Avoir des enfants, aimer, s'engager dans la défense d'une cause, de nombreuses actions témoignent d'une sorte d'imprudence, car elles nous exposent à la contingence imprévisible du monde et nous mettent d'avance à la merci d'événements que nous ne maîtrisons pas. Mais que serait la vie sans ces risques que nous prenons et qui nous feront sans doute, l'heure venue, connaître la dimension tragique de l'existence, l'échec et le malheur, immanquablement ici-bas mêlés à la joie ?
On peut tenter de se mettre à l'abri et de vouloir mesurer prudemment ses choix - et d'une certaine manière il est juste de dire de la philosophie que dès Socrate elle s'est pensée comme une sagesse, voire une "technique" précautionneuse contre les périls de l'aventure humaine et les incertitudes de la fortune, de la tukhè, introduisant autant que possible la règle du calcul et de la mesure, c'est-à-dire de la commensurabilité des biens - mais il est de beaux risques qu'il vaut, malgré tout, la peine de courir, qui sont comme le sel de la vie. La "bonne vie" est un art délicat à la recherche d'un équilibre par nature instable entre l'exposition de soi à l'incertitude et la maîtrise de ce qui est à notre portée, en somme, entre ce qui ne dépend pas de nous et de ce qui en dépend.
La philosophe américaine, Martha Nussbaum, a consacré à ce thème un fort beau livre, The Fragility of Goodness, Luck and Ethics in Greek Tragedy and Philosophy (Cambridge University Press, 1986) dont je parlerai bientôt plus en détail.
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