On se forme l'esprit et le sentiment par les conversations, Pascal

dimanche 13 novembre 2011

Expérience de mort imminente

Je vous invite vivement à regarder lundi soir sur TF6 (20h25) la passionnante émission consacrée aux expériences de "mort imminente" (EMI ou, en anglais, NDE, Near Death Experiment).
Toute une série de personnes, hommes et femmes d'âge différent, racontent, avec une étonnante similitude, ce qu'elles ont vécu dans une situation où leurs facultés cognitives et sensorielles avaient cessé de fonctionner, et c'est franchement saisissant. Le plus intéressant est l'enquête menée auprès de grands scientifiques du monde entier, psychiatres (Bruce Greyson, University of Virginia), psychologues (Kenneth Ring, University of Connecticut), médecins, tels Jean-Pierre Jourdan, et surtout le cardiologue hollandais, Pim Van Lommel, auteur d'un article sur ce sujet qui parut en 2001 dans la prestigieuse revue médicale, The Lancet ("Near-death experience in survivors of cardiac arrest: a prospective study in the Netherlands").

  • http://profezie3m.altervista.org/archivio/TheLancet_NDE.htm

    En guise de mise en bouche, voici la vidéo d'un long entretien savant avec Pim Van Lommel. C'est peu dire qu'elle fasse réfléchir et conduise à réviser radicalement notre vision de la vie et de la mort, notre conception de la conscience et de son rapport au cerveau. Est-il, pour tout homme, sujets plus essentiels ?
    Ce qui est fascinant, c'est que le récit des hommes et des femmes qui sont revenus de cette expérience de mort clinique, n'est pas une interprétation de ce qu'ils ont vécu, mais la relation de faits, purs et simples. Ce sont les scientifiques et les intellectuels qui souvent refusent de les accepter, et cela, non par souci d'objectivité ou de rigueur scientifique, mais pour des raisons idéologiques (liées à leurs croyances, à leur vision matérialiste et réductrice de l'homme). Mais si l'on est un homme ouvert, accueillant ce que l'expérience nous apprend, nous sommes bel et bien conduits à prendre au sérieux les faits et à tirer les conclusions philosophiques qui s'imposent d'une des questions les plus fondamentales que ces états posent : comment est-il possible que la conscience soit dotée de facultés inouïes, totalement inconnues de son exercice ordinaire, et qui peuvent être empiriquement corroborées, alors que le cerveau est cliniquement mort (électro encéphalogramme plat) ?
    Quelle conséquence doit-on en tirer, sinon, de toute évidence, que la conscience n'est pas localisable ? De là, la notion de "conscience non locale" qui est en-dehors du temps et de l'espace. Si une telle notion bouleverse complètement tous les schémas dominants en neurosciences, s'agit-il de changer la réalité plutôt la répresentation que nous avons ? C'est là le propre de l'idéologie, non de la science !
    Mais le plus bouleversant, sur quoi insiste le Dr van Lommel, réside dans la transformation spirituelle intérieure chez ceux et celles qui, à cette occasion, ont connu l'expérience inéffable de la compassion et de l'amour inconditionnel, dont tous parlent. Pour le dire avec les mots de Kenneth Ring : "la mort a le visage de l'amour".

  • 12 commentaires:

    Anonyme a dit…

    Excellente vidéo, cher Michel. La recherche est en vérité déjà plus avancée que cela, et le phénomène de non-localité de la pensée a été prouvé par Benjamin Libet de l'Université de Californie (San Francisco) qui a montré que le fonctionnement neuronal est traversé par des phénomènes de « rétrodatation », cf Jean Staune, Notre existence a-t-elle un sens ?, p. 390 et suivantes.

    Michel Terestchenko a dit…

    Merci infiniment pour cette référence. Je vais aller voir, bien sûr...

    Thibault Salignon a dit…

    Un film "lumineux" contre un autre dogmatisme millénaire...
    http://www.cinefil.com/film/lumiere-2010/bande-annonce?identifiant=iLyROoafZ2fD#videoAnchor

    Marc Kons a dit…

    Je n'ai malheureusement pas vu le film (je ne reçois pas TF6), mais il me semble, d'après la video du Dr Van Lommel, que sa théorie est au moins aussi douteuse que l'hypothèse scientifique du lien cerveau-conscience. De plus, autant que je sache, toutes les hypothèses sont prises au sérieux par la plupart des scientifiques étant donné que la conscience reste un mystère entier, même pour les matérialistes.

    Que cette théorie soit vérifiée ou non, les conséquences ne sont pas nécessairement positives pour les patients (acharnement thérapeutique, euthanasie...) ou, d'une manière générale, notre conception du corps.

    Ne peut-on envisager un matérialisme non réducteur? Un neurologue comme par exemple Antonio Damasio me semble donner une dimension philosophique très subtile aux processus du cerveau.

    A voir également cet article pour les arguments des défenseurs de la thèse adverse: http://www.coma.ulg.ac.be/papers/french/dualisme_cartesien2010_FR.pdf

    Michel Terestchenko a dit…

    Cher Marc,

    Un grand merci pour votre message. Je ne crois pas cependant que l'EMI conduise à des pratiques, telles que l'euthanasie ou l'acharnement thérapeutique. Quant à ce qu'écrit Damasio, vous avez raison il apporte une contribution centrale au débat.
    Bien cordialement
    MT

    Dominique Hohler a dit…

    La réalité hors la représentation que nous en avons existe-t-elle? L'amour me semble-t-il est une réponse positive à cette question phénoménologique. Pourquoi? Parce que l'amour nous projette hors de notre conscience, il nous fait englober une représentation qui n'est pas la nôtre. Il dépasse tout et s'il est le visage de la mort, c'est qu'il offre à notre représentation du réel un pont qui va vers d'autres réalités.
    Au sens propre, au sens biologique, l'amour donne naissance à d'autres réalités. Tuer un amour c'est tuer des hommes qui ne viendront pas.
    Le soldat qui tenait en ligne de mire le condamné s'apprêtait à couper sa vie, sa descendance, les œuvres de celui qui allait tomber et de ses descendants,… une pyramide de promesses, des enfants, des édifices, des poèmes.
    Mais la mort peut être belle aussi, quand ce pont n'est pas coupé, quand déjà comme disait Balzac "on avait rendu à la vie ses œuvres" avant de quitter la scène.
    La langue française est belle quand elle sait lier de profondes vérités, Caussimon disait "miracle des voyelles, la mort est la sœur de l'amour".
    Cher Michel, faut-il vraiment nous étonner que les scientifiques refusent cela par idéologie. Le philosophe de l'être pour la mort ne disait-il pas que la science ne pense pas?
    Cordialement
    Dominique

    Nicolaï Coulombez a dit…

    Monsieur,

    Je suis l'étudiant de 2ème année à sciences-po (en cours d'enjeux de la philosophie politique), pour les liens de la vidéo :

    - en téléchargement (je confirme pas sa légalité) : http://www.megaupload.com/?d=CSSD4N8G

    - en streaming - Enquêtes extraordinaires, saison 1, épisode 3 : http://www.dpstream.net/serie-4441-aj.html#js4441-,-1-,-03%20[FR]

    Voilà !
    Cordialement,
    NC

    Michel Terestchenko a dit…

    Merci, cher Nicolaï.

    Pauline CARRE a dit…

    Pratique paranormale, déconcertante par laquelle l’âme se détache soudainement du corps, l’expérience de la mort imminente, réalisée souvent à partir d’un coma profond bouleverse les certitudes de l’homme. A mi-chemin entre un témoignage mystique et une effrayante évasion de soi, par lequel l’esprit ouvre des portes qui lui étaient encore inconnues vers l’au-delà, l’épreuve de la mort imminente se définit comme un voyage de l’âme à l’extérieur de soi, du cœur de l’homme vers une irrésistible lumière blanche, à la fois déconcertante et rassurante. Expérimentation d’un passage entre le couloir de la vie et celui de la mort, elle témoigne d’une étrange (dé)corporation, d’un inattendu démembrement de l’esprit vis-à-vis de son enveloppe corporelle, qui sans le vouloir vraiment l’abandonne. Si elle tente de s’étudier d’un point de vue scientifique, sur le modèle des recherches réalisées par l’Université de Liège, supposant qu’elle serait le fruit d’une manifestation cérébrale complexe, impliquant notamment la région pariétale temporale droite du cerveau humain, qui ainsi stimulée appellerait à ce type de comportements, elle demeure encore à l’heure actuelle, un mystère. De sorte qu’il soit encore difficile d’affirmer ou d’infirmer quelques certitudes à son sujet. Comme Er, qui dans la République de Platon, « s’est évanouit et réveillé deux fois », elle témoigne de façon concrète d’une curieuse dialectique du moi et de l’inconscient, non plus uniquement spéculative, conceptuelle, mais pratique. Dans son sillage, elle donne l’impression d’une étrange assomption, résurrection, déconcertante, indépendamment des croyances religieuses de chacun. Elle s’impose à près d’un patient sur dix en situation de mort cérébrale et trouble autant qu’elle intrigue... Etudiée d’un point de vue philosophique, elle se fait l’épiphanie d’une conscience et d’un inconscient insoupçonné. Elle devient alors l’instant de vie intermédiaire entre le corps et l’esprit, l’expression d’une intelligibilité explorée, ainsi qu’un voyage entre la terre et les cieux, dans le purgatoire de l’inconnu. Sans s’arrêter là. Car, l’expérience de la mort imminente prouve également l’ambivalence de notre réalité : ni entièrement matière, atome sans âme, ni uniquement spiritualité, elle ouvre l’horizon des possibles et devient la preuve différenciée de la matière. Elle présente le monde non pas uniquement à travers son enveloppe physique, matérialiste, mais sous son aspect subtil. A l’instar de la pensée taoïste, voire chamaniste, elle fait du corps une matière aérienne, à la consistance variable, dont les limites, la forme se confondent avec son origine intelligible. De manière à ce qu’elle devienne le manifeste de l’âme comme réalité médiane entre le corps et l’esprit. Expérience de l’invisible, elle explore « l’ordre de l’inconnu et de l’inconnaissable de droit » kantien, et révèle une étrange dramaturgie initiatique de l’existence humaine. Elle fait de l’âme humaine un composant libre, principiel, volatile, qui universellement aspire à sa lumière première. Sur le modèle de la pensée égyptienne et de sa croyance dans les bienfaits du livre des morts, guidant l’homme de sa nécropole sensible vers le royaume de la lumière d’Amon-Ré, l’expérience de la mort imminente se veut la résurgence d’une procession invariable, lors de laquelle l’âme individuelle tente de retrouver sa dimension nouménale, silencieuse, procédant universellement, lors de son passage mortifère, à son détachement corporel, vers les cieux et leurs lumière bienveillante. Son épreuve, confronte celui qui en est victime à la «( sur)existence » de sa psyché, qui au sens propre donne l’illusion de s’élever vers une étrange verticalité, et au sens figuré lui fait découvrir sa part inconsciente….

    Pauline CARRE a dit…

    Vue ainsi, la manifestation de la mort imminente donne le gout de l’infini. Elle témoigne, en son sein, d’un principe unitaire, d’une conscience non localisée au-delà de l’empirisme, au milieu de l’invisible, ni ici, ni là mais partout. Elle devient le moyen de révéler, à celui qui est victime, l’empreinte d’une image primordiale d’amour de l’humanité ; elle donne accès à l’homme à la totalité cosmique de l’univers et à la conscience qu’il peut avoir d’y appartenir. L’épreuve de la mort imminente a alors le parfum de l’immortalité. Elle devient l’expression d’une psyché hors du temps et de l’espace commun des hommes. Sans n’être que cela. Le bien être éprouvé par l’expérience de sa lumière blanche peut être vu comme un l’intuition d’un apaisant retour dans le néant premier du monde. Elémentaire conjonction de l’âme individuelle avec l’âme du monde, dans un instant de béatitude privilégiée, elle est le lieu de toutes de toutes les rencontres et le souvenir du Tartare de l’humanité, dans lequel s’entrecroise le monde des vivants et celui des disparus. C’est là son premier élan d’amour : par delà le temps et l’espace, l’expérience de la mort imminente se révèle comme une recomposition de l’être, apaisante. Sa lumière, devenue allégorie d’une paix retrouvée, témoigne des possibles retrouvailles de l’individu avec lui-même, non plus divisé, mais réconcilié, (in)dividu, (in)divisible avec ses origines. Et son expérimentation est autant plus noble qu’elle est rare… Renversant l’ordre préconçu des croyances individuelles, et même l’étrangeté de la temporalité du monde, l’incandescence de sa lumière se fait l’expression d’une individualisation aboutie, par laquelle l’homme se confronte au vide indéfinissable de l’inconscient, pour qu’enfin ses portes s’ouvrent. Aboutissement d’un processus vital, psychologique, métaphysique accompli, elle fait participer l’être humain à la fois à dimension connaissable et inconnaissable de l’univers. C’est là d’ailleurs une de ses richesses : l’expérience de la mort imminente envahit l’âme de sa victime d’un sentiment d’amour primordial, fusionnel, entre l’homme et l’univers, comble l’a connaissance transcendantale de l’individu, pour mieux l’enthousiasmer. Elle donne à voir l’idée éternelle de l’imaginaire qui peut se réaliser sans limite, pour aimer davantage. Elle est la manifestation extériorisée d’un éveil archétypique de l’âme, qui retrouve dans son évasion, la conscience de ses fêlures, de sa rupture originelle avec l’Un, le Tout, l’Absolu Elle ouvre les portes, dans le néant de l’image et du langage, du mystère irrationnel de la procession animiste philosophique, dans lequel se confondent le début et la fin de la vie humaine. Elle apaise, par son plaisir de transgression, l’esprit de sa victime, qui du même coup, se trouve privilégiée dans l’ordre du monde. Son épreuve du trépas imminent place l’homme au-dessus de lui-même dans l’expérience d’une douce folie enthousiasmante, euphorique, comme le commande le daïmon de Platon, par lequel, comme le souligne Socrate, « le délire est pour nous la source des plus grands biens ». De sorte que l’expérience de la mort imminente soit avant tout riche d’enseignements, de bienfaits et à vivre. Elle se fait l’impulsion d’un désir de vivre, de revivre les pieds sur terre, et incarne un élémentaire combat pulsionnel, vital, entre la vie et la mort, entre un instinct de vie et mort tous deux antithétiques, au profit d’une folie érotique. La mort a donc bien, comme le note Ring, « le visage de l’amour »

    Michel Terestchenko a dit…

    Un grand magnifique, chère Pauline, pour vos deux magnifiques commentaires.

    MA.M. a dit…

    C'est frappant de remarquer que l'état dans lequel se trouvent ces personnes ressemble aux expériences vécues par les grands mystiques. Ils partagent un sentiment d'unité cosmique, une transcendance du temps et de l'espace, un sens du sacré, des sentiments de paix et de joie, l'expérience d'une lumière vive ou "d'être dans la lumière ».

    Cela nous conduit à s'interroger sur l'expérience comme un guide de la conscience. On parle ici d'une expérience authentique qui dépasse l'immédiateté et la spontanéité.

    L'intelligence ne suffit pas, c'est à dire que la capacité de saisir les connexions entre des choses n'est fertile que si elle est combiné à d'autres expériences esthétiques où on apprécie la beauté. Des vrais expériences qui nous ramènent à la contemplation de l'objet qui éveillent en nous des sensations cachées.

    Apparemment les hommes les plus heureux sont faits d'un équilibre parfait entre les activités intellectuelles et morales.