La philosophe et historienne, Alexandra Laignel-Lavastine - qui vient de publier la traduction française, accompagnée de notes savantes, de l'admirable ouvrage de Matatias Carp, Cartea Neagra, Le livre noir sur la destruction des Juifs de Roumanie, 1940-1944,(Denoël, 2009) - participait à l'émission. Ayant accompagné, au titre de conseiller scientifique, le Père Desbois dans ses enquêtes sur le terrain en août 2008, elle a également fait part de ses réflexions critiques. A la suite de quoi, a été immédiatement mis fin à son enseignement au séminaire, qu'elle co-dirigeait avec Edouard Husson et Patrick Desbois, "Ecrire l'histoire de la Shoah aujourd'hui" (master 1, master 2 et doctorat) à l'université Paris IV-Sorbonne. Cette décision brutale a déclenché, aux dires de l'intéressée, une avalanche de protestations de la part de la communauté scientifique et de la part de nombreux journalistes français et étrangers.
Le Père Desbois serait-il donc devenu une icône intouchable ? Est-ce ainsi que doit être conduit en France le débat intellectuel, s'interroge Alexandra Laignel-Lavastine ?
A suivre...
3 commentaires:
« Querelle » autour du Père Desbois, par Alix Brijatoff, descendante d’une famille exterminée à Riga en 1941
Je ne suis que peu étonnée de cette controverse. D’un côté les historiens qui refusent que des non-historiens se piquent de faire des « trouvailles inédites » sur un sujet largement traité par « les universitaires » de Hilberg à Friedländer, Poliakov, A.Wivorka, etc…. de l’autre, le père Desbois, l’homme de foi - directeur du service national pour les relations avec le judaïsme auprès de la conférence des évêques de France. Il est « en service commandé » : parmi ces œuvres, celle de « permettre d’enterrer dignement les juifs tués en Ukraine en 1940/1941 (par les einsatzgruppen). Réconcilier les Chrétiens et les juifs, les faire dialoguer… L’ouverture des charniers est l’une des actions qui en sont issues.
Là où la polémique enfle depuis quelques mois, c’est lorsque les « vrais historiens » s’interrogent sur ses méthodes et en particulier sur 3 points qui posent problème :
- Les « témoins », la façon dont ils sont interrogés (librement, sous la contrainte…), la nature de ces témoins (ne seraient-ils pas plutôt des anciens « acteurs » des tueries… ce qui amène au second point
- La sous-estimation, voire la dénégation du rôle des ukrainiens dans les massacres et bien sûr dans les pillages (pendant et après)
- L’antisémitisme latent et toujours vif dans tous les pays concernés, peu ou pas évoqué.
Il faut souligner que les nazis (einsatzgruppen – à peine 3 000 hommes, Waffen SS et autres unités militaires issues de la Werhmacht) ont eu non seulement des « supplétifs » dans les populations locales (ukrainiens, polonais, estoniens, lithuaniens, lettons), mais aussi des agents très actifs, voire jubilatoires !
Le père Desbois se trouve dans le collimateur des historiens qui travaillent depuis longtemps sur ce sujet. Leur colère se cristallise sur le fait « la révélation », la médiatisation, la renommée, les honneurs et reconnaissance qui est faite « au découvreur . Création et personnage médiatique, synthétisés par le groupe de mots qui qualifie ces horreurs « la Shoah par balles ». « So what » pour le péquin moyen ? Y a-t-il tromperies, mensonges, médiatisation hors de proportions ?
À cette querelle de corporatismes concurrents, je réponds par le récit Tombes Lointaines », chez Robert Laffont que je viens d’écrire , descendante d’une famille exterminée à Riga que je suis. J’ai répondu à une « mission sacrée », non un devoir de mémoire mais un « devoir de vie ». J’ai rendu la vie à mes héroïnes (Ita, Brocha, Bluma) et à tous les autres. La torah dit que l’ «on est mort quand votre nom n’est plus énoncé». Je l’ai fait par une voix littéraire que je prête à Brocha - ma grand mère. Je me suis « ressouvenu» ce que nous racontait notre mère - Bluma. J’ai suivi le souhait de Simon Doubnov, assassiné le 8 Décembre 1941 à Riga , dont le journal n’a jamais été retrouvé : « Schreibt und ferschreibt », « écrivez et consignez ». Tout en respectant l’indispensable contextualisation du récit que j’ai brossé sur la partie de droite du livre.
Je résume mon propos par cette citation du talmud: « Il ne faut pas avoir peur du bonheur. C’est seulement un bon moment à passer ! ». C’est le ton de ce livre que j’espère vous lirez.
Le Père Desbois redonne cette vie d’une autre façon, celle chrétienne de la révérence aux morts , c’est à dire en leur donnant une sépulture , « leur rendant leur dignité humaine ».
Personne n’est de trop pour faire savoir et surtout mieux connaître les tenants et aboutissants de ces massacres de vies, de cultures, de passés , de futurs. Pour ma modeste part , je les ai fait revivre dans leur vie quotidienne. par mon cœur, par ma bouche, par ma main, par mes larmes .
Alix, votre formule "querelle de corporatismes concurrents" est vraiment bon public.
Les historiens, dans leur masse, ne participent à aucune campagne anti-Desbois, même si on trouve au départ de la polémique un ou deux jaloux.
Ce sont des journalistes qui, à présent, ont pris le relais : Emmanuel Laurentin, Emmanuel Lemieux, Thomas Wieder. Ils sont loin eux-mêmes d'être suivis par une majorité de leur profession, ou même une minorité quelque peu importante.
Bref, le soufflé retombe.
Cette critique d'une partie de votre propos ne veut pas dire que je désapprouve le reste.
Qui êtes vous donc ^pour critiquer ceux ou celui qui permet aux gens, aux témoins de parler ?
Je ne suis pas sûre que vous ayez raison ! Georgette
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