer, sans cesse avec plus de rigueur, des comportements indécents, et punir ces criminels en cols-blanc. Car la fraude fiscale est un crime moral envers tous les Français lorsqu'elle est commise par celui chargé par eux de la faire cesser.
"Soudain, le voile se déchira et le mauvais drame, ordinaire et vulgaire qui se tramait en sourdine dans les coulisses, loin des apparences de la scène où tout est beauté, honneur et gloire, s'invita au spectacle de manière fracassante. "
...
"Nous ne savons pas encore quelle fin l'auteur de la pièce, un vrai machiavélien à n'en pas douter, réserve à son héros. Mais quoiqu'il en soit à l'avenir, nous savons déjà qu'il a joué avec nos nerfs. Car si la déchéance de l'acrobate, aux prises avec son instinct de mort, était inscrite dans l'ordre des choses, l'attestation publique qu'il n'est personne qui ne soit un jour rattrapé par sa propre réalité, dans le même temps, intuitivement, nous sommes saisis (du moins est-ce le cas pour moi) par une sorte de vertige métaphysique,(...) "
Terestchenko Michel.
Le cirque n'est pas forcément un bon spectacle, pour qui a le cœur sensible...
Angelina J-M (master2,SEPAD)
Pour participer à une assemblée des nains il suffit d’être nain ; et un nain qui dénonce un autre nain, ne gagne absolument rien en grandeur.
Regardons un instant la tracée de courbe inclinée de la grandeur des politiciens après la deuxième guerre. La courbe commence par De Gaulle, Georges Pompidou, André Malraux et les autres encore. Elle se dégrade d’une manière constante et régulière jusqu’aujourd’hui.
Ce qui opère cette inclinaison, à mon sens, autrement dit ce qui persuade les grands de se retirer de la politique, se trouve dans l’idée et la conception que nous avons de pratique en général et la politique particulièrement. Nous scindons la réalité originale de l’homme en théorique et pratique, et coupons les liens organiques qui les lient. Du coup, le politicien se voit dans la peau d’un stratège de guerre qui doit « à tout prix » gagner une bataille. La politique, à ce stade, devient une affaire objective et sort automatiquement des domaines de moral et de valeur. Car ce qui justifie la stratégie menée c’est le résultat obtenu. Etonnant, cette transformation de pratique ne déclenche pas l’indignation publique.
Moraliser la politique ne se fait pas par décret. Il faut revenir sur la scission de l’homme et la société humaine. Théorique et pratique sont indissociables.
Chère Angelina,
Je me suis demandé un instant qui était l'auteur de cette citation ! C'est vrai que je songeais à ce précédent, sans avoir relu mon texte, mais avec toujours la même impression de vertige et, présent à l'esprit, les paroles amères de Nicollo.
Niccolo, plutôt, et encore l'accent grave manque sur le "o" final.
Je rebondis sur le commentaire d’Abbas, que je trouve très juste. En effet, il semble y avoir un déclin des valeurs morales de nos dirigeants, si l’on observe l’évolution de la cinquième république. Est-ce lié à l’ère du temps ? Sans doute, mais cela permet aussi de faire le lien avec Machiavel. Chez le conseiller florentin, en effet, le prince doit parfois faire le mal, si les circonstances le requiert, mais la visée de Machiavel est toujours le bien de l’Etat : c’est avant tout un patriote qui aime sa république et qui, pour se faire, doit parfois agir immoralement. A l’inverse, les méfaits des politiciens actuels ne sont pas dus à un excès de patriotisme, mais à un égoïsme sordide. Il semble difficile d’assimiler l’évasion fiscale camouflée à la virtù machiavélienne !
R.Lecomte
Bonjour à tous, bravo Mr Terestchenko pour ce texte qui, une fois n'est pas coutume, évoque l'actualité, sans toute fois, et c'est là sa force, citer un seul nom ! Maintenant que les noms sont dévoilés dans les commentaires, je voulais ajouter que l'affaire de trafic d'argent, de compte en suisse, etc... est une chose qui est certes choquante mais dont ne s'étonne guère aujourd'hui car comme le disait Abbas nos dirigeants quelque soit leur parti nous y habituent de plus en plus. Mais là où je suis réellement choqué et écœuré c'est quand on apprend que notre cher ministre socialiste a magouillé tout cela avec des amis du GUD, proche de Marine Lepen. Et là c'est plus qu'une faute, car cela remet en question les idées et les valeurs qui semblaient être les siennes ou tout au moins qu'il prétendait être les siennes. L'argent qui réconcilie le socialisme et l'extrême-droite.... L'argent engendre t-il l'amour de l'ennemi ? Ou n'y avait-il là que des amis de longues dates qui partagent l'amour de l'argent ?
Jean-baptiste Richard, M1 SEPAD
"La fortune élève un homme au sommet et le jette à terre, afin qu'elle en rie et qu'il en pleure"
Cette phrase évoque le caractère potentiellement pervertissant de la célébrité, du succès et du désir de quête de reconnaissance sociale. En effet, si on la rapporte à l’affaire la plus récente, celle de la chute de Cahuzac, on retrouve cette notion de courbe croissante vers le pouvoir, qui décline pour s’achever plus bas qu’elle n’avait commencée. Après avoir été porté et récompensé par son poste de ministre du budget, Cahuzac connaissait la réussite, la gloire, et la reconnaissance des autres. A son apogée, cet homme a vu pourtant tout s’arrêter d’un coup à cause d’un acte illégal : l’existence de comptes en banque à l’étranger soustraits à la taxation française. A cela s’ajoute un caractère immoral, au sens, notamment, où l’intéressé a nié l’existence de ce compte. Il a menti. Finalement Cahuzac découvert, est démis de ses fonctions et est rejeté par la société à cause de son acte « impardonnable ».
Si cet homme n’avait pas été aussi haut placé, son acte n’aurait pas attiré l’attention et donc n’aurait pas été condamné par la société dans son ensemble.
S. Lastic (licence 2)
Excès de confiance, manque de prudence ; ça ce sont les fautes de l'homme déchu, celles qui lui font se mordre les lèvres.
Cynisme, sentiment d'impunité, conscience d'être au-dessus du lot commun, ce sont d'autres fautes, qui font le lien avec nous qui appartenons au lot commun.
Et nous autres, du lot commun ? Ne commettons nous pas de fautes ?
L'homme déchu est un révélateur qui met à jour les mécanismes imparfaits de ce que nous appelons justice et démocratie.
Sans lui, nous n'aurions pas à interroger notre complicité lâche qui alimente l'ogre en échange de miettes et de rêves.
Nous avons tort de jeter la pierre à l'homme déchu. Au final il nous rend service.
Gardons nos pierres pour les sourires hideux que nous adressons à ces hommes trop habiles pour pêcher par manque de prudence ; ceux qui n'ont pas déchu et qui continuent de se moquer de nous.
En politique il n'y a pas d'innocence, certes, et l'innocence parfois en politique est une faute. Mais s'il nous faut accepter une dose de culpabilité, au moins n'en soyons pas dupes.
Dominique Hohler, M1
Somme toute, hors de tout contexte politique, il n’y a dans cette affaire qu’un mensonge mis au jour et avoué, faiblesse très humaine, et une faute contre l’exemplarité, faute morale et faute pénale sur laquelle il appartient à la justice seule de se prononcer. On peut toujours parler d’un manque de prudence ou d’un péché par excès de confiance mais notre homme déchu a t-il agi simplement par défaut de prudence ? Oscar Wilde disait que « le seul moyen de se libérer d’une tentation c’est d’y céder » et « qu’il vaut mieux pêcher par excès que par insuffisance. » Nous sommes il me semble ici au-delà de l’excès de confiance et la tentation du gain a été à mon avis la plus forte. Mais celle-ci, appartenant au passé de l’homme déchu, devait-elle lui interdire, en son for intérieur, de prétendre à de hautes fonctions publiques ? Lui seul pouvait en juger mais en avait-il la force ? Et de retomber dans une seconde tentation… celle de la réussite et de la gratification politique. Le choix aura été fait en « conscience », on aménage à sa guise ses « tabernacles propres de l’âme » selon l’expression de Melville. Mise à part la crainte d’une crise politique doit-on s’affliger de tout ceci ? Doit-on condamner et jeter l’opprobre ? Non. Pas grand chose de nouveau sous le soleil. Peut-on, doit-on moraliser la politique ? Il est toujours bon d’espérer. Pour ma part, je ne ferai pas grand cas de cet événement politico-médiatique, qui, mutatis mutandis se reproduira très certainement et je souscrirais plutôt à la phrase de Pascal : « Peu de chose nous console, parce que peu de chose nous afflige. »
Jean-René Peggary Master1 SEPAD
La République et ses soubresauts, ou mieux, la République est ses soubresauts.
L'étude de la politique est aussi complexe que l'étude de l'âme humaine :
-d'un côté le sentiment, les forces, les faiblesses de caractère,
-de l'autre l'objectivité de se conduire dans un projet.
Comment peut-on parler de crise politique ?
Le peut-on sans se demander si la politique elle-même, n'est pas intrinsèquement vouée à un déséquilibre perpétuel ?
La réponse est non, et ce, pour plusieurs raisons.
Nous venons de l'évoquer, il y a déjà un conflit entre raison et cœur. S'agissant de l'individu, on a déjà une lutte entre les passions et la raison, s'agissant dune nation, il est aisé de voir que le clivage est encore plus manifeste, car il s'agit alors de passions contradictoires entre plusieurs individus. On pourrait, mais ceci juste pour être polémique, trouver le fondement droite/gauche selon cette scission ; la droite représentant la raison et la gauche servant le cœur.
Le déséquilibre de la res publica trouve son origine dans le fait même de la multitude. Un corps politique est un assemblage de corps humains, si l'on peut dire. L'agencement harmonieux de l'ensemble qui constitue une société, une nation, une civilisation,...est basé sur plusieurs principes : le principe de consentement, par lequel chacun abandonne sa liberté au profit d'un pouvoir politique, mais aussi le principe de distinction par lequel chacun choisit de mettre au gouvernement l'autre qui aura un plus à offrir à la collectivité : les Gardiens décrits par Platon dans la République, les rois à la destinée divine plus tard, les intellectuels à un autre moment...
Mais dès lors que l'un de ces principes est désavantagé, les conséquences sont énormes sur l'autre, donc sur le gouvernement de la Cité. Le principe de consentement explose lorsque les vertus mises en avant par le principe de distinction sont exagérées, faussées. On touche là un autre principe, celui de la confiance des gouvernés pour les gouvernants. Car la nature de la distinction fait que l'on confie le pouvoir à ceux qui connaissent mieux les moyens d'appliquer la politique qui est dans l'air du temps ; à partir du moment où la confiance vacille, l'équilibre est rompu.
à suivre...
Tout se complique encore, et déjà l'observateur distrait par ses occupations quotidiennes a déjà décroché, et renvoie la politique à un jeu dont il est exclus, lorsque se représente l'aspect transcendantal de la politique. L'élu est une transcendance de l'électeur vers une autre transcendance : l'État. Mais ce n'est pas une transcendance simple, c'est une transcendance en action, c'est une transcendance multiple : nous l'avons vu, c'est une transcendance du cœur du citoyen vers la Patrie (ou maintenant l'Occident) ; mais c'est également une transcendance des idées (sont-elles égalitaires, méritocratiques, capacitaires ?) ; c'est enfin une transcendance de projet de société, bref, une illustration de la quatrième question kantienne : « Qu'est-ce que l'homme ? »
Alors s'imaginer que la politique peut être reposant comme une partie de pêche au bord d'un étang, c'est ignorer hypocritement une partie du devoir de vivre ensemble.
C'était là l'aspect théorique de la question qui se pose comme un trouble aujourd'hui, une réponse à chaud.
Les réponses concrètes sont encore plus décevantes, parce qu'elles font entrer le mal, la faute. L'homme déchu a péché du point de vue moral, judiciaire, et même social.
Moral à cause du principe de distinction, mais pas seulement : du point de vue du principe de consentement, et, en corollaire, du point de vue du principe de confiance. C'est là que la bats blesse : ce n'est plus une faute de principe, pas lorsque l'on parle de confiance, car la confiance est du ressort de l'affectif ; sinon, il n'y aurait pas besoin d'élire nos représentants : il suffirait de réfléchir aux principes à mettre en œuvre et la désignation pourrait se faire par le plus grand des hasards. Il faut souligner ici qu'à l'origine -c'est-à-dire- au 5° siècle avant J-C, de nombreuses fonctions publiques étaient attribuées par hasard à celui qui voulait (ò boulémos). Cette désignation par le hasard n'a pas survécu à l'histoire -bien que certaines des Républiques italiennes et espagnoles aient conservé un usage partiel au tirage au sort. Quelle peut en être l'explication ? Eh bien c'est la séduction, le besoin de faire confiance, une certaine façon de placer de l'affectif dans l'objectif, ou manière d'être l'autre en demandant à l'autre d'être nous-mêmes.
Là encore les mots se mélangent : moral, social, judiciaire ne font qu'un en nous comme en lui (i.e. le représentant). C'est pourquoi nous sommes une totalité en déséquilibre, une transcendance de l'autre et que l'autre est notre transcendance.
Conséquences : on ne peut échapper à un déséquilibre perpétuel, il ne peut exister de paix en politique, les scandales surviendront toujours. Mais ce qui est rassurant, c'est que cette perpétuité est une garantie de vie sociale et politique, c'est que nous apprenons de nos erreurs. Un crise est née, elle va produire un saut, un apaisement surviendra. Jusqu'à une nouvelle crise...
Mais ce n'est peut-être pas le moment, en ces temps de difficultés économiques, pour la République de s'offrir une crise d'adolescence...
Déçu !
Je ne peux pas m’empêcher de m’interroger sur les réactions générées par cette histoire et sur cette facilité avec laquelle l’homme se laisse aller non pas tant à pardonner (ou tout au moins à comprendre) mais à condamner sans ménagements.
Quelqu’un vient de dire sur LCI « que cette histoire devait se passer un jour ». Il est vrai que lorsque l’on prétend laver « plus blanc que blanc », mettre en place une politique sans aspérités, sans défauts, « irréprochable » pour couper court et pour reprendre l’expression du patron de « l’homme déchu », on nie ce qui constitue l’homme qui est loin d’être parfait (même en politique ?)! Je pense que la vision déifiée de l’homme, est une erreur et l’addition à l’arrivée se paie cash ! La vertu du politique doit être une forme de prudence, une ligne d’horizon de navigation et non un point de perfection. Prétendre être exemplaire, c’est s’exposer, à la tache sur le linge immaculé, au discrédit dès le premier écart de conduite. C’est oublier l’imperfection et la faiblesse humaine au risque de dissoudre notre simple humanité à l’égard de celui ou celle qui a failli, qu’il soit politique ou non… L’expression « purification politique » utilisée par Mélanchon ce matin m’interroge autant que le mensonge de Cahuzac
Alors moi qui ne suis pas un irréprochable (et je suis un très mauvais homme dans mon intimité introspective, je vous l’assure), je préfère envisager dans cette perspective une compréhension (même foncièrement mauvais, j’ai de beau restes judéo-chrétiens, non ?) et ne pas lui jeter la première pierre, au risque d’en choisir une, à la dimension de la crapulerie planquée sous mon manteau.
marcus
L'inconstance de ce que l'on appelle fortune paraît tout à fait salvatrice pour l'homme d'une part et la société d'autre part. Car ce qui apparait clairement dans cette affaire c'est que plus l'homme s'élève socialement, moins la morale semble faire partie de sa vie, ou du moins, semble-t-elle difficile à conserver, tant la tentation de s'y soustraire est forte. C'est pourquoi il n'est jamais trop utile de rappeler à tous, hommes d'état comme simples citoyens que nul n'est à l'abri de la déchéance, et ce précisément parce qu'elle touche tout le monde, si ce n'est pareillement, inéluctablement, et que si l'on ne peut y échapper, nous pouvons tout de même en amortir l'effet en cherchant autant que possible à nous rapprocher d'un certain idéal de la morale.
Dans ce cas précis, les critères moraux de l'ancien ministre des finances sont en complète contradiction avec sa fonction comme le rappelait plus haut Louis Vannereau dans son commentaire. C'est pourquoi la colère et l'acharnement général à son encontre ne me surprend pas, ni même ne me parait injustifié. Comme le dit l'adage, "on récolte ce que l'on sème". En revanche, il parait dès lors trop facile d'instrumentaliser un évènement pour diriger la vindicte populaire contre un homme qui en plus d'être confronté à la justice, va être crucifié sur la place publique pour les crimes de tout une caste politique dont les innombrables truanderies ont rendus nerveux la communauté. C'est pourquoi le bon sens commande au calme et à la retenue, à la prudence mais aussi et surtout à la réappropriation de l'espace politique par le peuple, plutôt qu'au dégout et la mise à distance. Il s'agirait ici de condamner plus sévèrement un système plutôt qu'un homme. A propos des hommes, Gandhi disait ceci: "Quand je désespère, je me souviens que dans l'Histoire, la voix de la Vérité et de l'Amour finit toujours par triompher, que même si pendant un temps, les tyrans et assassins semblent invincibles, à la fin ils finissent toujours par tomber." Peut-on en dire autant des systèmes que l'on légitime et que l'on entretien, ces systèmes politiques qui datent de Machiavel?
Ce en quoi je rejoint totalement l'avis de Romain Delpeuch par rapport au caractère d'emblée compromis de la politique, et sa citation de Jossot me paraît plus que lumineuse si l'on se rapporte à l'affaire dont il est question ici.
Merci, chers amis, pour vos riches contributions et commentaires.
Les hommes dits "politiques" sont de nos jours plus humains que jamais.Face à un crise qui ne dit pas son nom, dans la politique qui est maintenant un métier comme les autres, le contrat à duré indéterminé n'existe pas,aussi la finitude électoral ou d'un remaniement de nos politiques,les amènent plus que jamais à penser comme stratège. pour s'assurer un coin au soleil au cas ou...Pour beaucoup de personnes,leur finitude les poussent à se penser deux,trois , quatre vies(peu importe qu'est rabâché le fait que l'on vit plus longtemps): une vie ne suffit plus.En plus d’être au pouvoir le ministre "se ministre" pour une vie,sa vie parallèle.Le ministère ne sert plus ,il se sert pour se réaliser en tant qu'individu,presque amnésique de ce pourquoi il a été élu et/ou désigné,on est dans dans le "sacro-saint individualisme" que nous savons tous l'étant nous même.J'ai ,la parole ici dans ce blog,j'exprime une opinion,et puis...Nous sommes dans le minima exprimatif, dans la médiocrité comme dans beaucoup d'autres choses.S'égrène au fils du temps devant nos yeux des affaires de corruption de fraudes etc...Et nous en sommes habitués quasiment comme si autre chose ne pouvait pas exister.Nous sommes sceptiques,cyniques,les deux attitudes forcées de notre époque moderne.
Ce qui rend d'autant plus terrible la situation des hommes ayant le pouvoir : il n'y a personne au-dessus d'eux... Ce n'est que lorsqu'une affaire éclate, que l'opinion publique est éclaboussée, que les choses peuvent changer. Le président n'est pas présidé, le juge n'est pas jugé, le ministre n'est pas "ministré"... Comme disait l'autre, le pouvoir tend à corrompre et le pouvoir absolu corrompt absolument.
Bonjour à tous, Comment expliquer cette intéressante péripétie qui agite semble-t-il davantage la presse et les politiciens que les Français? Il y a d’abord un sujet d’étonnement, on a promis aux électeurs un gouvernement exemplaire, dont la conduite ne serait pas mise en défaut ne fût-ce que par l’ombre d’un soupçon, toute personne ayant eu affaire à la justice serait d’emblée exclue du gouvernement. Ce qui revient à admettre que, même après avoir purgé sa peine, on reste souillé d’infamie, indigne de gouverner... Fort de cette belle intention, on n’a pas pris la peine de vérifier la blancheur des recrutés, c’eût été du flicage, et on ne serait pas tombé aussi bas. Ensuite, il y a le déni du fautif, qui a d’abord choisi de ne pas voir venir les conséquences de ses dissimulations, et a accumulé les mensonges jusqu’à ce qu’il lui soit devenu impossible d’échapper aux juges. Et puis ce choix impossible pour qualifier la faute, puisque ce qui est reproché n’est somme toute qu’un délit banal, un vol sans doute, et assez important même, mais cela n’en fait pas un crime. Or, c’est bien ainsi qu’on en parle, on a entendu des termes «trahison», «insulte à la République» pour ne citer que les plus corrects. Alors, quelle est la nature exacte de la faute? Serait-ce le lèse majesté? Nous devions être gouvernés par les meilleurs, des saints en somme, et quand les masques tombent nous découvrons avec stupéfaction que nous avons porté au sommet du pouvoir un homme normal...
Pour reprendre le commentaire d'Abbas, je suis désolée, mais les valeurs n'ont pas changé depuis le début de la Ve République : ainsi, Malraux était déjà un voleur (je fais référence au vol des bas-reliefs dans un temple cambodgien), doublé d'un faussaire (publication de faux journaux de Baudelaire). Ici, le problème n'est pas une perte de la morale, mais le lien éternel entre morale et politique...
Je pense aussi que, si l'affaire parait faire plus de bruit (même si je n'en suis pas sûre, l'écho d'affaires passées parait toujours plus faible que les trompettes des présentes), c'est parce qu'elle est initiée par un homme de gauche qui, en tant que tel, était censé être loin des scandales financiers, au moins dans l'imagination populaire.
Je prends néanmoins le risque de me faire l'avocat du diable : et si nous considérions Jérôme Cahuzac comme un héros dans son genre ? Car enfin, il brise le tabou du mensonge en politique, en avouant ouvertement que oui, lui et ses pairs mentent, tout le temps, et même si c'est un fait admis, c'est tellement rare de l'entendre dans la bouche des intéressés...
Nina, faire de Cahuzac un héros pour dire ouvertement qu'il a menti, c'est faire de Sarkosy le président modèle et de Strauskahnn l'homme modèle qui assume ses pulsions !
Je ne partage pas cette conception qui aboutira à un nihilisme politique où plus personne n'ira voté et où plus personne ne croira en rien.
De plus je suis étonné par le fait que toutes les remarques se focalisent sur l'aspect financier plutôt que sur les relations "peu fréquentables" de notre cher ministre qui aimerait rester député.
Tu as l'air de dire faute avouée faute à demi-pardonnée. Je pense que dire ouvertement "Oui je vous mens et tout le monde le fait et je veux rester dans la politique," c'est plutôt se moquer ouvertement des électeurs. Tout comme ceux qui sont sortants mais qui prétendent incarner le changement et al rupture.
Je suis désolée si mon commentaire portait à confusion, je vais essayer d'être plus claire. Je me faisais l'avocat du diable pour le plaisir du débat, pas pour défendre vraiment Cahuzac. De plus, Sarkozy n'a jamais avoué la moindre faute, et Strauss-Kahn a toujours nié, donc non, mon argument ne fait pas d'eux des modèles.
Faute avouée n'est certainement pas pardonnée, bien au contraire, elle sera punie.
Un politicien est un travailleur, un homme qui "bosse" dans son domaine par suite de ses talents, et ou pour se faire un nom et ou pour se faire une belle situation. C'est une étrange manie, mais comprhénsible au fond, qui pousse les hommes à projeter sur les politiciens certains des fantasmes de leur inconscient collectif : la bravoure, l'honneur, la vertu, le ministère juste et bon... Nous les voulons à l'image de nos idéaux, mais la réalité est tout autre. Et nous ne l'acceptons pas. Mais les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent... Ce débat, à mon sens, oublie de revenir à sa dimension PHILOSOPHIQUE. Laissons aux enfants leurs contes, et cessons de nous indigner parce qu'un homme ayant le pouvoir a fraudé... Nous fraudons tous à notre échelle. Eux, ils fraudent à la leur. Lorsque nous les attrapons nous les punissons, certes, mais il ne faudrait pas (je crois) brandir les étendards de la morale et de faire semblant d'être choqué. Oui, moi aussi je me fais l'avocat du diable.
Il y a parfois des hommes politiques intègres. Je suis en train de finir le nouveau livre de Bruno Le Maire "Jours de pouvoir", c'est remarquable et admirablement écrit, par lui de surcroît. Je vais le "chroniquer" bientôt.
L ‘acrobate est bien nommé puisqu’on est au cirque où les clowns moralistes se font illusionnistes des lions bien domptés, c’est à dire nous autres les moutons. La place est chère payée sous le chapiteau fiscale mais enfin le divertissement est imposable et donc obligatoire.
« Alors bon spectateur de tes impuissances,
Acclames, applaudis enfin suis la cadence !
Ne reste pas moins mou dans ton innocence,
Et envers nous, fais toujours place à l’indulgence ! »
Ainsi parle constamment le maitre clown qui rit de nous.
Conséquence démocratique des égalités plus grandes que d’autres entre les hommes. Heureux le naïf optimiste qui croit encore au paradoxe d’une époque ravagée par ses contradictions, et pourtant dans l’ordre des choses désordonnées, il appelle son ignorance « révolution ». Dans la hiérarchie du pouvoir, penser qu’il n’y a rien au-delà de la politique et de ses lois, c’est ne pas comprendre qu’elle a un rôle intermédiaire, joué par ses laquais clownesques, entre la « puissance d’argent » et le « peuple ». Ce même peuple qui n’a plus grande signification et qui ainsi, joue malgré lui son rôle de figurant.
Si je vais un peu loin suivez-moi donc, nous y sommes presque : Le politiquement incorrect en ces temps bénis me pousse à comprendre que si le gain matériel est le but ultime de notre époque, c’est bien parce qu’il y eut usurpation du pouvoir temporel par la caste des marchands, et si le mot caste gène certaines âmes sensibles, je nommerai cette dernière « bourgeoisie politisée ». La grandiloquence du sophiste mondain et apatride en est l’ambassadeur exemplaire. Hors d’atteinte, il impose ses propres règles assurant conséquemment sa victoire, il tire profit de l’impulsion émotive dont il est maitre d’œuvre et qui empêche la réflexion.
Ô l’ami ! Vois comme la réalité qui rattrape un homme en cache toujours une autre plus grande. Sache reconnaitre la diversion habile, et constate comme nous sommes choqués par la cerise (trop visible en saisons de crise) sur l’indécent gâteau, en acceptant du moins tolérant, que ce même gâteau soit le droit absolu des « ignobles gourmands » là où les « pâtissiers roturiers » ont le ventre creux pour devoir relatif.
Pou conclure ce qui ne peut être conclu, « l’homme déchu » nous démontre qu’il n’y a de véritable pouvoir sans abus de pouvoir. Grandeur tragique.
Madjid Mickael KZ (L3 Sepad)
S'agissant des "extrêmes", Médiapart disposerait d'informations concernant des comptes en Suisse détenus par J.M Le Pen...on parle même de Bernard Tapie...Bref on risque d'assister à un déballage médiatique nauséeux qui démontrera une fois de plus la collusion existant entre le monde des affaires et celui de la politique. Je rentre d'un séjour au Canada (province du Québec)où j'ai pu assister, par médias interposés, à la mise au pilori de leaders de partis politiques soupçonnés d'entente délictueuse avec des entreprises de BTP Manifestement le problême est récurrent dans la Belle Province. Le fonctionnement des institutions démocratiques favorise t'il ce genre d'agissements? Je n'en sais rien et personnellement je ne le pense pas. La nature du régime politique n'aurait rien changé à l'affaire. Est ce le pouvoir qui corrompt l'homme ou bien ce mal est il inhérent à la nature humaine? Il est indéniable que le pouvoir tend à favoriser ce genre de comportement. Mais pas seulement...On peut citer les "dessous de table" et la recherche d'avantages particuliers qui sont des pratiques courantes se vérifiant dans toutes les strates de la société, surtout en matière commerciale. Rien de tels que des petits cadeaux ou des invitations au restaurant à l'appui d'une négociation pour emporter la signature d'un contrat. Pour en revenir à l'affaire Cahuzac, je ne crois pas à l'effet durable d'une moralisation de la vie politique. On entend ici et là que des mesures seront prises à cet effet (déclaration de patrimoine, exclusion de la fonction publique et autres fonctions électives, les professions incompatibles)Celles çi existent déjà pour la plupart et elles sont d'application effective. Il suffit de nous reporter pour celà au code électoral. Y a t'il vraiment une volonté de changer les choses ce qui expliquerait l'éviction du ministre? ou bien s'agit-il d'une simple manoeuvre de diversion? Je concluerais en saluant l'excellent travail de Médiapart qui nous a fait une belle démonstration de journalisme comme on aimerait tant en voir dans nos démocraties.
Laurent D.
Pierre-Yves (master 2 philo Sepad) :
Cette affaire est celle de trop mais reste d'une grande banalité selon moi. Il est connu et reconnu que nombre de nos élus entrent en politique et en profitent pour s'enrichir énormément.
L'argent et le pouvoir sont intimement liés dans nos sociétés. L'affaire Cahuzac est-elle plus scandaleuse que les centaines de millions d'euros donnés à Bernard Tapie par les bons soins de notre ex-ministre des finances ? Les perquisitions se multiplient, des ex-présidents sont mis en examens ... Toutes ces affaires se suivent et occupent la sphère médiatique e temps d'un week-end ou d'une semaine, jusqu'à ce qu'une autre lui succède. Que faire ? Pas grand chose à part assister à ce triste déballage sans moyen d'agir. Je ne sais pas si ces hommes méritent d'être analysés à l'aune du grand Machiavel. En revanche, une phrase de Nietzche dans Par delà le bien et le mal leur va à merveille : "Je cherchais des grands hommes, je n'ai vu que les singes de leur propre idéal".
Amicalement,
Pierre-Yves
J'ai souris devant cette ironie des circonstances qui aboutit à l'incrimination pour une fraude fiscale commise par le ministre du...budget. Mauvais endroit, mauvais moment et manque d'à propos d'un ministre réputé aussi aiguisé sur le plan intellectuel que les scalpels qu'il ne manipule plus depuis longtemps. Nous A-t-il trompé "notre" confiance. Tout à fait et ça n'est pas plus grave que ça, dans la mesure où donner sa confiance c'est aussi considérer qu'elle peut-être trahie.
Enfin, ce que j'ai vu, c'est un enfant de 10 ans dans un costume trois pièces, la bouche encore saturée de tagadas et qui jure qu'il n'a pas englouti le paquet de friandises.
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