"Martha Nussbaum a inventé une philosophie morale et politique à même de renouveler la compréhension du féminisme, de la justice mais aussi du rôle des émotions, du développement humain et de la littérature. Cette œuvre n’est pas seulement impressionnante par la variété des thèmes abordés et le nombre de pages écrites ; elle l’est également par la méthode. Cette philosophe, titulaire de la chaire Ernst Freund de Droit et d’Éthique à l’Université de Chicago, revendique une forme d’abstraction toujours combinée à des recherches plus empiriques. Du point de vue de l’ancien partage philosophique issu de l’Antiquité grecque, elle est influencée par Aristote plutôt que par Platon. Dans The Fragility of Goodness, l’un de ses premiers livres qui porte sur l’éthique des anciens Grecs, elle fait d’Aristote le promoteur d’une éthique relationnelle à travers laquelle le souci des apparences prend la forme d’une réflexion sur la vulnérabilité du bien-vivre. [...]"
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8 commentaires:
Merci infiniment Michel de faire tomber cet article dans mon escarcelle!
Lorsque que j'ai traduit l'article de Elisa Hörhager que vous avez publié il y quelques mois, je partais de bien loin puisque je n'ai lu ni Rawls, ni Nussbaum...
Aussi la liste des capabilités évoquées restait un grand mystère : voici avec cet article une fenêtre sur la lumière!
J'ai quelques bricoles à régler d'ici la fin de l'année universitaire (une année de master) mais je brûle de découvrir tous ces auteurs qui sont, à mon sens essentiels pour comprendre notre monde.
Merci encore!
Je voudrais profiter de ce billet, à l'heure où nous nous interrogeons sur la politique, le développement des individus et de leur capabilités sans négliger la ferveur sociale, pour poster cet extrait, très fameux, du Meilleur des Mondes d'Huxley, dont la considération devrait devenir un devoir pour chacun (car nous nous dirigeons droit vers ce type de société.. cela a d'ailleurs déjà commencé) :
« Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes du genre de celles d’Hitler sont dépassées. Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes. L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées. Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif. Surtout pas de philosophie. Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser. On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux. En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté. Le conditionnement produira ainsi de lui-même une telle intégration, que la seule peur – qu’il faudra entretenir – sera celle d’être exclus du système et donc de ne plus pouvoir accéder aux conditions nécessaires au bonheur. L’homme de masse, ainsi produit, doit être traité comme ce qu’il est : un veau, et il doit être surveillé comme doit l’être un troupeau. Tout ce qui permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu. Toute doctrine mettant en cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste et ceux qui la soutienne devront ensuite être traités comme tels. On observe cependant, qu’il est très facile de corrompre un individu subversif : il suffit de lui proposer de l’argent et du pouvoir ».
Cet article de Fabienne Brugère donne une vue précise de la philosophie de Martha Nussbaum, laquelle aborde tous les sujets en mêlant l’abstrait et le pragmatique de manière érudite et originale. Les capabilités ne sont pas des droits au sens ou sont souvent compris les biens premiers de Rawls, mais la traduction sur le registre philosophique et politique de besoins et d’attentes que l’on peut rapprocher de ceux définis par Abraham Maslow considéré comme le fondateur de la psychologie humaniste.( Les théories de Maslow ont été ensuite utilisées dans les approches «centrées sur la personne» de la psychothérapie.)
Pour en revenir à notre philosophe, qui parle de droit, remonte aux principes qu’ils illustrent: si l’on reprend le clivage habituel entre liberté et égalité, où se situe Martha Nussbaum?
Tandis que de nombreux philosophes ont pris le risque de donner leur vision du bon gouvernement, de la bonne démocratie, il semble qu’elle en fasse l’économie dans ses écrits.
Si un Etat devait mettre au premier rang de ses priorités la satisfaction des besoins et attentes définies pas les capabilités, qu’est-ce que cela produirait? (je ne veux pas croire qu'Aldous Huxley ait par avance défini une réponse!)
On comprend la nécessité de réduire les inégalités, mais comment intégrer précisément ceux et celles qui, en raison d’un handicap, ne prennent généralement pas part au débat?
Faut-il comprendre la philosophie politique de Nussbaum comme une requête intelligente adressée aux démocraties pour les amender? Ou comme l’ébauche d’un plan ambitieux pour fonder une autre forme de démocratie?
Bonjour Romain,
Je pense que ça a déjà commencé, certes, mais que nous n'avons pas encore atteint la pleine réalisation de ce type de société.
Par exemple : le monde des mass médias. Franchement, ne sommes-nous pas inondés par des publicités abrutissantes ? Le sexe n'est-il pas omniprésent ? La pensée n'est-elle pas contrôlée ? Certaines personnes sont interdites de médias, à cause de leurs propos subversifs et gênants pour le pouvoir dominant. On apprend aux enfants la théorie du genre et on conditionne leur esprit avec des théories bassement islamophobes. Prenez l'exemple de la Syrie... Pourquoi 90% des consommateurs de médias sont convaincus que Bachar Al-Hassad est un "méchant" et que nous, nous sommes les "bons" ? Parce qu'ils ignorent la véritable situation en Syrie. Et pourquoi ? A cause des médias. En fait, les "résistants" syriens sont, pour la plupart, des sunnites.. or, la Syrie (et l'Iran) sont chiites. De fait, le conflit est de nature religieuse. En outre, la Syrie est un pays à éliminer tout comme ce fut le cas pour la Lybie de Kadhafi et l'Egypte. Et aujourdhui, que trouve-ton dans ces pays ? Des islamistes radicaux... Bonjour le printemps arabes. Les révolutionnaires ont été influencés par des réseaux comme Facebook. Ces révolutions ont servis les intérêts américano-européen dans la mesure où ces régimes, avant leur renversion, constituaient des remparts contre l'hégémonie et l'impérialisme new-order. Maintenant, comme c'est le cas avec l'Arabie saoudite ou le Qatar, nous pouvons tranquillement marchander le pétrole que les autres refusaient de négocier aussi facilement. On diablosie aussi l'Iran... mais avant de l'attaquer, il faudra déjà se débarasser des autres pays arabes-insoumis. N'oublions pas que la plus ancienne communauté juive du monde... est celle d'Iran (10000 pratiquants) qui bénéficient de tous leurs droits (l'Etat leur accorde même le droit d'utiliser de l'alcool, et ils ont des palces au parlement...) Bref, je pense que l'individu du 21ème est dans la bonne direction pour le meilleur des mondes !
La méthode de Fabienne Brugère relance la problématique de la signification même de la philosophie définie dans l'histoire comme étant la recherche ou la quête de la sagesse. Lorsque nous nous arrêtons aux transcendantaux de l'être réfléchis par la philosophie ontologique, la question du nombre se pose lorsqu'il s'agit de la sagesse: faut-il parler de "sagesses" ou de "sagesse". L'option du pluriel nous ramène sur le terrain de la démocratie. Et c'est là que la question devient perceptible. C'est dans cette perspective que je comprends surtout la profondeur de l'article sur "Martha Nussbaum ou la démocratie des capabilités".
Je note et commente ce bref passage : "Comment combattre les inégalités de genre à l'intérieur d'un système de pensée (le libéralisme) qui ne les reconnaît pas au nom d'une rationalisation des sujets ".
On se souvient du 'malheureux' projet de Martine Aubry il y a quelques années de proposer des actions politiques s'inspirant de la philosophie du "care". Projet malheureux car il lui fût reproché de pratiquer une politique "de femme" et de ce fait de déroger au sacrosaint universalisme. Cependant comme le précise Joan Tronto dans "Un monde vulnérable, pour une politique du care", le care n'est pas exclusivement féminin.
Je note également au sujet du long passage consacré à l'empathie et à ce que Martha Nussbaum appelle "l'imagination narrative" prémisse à l'élaboration d'une justice sociale effective, je note qu'être empathique ce n'est pas ipso facto être bon et compatissant. En effet cette 'capacité' ne présume rien de son usage possible en bien ou en mal. Hume le rappelait : en morale l'empathie est nécessaire mais non suffisante.
MarieEmma(sepadM2)
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