On se forme l'esprit et le sentiment par les conversations, Pascal

mardi 1 octobre 2013

Vidéo de la conférence sur le mal

7 commentaires:

MathieuLL a dit…
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MathieuLL a dit…

Très belle conférence en effet, tout comme votre dernier billet qui l'annonçait. D'une part, vous avez raison lorsque vous dites que parler du mal c'est déjà parler du bien. La question est alors : l'un est-il le négatif de l'autre ? si oui, le mal n'existe pas - il n'y a que du bien. Si non, le mal possède un statut ontologique de chose en acte, et on ne peut dès lors plus le dis-QUAL-ifier puisque, précisément, comme l'ont compris Leibniz, Descartes et Spinoza en particulier, existence = perfection (soit ce qui est mené à son terme, ce qui est présent et possède donc une forme déterminée de raison d'être.)

On en arrive donc au mal au sens de la " simple " souffrance. Et c'est là où je m'écarte des philosophes contemporains que les événements de la seconde guerre mondial ont pour ainsi dire paralysé intellectuellement. On a oublié que l'homme est avant tout un animal, une espèce particulière de l'ordre des primates, une bestiole à deux pattes et carnivore. La violence est une modalité des organismes dans la nature - l'homme n'y échappe pas.

Mais voilà, du fait de son esprit un peu plus vaporeux, l'homme s'est tout simplement construit des armes de défenses spirituelles (morale, justice, etc.) pour maintenir les instincts à leur place - stratégie que l'évolution n'a pas encore totalement déployée dans les autres espèces. Ce qu'on appelle le mal, ce n'est donc rien d'autre que l'intrusion de ces instincts primitifs (c'est-à-dire originels, fondamentaux) dans la culture, cette charpente qui a donné en 40-45 ses premiers signes de fatigue.

Exemple : les chimpanzés, c'est-à-dire nos petits cousins dans la chair, ont pour habitude de se livrer à des guerres de territoire et de manger les victimes... Alors, quand certains rebelles syriens ont dévorés tout crû les organes de leur victimes, et que cela a (un peu, puisque les rebelles sont censés être les "gentils") agité la presse, je me suis dis qu'il ne fallait pas trop s'en étonner.

Qui ne comprend pas que l'Homme est avant tout un animal, l'homme le mâle et la femme la femelle, et que leur rôle essentiel est de manger et de copuler pour préserver l'espèce, celui-là dis-je, me semble très malheureux et bien névrosé.

Mais c'est là, justement, la tension qui se joue dans le drame humain : par la présence de la raison, l'homme est capable de prendre conscience de son animalité. Qu'est-ce que l'homme au final ? Un ange dans le corps d'une bête. On en revient toujours au péché originel.

Attention ! Je ne dis pas que la morale est une fiction... Je parle de la morale que l'on INSTITUTIONNALISE ! C'est elle qui conduit nos sociétés modernes à se réfugier dans les droits de l'homme et à vouloir "punir" les "méchants", etc. Bref, pas besoin de dessins je crois.

MathieuLL a dit…

Post scriptum :


Il y a une autre chose que j'ai oubliée de dire. Sur la littérature.
je crois au contraire que l'art (de façon plus générale) est justement le lieu idéal pour permettre au mal de se défouler; Sans cela, le mal refoulé s'exprime dans la réalité. Donc la censure artistique n'est jamais bonne. J’émettrai juste une réserve pour le cinéma.

Yaël a dit…

L'homme est avant tout un animal, mais contrairement à ce que vous semblez entendre, aucun animal ne se livre à autant d'abominations que l'homme.
Il y a évidemment une violence dans la nature. Les guerres de territoire peuvent être d'une extrême violence. Mais les violences dans l'ordre naturel ne dépassent pas le cadre de la survie ou de la reproduction. Les génocides, les guerres sont absentes de l'ordre naturel. La pédophilie est totalement absente de l'ordre naturel. Aucun animal n'est attiré sexuellement par un animal prépubère. C'est la seule déviance spécifiquement humaine.

Par ailleurs, on a fait subir à des primates et à des rats une expérience proche (mais néanmoins différente sur un point essentiel) de celle de Milgram. Deux rats ou deux primates étaient enfermés, et pour obtenir de la nourriture, l'un devait actionner un levier qui simultanément envoyait une décharge électrique à l'autre. Et au bout d'un moment, la souffrance de l'autre était tellement insupportable que les animaux ont préféré arrêter de s'alimenter. Je ne sais pas comment auraient réagi des humains, mais il n'est pas improbable qu'ils auraient fait de même...

Ce débat est tout sauf anodin, car au delà de la nature humaine, elle interroge sur la société qu'il convient de bâtir.
Si l'on considère que l'homme est une bête féroce qu'il convient de domestiquer, l'éducation se doit d'être répressive et la société se doit d'être répressive par la suite. Si l'homme est profondément mauvais, le seul véritable garde-fou à la barbarie est la peur... Ce sont les sociétés qui règnent sur terre depuis des millénaires et je ne suis pas convaincue que ce soit un grand succès.
Si au contraire, on se place dans une posture dans une posture rousseauiste qui a été caricaturé depuis plus de deux siècles et qu'on considère qu'à l'état de nature, l'homme n'est ni bon ni mauvais mais que la société développe plus la violence, l'oppression, le conformisme que l'empathie, la coopération, c'est un tout autre modèle de société qu'il convient de bâtir.

MathieuLL a dit…

Bonjour Yaël,

Vous avez raison au sujet de la différence entre l'homme et l'animal sur l'étendue de leur barbarie. Or c'est justement dû à l'amplitude des facultés de représentation de l'ho. Le lion vous mange s'il vous voit passer sur son territoire et que vous adoptez la posture d'une proie, mais un homme est capable de se dire : je vais le capturer et le torturer. Autrement dit : la violence trouve de nouvelles portes grâce à un entendement plus vaste. Il y a un entendement du corps si vous voulez, responsable de la barbarie, et un entendement de l'âme. D'où la tension que j'évoquais. Moi, je ne partirais sur l'hypothèse de forces démoniaques, car cela ne fait que déplacer ailleurs la question : comment les démons feraient-ils pour être démoniaques ? Et le cercle est bouclé.

Pour les animaux, je regardais récemment nat geo wild, et, alors qu'une troupe de lions avait attaqué une hyène qui passait par là, ils l'a massacrèrent mais sans la tuer, et la livrèrent aux lionceaux qui jouèrent avec elle - sans la tuer non plus. Elle mourut le lendemain... c'est pas très beau tout ça.

Un petit d'aperçu de ma pensée métaphysique : pour moi, rien ne se perd et rien ne se créer dans la nature. Toute concentration de bonheur en un point de la nature implique une accumulation de maux ailleurs, et vice et versa, et de même dans le temps. Du point du vue di tout, on a une parfaite égalité des forces. C'est pourquoi il y a un certain va-et-vient dans l'histoire, et c'est ainsi que j'explique les génocides. Vous verrez : il y en aura un dans moins de quarante ans.

Yaël a dit…

J'entends bien votre argument selon lequel les capacités d'abstraction de l'homme ouvrent de nouvelles portes à la violence...
Mais la violence des lions avec la hyène est-il de même nature que celle des hommes du 101e bataillon de réserve de la police allemande qui entrant dans un village font s'allonger hommes, femmes et enfants désarmés pour leur tirer à bout portant une balle dans la tête, qui le font en retenant leurs larmes, qui le vivent si mal qu'ils se réfugient dans un zèle effrayant qui essaie d'optimiser le travail en les tuant le plus rapidement possible... Est-on dans un continuum de la violence ? Je ne le crois pas. Je crois qu'on est dans deux phénomènes bien distincts. Il n'y a aucune violence instinctive chez les hommes du 101e bataillon, le seul instinct qu'ils manifestent est le grégarisme.

Il n'est pas rare de voir dans la nature des femelles tuer leurs petits quand elles les pensent trop faibles et capables de les mettre en danger ou de voir des mâles tuer les petits d'un dominant chassé pour avoir la disponibilité des femelles. Pourtant, on ne verra pas dans la nature des animaux battre leurs petits pour les éduquer. Seuls les humains sont capables de martyriser leurs petits en étant persuadé que "c'est pour leur bien".

Guy V. (M1 Sepad) a dit…

La clé d’explication du mal est effectivement introuvable, un mystère comme l’exprime Monsieur Terestchenko au début de son intervention. On aperçoit plus facilement ses effets et ses conséquences. L’histoire de la philosophie exprime de nombreuses théories en réponse au problème du mal, on peut penser notamment à Leibniz et à Rousseau. Mais, au-delà de ces tentatives d’explication, il demeure une question toujours actuelle : existe-t-il réellement un mal en soi ? Existe-t-il un Mal ?
Il y a, en tout cas, de la souffrance dans des lieux du mal. Ces « hétérotopies du mal », comme aurait pu les appeler Michel Foucault, se placent hors du temps de nos vies et dans un espace délimité par son expression, le mal est à la fois très proche et tellement éloigné de nous. Cet espace est comme un rocher au milieu du fleuve qui s’écoule, l’eau s’y fracasse et sort de son lit mais le fleuve continue sa route.
Le nord-ouest de la Syrie est, actuellement, un de ces lieux du mal. Le témoignage du Docteur Raphaël Pitti, anesthésiste-réanimateur qui travaille pour l’UOSSM (Union des organisations de secours et soins médicaux) est édifiant. Cette organisation qui tente d’aider les populations Syriennes, et les Rohingyas au Bangladesh, pour qu’elles aient accès aux soins de santé tire en vain la sonnette d’alarme depuis quelques semaines. Nous sommes face, dans cette région du monde et une nouvelle fois, au mal absolu où hommes, femmes et enfants sont traités non pas comme des animaux mais comme des choses sans aucune valeur.
Pouvons-nous dès lors comprendre ou essayer de comprendre l’expression délibérée de telles atrocités par certains de nos frères humains ? Dans le même temps et mise à part l’explication géopolitique que nous pourrions utiliser comme justification rationnelle et froide, pouvons-nous comprendre aussi l’inaction de nos pays occidentaux et en particulier de l’Europe ?
Pour ma part, je ne parlerais pas de démon ou de diable. Il faut, je crois, accepter que le mal exprime une partie de notre humanité, d’une manière dramatiquement immanente. La difficulté d’accepter cet état de fait est compréhensible mais son dépassement pourrait permettre peut-être de regarder les choses en face et de comprendre comme le dit Spinoza dans l’Ethique (Ethique III, préface).
Pour terminer, j’ajouterais que tenter de comprendre le mal ne signifie pas nécessairement perdre espoir en l’homme. La bonté fait partie de notre nature également. Le chemin qui pourrait nous rapprocher d’une clé de compréhension du mal est à découvrir en nous. « Ne cherchons pas hors de nous notre mal, il est chez nous, il est planté en nos entrailles » (Montaigne, Essais II,25).