On se forme l'esprit et le sentiment par les conversations, Pascal
samedi 15 décembre 2012
Dominique Fernandez, Tolstoï
Le grand romancier, Dominique Fernandez, vient de publier dans Le Livre de Poche, une magnifique étude, intitulée sobrement Avec Tolstoï. La personnalité complexe, l'itinéraire intérieur, les œuvres principales au style volontairement simple et impersonnel (si éloigné de celui de Dostoïevski), le génie douloureux de l'immense écrivain, son évolution de plus en plus subversive, ses luttes contre l'Eglise officielle, contre l'Etat, le "rousseauisme" de ce grand seigneur qui possédait dix mille livres et qui parlait couramment cinq langues, tout y est, sans prétention académique, mais nourri par une grande érudition et servi par une très belle langue. Le fruit d'une longue et très profonde fréquentation, écrit comme pour soi-même, pour mettre ses idées au clair, et qui se donne ensuite en partage. En fermant le livre, lu presque d'une traite, tant il est passionnant, je ne pouvais manquer de songer à ce qui rapproche Tolstoï de Michel-Ange, la puissance créatrice et le rejet sur le tard de l'art au nom d'une quête spirituelle plus haute, les déchirements de l'être, trahi par ses appétits charnels et qui cherche en vain à s'en délivrer, l'absolue consécration aux exigences de l'honnêteté avec soi qui est le propre des très grands artistes. "J'aime la vérité ... j'aime la vérité", telles furent les dernières paroles prononcées par Tolstoï. Ce livre est un très bel exercice d'admiration. Enseignerait-on de cette façon les grands écrivains à l'école ou à l'université, on les donnerait à aimer bien plus, hélas, qu'on ne le fait.
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7 commentaires:
Votre commentaire est si beau, si profond, si vivant… si pertinent ; que je n’ai rien d’autre à dire que : Merci.
Merci, Matthieu.
Cela m'évoque une autre belle preuve d'admiration à l'égard de Tolstoï : la lettre de Tourgueniev à Tolstoï écrite en 1883 : «Je suis sur mon lit de mort... Je vous écris pour vous dire combien j'ai été heureux d'être votre contemporain et pour vous adresser une dernière demande: mon ami, revenez à l'activité littéraire, grand écrivain de la terre russe, écoutez ma prière...»
Quelle belle dernière pensée !
Tolstoï rejetait alors ses romans passés et souhaitait se consacrer aux pamphlets et écrits religieux.
N'est-ce pas la lettre d'amour la plus belle, que l'on puisse faire : "J'ai été heureux d'être votre contemporain" !
Vous avez raison, cher Jean-Baptiste. L'homme était immensément admiré et aimé, du peuple surtout. On le voit à la foule qui suivit son cercueil. C'est qu'il s'était dévoué, avec une sincérité absolue, à ce à quoi il croyait de toute son intelligence et de tout son coeur et dans quoi tant d'hommes se retrouvaient et se retrouvent encore, si on prend la peine de le lire et de le suivre.
Merci pour ce beau témoignage de Tourgéniev.
je suis très touché par ces mots Michel.
Bonjour à tous,
Dominique Fernandez voyage, distant et proche à la fois, son coeur penche vers l’Italie, sa "patrie d’élection où l’on ne pourchasse pas trop sévèrement les hérétiques" écrit-il... Mais alors quel fil invisible relie-t-il l’Académicien à la Russie, la grande, l’impressionnante Russie? Dominique Fernandez pensait-il depuis longtemps à cet écrit, peut-être y travaillait-il déjà, si l’on en juge par la dernière phrase de son discours de réception à L’Académie Française en 2007: «Dostoïevski, qui était déjà psychanalyste et sociologue, aurait dû, pour être un romancier parfait, être aussi médecin.» Tolstoï était-il un romancier parfait aux yeux de son biographe? Entre son exigence de beauté et d’érudition, Fernandez n’a sans doute pas hésité longtemps. A-t-il a jugé utile d’apprendre le russe pour approcher le phrasé russe si particulier que nous traduisons trop souvent par de grandes lenteurs pesantes...? La pensée de Tolstoï, l’a-t-elle touché au cœur? Je ne vois qu’une issue, aller chercher les réponses dans le livre...
Chère Catherine, songez que Tchékhov (que Tolstoï connaissait, lisait et respectait) lui aussi était médecin. De Dostoïevski, qu'il n'a jamais rencontré, il n'appréciait que les Souvenirs de la maison morte, jugeant détestable les Frères Karamazov. Il est vrai qu'il s'en était également pris ... à Shakespeare ! Fernandez essaye de le sauver de cette faute forcément impardonnable et d'écouter ses raisons.
Merci à tous pour vos commentaires riches et chaleureux.
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