On se forme l'esprit et le sentiment par les conversations, Pascal

mardi 20 novembre 2012

Isabelle Sorente, Etat sauvage



Isabelle Sorente est un écrivain chamane. Lorsqu'elle s'empare d'un sujet, c'est pour entraîner son lecteur dans des territoires où tout vibre, danse, s'embrase et pourtant tient ensemble avec une parfaite rigueur. C'est que la géométrie des idées s'agence chez elle à partir d'une vision.

S'il s'agit de la condition féminine – tel est le thème du court essai Etat sauvage qu'elle vient de faire paraître dans le recueil Femmes, où en êtes-vous ? aux éditions Indigènes - n'attendons pas d'elle qu'il soit question de parité, de lutte pour l'égalité des statuts, des droits, des salaires. Sans doute, la femme doit-elle encore se libérer de nombreuses formes sociales d'assujetissement, ou encore de ces formes plus perverses d'aliénation que sont le romantisme sentimental ou la mystique de la Sainte masochiste, mais à quoi bon si c'est pour tomber dans le piège qui consisterait à s'approprier le fief des hommes ? « C'est mépriser notre puissance et la retourner contre nous, que de l'employer à changer le sexe des actionnaires. Une femme qui se connaît elle-même devient un homme nouveau, un homme qui se déploie comme un univers ».
Qu'est-ce cela « se déployer comme un univers » ? C'est d'abord et avant tout, un exercice d'agrandissement de soi – on le dira « spirituel », puisque cet ainsi qu'elle le nomme – un élan à se faire autre (animal, à l'occasion), à être avec les autres - un état de conscience, ni égoïste ni altruiste, mais « ouvert ». Cet exercice radical ne tient pas, chez la femme, à une plus grande sensibilité – finissons-en avec ce cliché ! - mais à une capacité, acquise au fil des siècles et au cœur des contraintes, à se tenir dans l'Ouvert – Sorente est une grande lectrice de Rilke - avec une impitoyable et splendide indifférence. On retiendra au hasard cette définition, comme une sentence magnifique, qui devrait être apprise par cœur : « Je soutiens que le féminin est un entraînement de la conscience, capable de libérer l'homme de la condition domestique ».

Isabelle Sorente subvertit notre approche habituelle (sociologique ou psychologique) des choses, avec une autorité implacable, servie par la langue superbe, joyeuse, d'un esprit totalement libre qui n'a de compte à rendre à personne et qui ne sert aucune cause.
Ancienne élève de l'Ecole Polytechnique, elle est l'auteur de nombreux essais et romans.
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  • 11 commentaires:

    Kévin a dit…

    Bonjour Michel,
    Voici un livre qui me semble fort intéressant. Des rapprochements sont certainement à faire avec l’œuvre d'Annick de Souzenelle, le féminin de l'être, où cette auteure nous décrit le féminin comme la composante divine de chaque être humain. Ce féminin est, selon elle, "l'orient de l'être", un irréductible à tout contenu de pensée que nous avons chaque jour a épousé. http://www.dailymotion.com/video/xcq74a_le-feminin-sacre-2-dans-l-emission_webcam
    Il est aussi certainement possible de rapprocher aussi l’œuvre d'Isabelle Sorente du très bon livre d'Eric Mangin "la profondeur de l'intime" consacré à Maître Eckhart

    Caroline Guth a dit…

    Merci de ce partage ..... Le sujet m intéresse vivement ! Caroline.

    michel terestchenko a dit…

    Maître Eckhart est l'auteur de chevet d'I.S. Vous ne pouviez tomber plus juste, cher Kevin.

    Emmanuel Gaudiot a dit…

    Je m'aperçois une fois de plus, à la lecture de cet article, qu'il manque encore et toujours une corde à mon arc. Je m'aperçois qu'on peut dépasser le pur égalitarisme et considérer autrement les femmes que comme des hommes comme les autres.
    Pour être franc, voici qu'apparait ce vertige que j'ai déjà entrevu : qui sont les femmes ? Même si, au delà du jeu des corps, des fluctuations des sentiments il est confortable de faire des femmes nos égales stricto sensu, et à considérer, par exemple, les femmes de pouvoir on s'aperçoit qu'il ne reste que le prédicat... pourtant...
    Même si l'on se contente (ce qui n'est pas si mal) de voir les femmes du simple point de vue du dymorphisme sexuel et de militer contre vents et marées pour la parité et l'égalité, il ne nous échappe pas qu'il y a chez elle un supplément, ne serait-ce que celui de l'enfantement : on se dit que pour qu'elles aient la charge de "porter le monde", il faut qu'elles soient rudement plus sages que leurs pauvres congénaires que nous sommes, nous, les hommes!
    Alors, que faut-il faire de ces observations ? Les femmes sont-elles réellement différentes, le sont-elles au-delà de ce que nous trouvons intuitivement ? Est-ce que vouloir en faire (socialement le problème se pose ainsi) les égales des hommes est une manière de faire sourdre enfin ce qui nous différencie, ou alors est-ce que les hommes se servent de ce que les femmes ne sont pas reconnues à leur place -l'égalité sociale- pour imaginer, ou feindre que lorsqu'on aura aboli les différences, alors leur différence jaillira et elles et eux feront un monde meilleur ? Ce qui serait reconnaitre notre monde patriarcal comme désastre, certes, mais uniquement du point de vue du rapport entre genres...
    J'espère que je trouverai dans cet essai le moyen de me rassurer sur doute que fait planer sur les femmes l'espèce de similitude qu'elles semblent malheureusement avoir avec les hommes lorsquelles embrassent des carrières de pouvoir...
    Merci Michel de nos présenter cette rélexion qui nous mènera de nouveau vers un au-delà.

    MathieuLL a dit…

    Je me suis régalé à la lecture de votre commentaire, Emmanuel, parce qu’il me semble que vous avez dégagé la différence entre « égalité » et « justice ». Le mot « égalité » ne veut absolument rien dire. Que l’on y réfléchisse sérieusement : y-a-t-il deux êtres qui soient égaux ? Y-a-t-il deux hommes (au sens générique) qui soient réellement semblables, c’est-à-dire interchangeables ?... Il faudrait une bonne dose d’audace pour répondre oui. Mais les gens interprètent à tort le mot « inégalité » en un sens péjoratif. Pour eux il est équivalent à : « injustice ». Mais n’est-ce pas là un désastre pour la pensée que de créer une identification entre deux concepts radicalement différents ?! Le fait que l’homme et la femme ne soient pas « égaux » signifie simplement : il y a des « différences ». Cela ne signifie jamais, ô grand jamais, qu’il y a une « supériorité » de l’un sur l’autre.

    Au sens juridique, l’égalité désigne simplement l’attribution commune de certains droits. « Toi » et « moi », qui avons une vie différente, des goûts différents, des compétences différentes, des faiblesses différentes, des qualités différentes… « Toi » et « moi », dis-je, nous sommes égaux en droits. Hormis ce sens, dire que nous sommes « inégaux » ne signifiera jamais que « Toi » est supérieur à « moi », ou que « moi » est supérieur à toi. C’est là un mauvais produit du politiquement correct et de la volonté uniformisatrice des masses.

    De fait, demandons-nous : la justice ne consiste-t-elle pas à donner à chacun selon ses besoins, selon sa nature… selon ce qu’il est ? Les droits et les statuts particuliers ne diffèrent-ils pas en fonction de chaque individu ? Alors, concernant les particularités qui différencient l’homme et la femme, pourquoi ne devrait-il pas en être de même … ? En vertu de quelle « pudeur-bienpensante » devrait-on s’indigner de la reconnaissance de ces différences, lesquelles seraient à l’origine d’une différenciation entre les activités des hommes et des femmes… ?

    Attention… ! Je ne suis pas en train de dire que c’est la nature qui fonde le droit !! Le droit a un fondement avant tout juridique. Je dis simplement qu’il est dommage de confondre « inégalité » et « injustice ». Il faut laisser à chacun – homme et femme – le droit de vivre selon ses choix, et ne pas leur imposer des modèles préconçues. Et parmi ces modèles, il y a aussi celui qui considère que la femme et l’homme sont identiques !! Cela dit, s’il était vrai – je dis bien SI – que les hommes aient de meilleurs prédispositions en politique que les femmes… alors il serait franchement absurde de crier à la discrimination, car il n’y en aurait aucune (sauf pour les gens ayant la phobie de la phobie de la diversité, preuve de leur âme bornée). Ce qui serait discriminatoire en revanche, ce serait la proposition suivante : « les femmes ne DOIVENT PAS faire de la politique car elles NE SONT PAS faite pour ». Nuance !

    En espérant que mes paroles ne seront pas « mâle » interprétées… Salutations à tous !

    Emmanuel Gaudiot a dit…

    La frontière entre inégalité et injustice , comme entre égalité et justice, est, je pense, plus ténue que ce que vous en dites, cher Mathieu.
    Je ne pense pas que l'égalité que l'on revendique entre les hommes soit, elle non plus, réductible à la similitude : le faire, c'est faire oeuvre d'hypocrisie. Celui qui ne reconnait pas l'égalité la nie en recourant à tous les subterfuges, comme par exemple en dénonçant sa revendication comme idéologique, dogmatique, totalitaire...
    Quand je parle d'égalité, je parle de rapports sociaux, et non de rapports juridiques: personne (même pas celui qui n'est pas un bobo bien-pensant!)n'osera nier l'égalité entre les hommes. Par contre, pour celui qui exploite un ouvrier, pour celui qui viole de enfants en Thaïlande (sous prétexte qu'il n'est plus en Europe, Amérique, bref, un pays riche),celui qui emploie des clandestins (remarquez qu'on ne dit même plus hommes clandestins, seul le prédicat reste), celui qui met des tornioles à sa femme (il ne lui pas égal physiquement, CQFD!), tout ce petit monde, et tant d'autres encore font de l'inégalité.
    Tout commence par une injustice, vous l'avez noté, mais dans les faits cette injustice mue en inégalité. L'inégalité ne se décrète pas, elle s'installe, c'est pourquoi l'égalité doit se décréter, juste pour qu'on tende vers elle.
    Pour en revenir aux femmes, elles n'ont le droit de vote en France que depuis 1944 ; croyez-vous que ce déficit n'est pas l'illustration que la société -ici, la société patriarcale- ne les considérait pas auparavant comme des êtres inférieurs ?
    Eh bien moi, j'ai la faiblesse de penser que oui, et je revendique la bien-pensance. Sans vouloir vous raconter ma vie, sachez que je milite depuis que j'occupe mon poste d'agent technique dans une commune (c'est-à-dire depuis 14 ans) pour qu'on n'affiche pas de calendriers pornographiques exhibant des corps de femmes... suis un bobo bien pensant ? Je ne le crois pas, je cherche simplement à faire comprendre à mes collègues (parfois à grands coups de gueule!) qu'une femme n'est pas un bout de viande devant lequel fantasme un saligaud.
    Pour conclure, je voudrais illustrer une fois encore mon propos en m'indignant du fait que les femmes, à travail égal, gagnent moins que les hommes (environ 30%). Cette discrimination fait que les femmes sont amputées de moyens fianciers, mais pas seulement, puisque notre société mercantile est basée pour partie sur l'opulence, l'on comprendra que de cette matérielle amputation sourd une amputation de la dignité, qu'on le veuille ou non.
    Les sociétés pré-helléniques étaient basées sur un système matriarcal. Tous les neuf ans (i.e. une année solaire) la reine choisissait un roi sacré qui l'accompagnait pendant neuf ans ; à ce terme, elle en changeait. Les rois sacrés ont fini par tenter de se maintenir auprès de la reine, faisant naitre une compétition avec leur alter égo. C'est pour évoquer cela que sont apparus les héros jumeaux de la mythologie (Idas et Lyncée, Castor et Pollux, Héraclès et Iphiclès). La suite, c'est que le patriarcat l'a emporté. Robert Graves a développé ses interprètations dans "Les mythes Grecs" ; on les trouve chez Fayard, collection pluriel en deux volumes.
    De grâce, ne parlons pas de l'inégalité comme d'un songe lorsque qu'on parle de cette calamité que l'on appelle "pouvoir". Merci pour cette dispute.

    MathieuLL a dit…

    Bonsoir Emmanuel...,

    Je suis sincèrement désolé si mes propos vont ont paru déplacés, car j’avais vraiment l’impression d’aller dans le sens de votre commentaire. Cependant, j’ai tendance à utiliser un style rhétorique assez cavalier, et qui peut donc paraître agressif. Je ferais donc plus attention à l’avenir… !

    Simplement : par « inégalité », je ne faisais pas référence aux situations que vous évoquez (violence conjugale, différence de salaire, exhibition pornographique du corps féminin…) qui, je vous l’accorde parfaitement, relèvent de l’infamie puisqu’elles illustrent les injustices qu’elles subissent dans nos sociétés encore fortement marquées par les conceptions judéo-chrétienne (pour les deux premières) de la femme comme « ayant été créée pour l’homme ». Rassurez-vous donc, je ne faisais pas allusion à vous en parlant de bien-pensance !! Pour moi, les « inégalités » étaient à prendre au sens de « différences », et je faisais en cela référence à votre propre allusion à la maternité… Ce que j’ai voulu dire, à la fin, c’est que la reconnaissance des « différences » (si le mot « inégalité » vous gêne, car je reconnais qu’il est fort mal connoté, la preuve en est) ne doit pas conduire à la phobie. Ce qui est dangereux, c’est de construire des systèmes idéologiques sur des différences naturelles… et d’empêcher des classes d’individus à se réaliser. Je crois que, là, ma dernière phrase était très claire. Alors, sincèrement désolé à tous si j’ai exprimé ma pensée avec un langage ambigüe et cavalier. Peut-être que Nietzsche y est pour quelque chose !!
    Bonne soirée !

    Emmanuel Gaudiot a dit…

    Cher Mathieu,
    je ne voudrais pas que notre échange monopolise le blog de Michel Terestchenko mais je ne sais comment vous joindre directement ; en ce qui me concerne, et pour qui voudrait en découdre ou plus simplement, faire plus ample connaissance, voici mon adresse electronique : emmanuel.gaudiot@orange.fr
    Un dernier mot cependant : je dois l'avouer, je sur un père-la-morale, c'est une des deux raisons pour lesquelles j'ai réagi si violemment hier ; l'autre, c'est que je ne connais absolument pas Nietzsche. Je me réjouis donc d'avoir un cours sur ce jeune hégélien cette année. A bientôt pour un vrai commentaire sur le livre d'Isabelle Sorente que je vais m'empresser de me procurer!

    Catherine.Cudicio a dit…

    Bonjour à tous, et si on lisait autrement? De quoi parle Isabelle Sorente dans son livre ? De condition féminine ? De genre, d'égalité ? Libre à chacun de le croire, mais si on met ce dernier opus en perspective avec l'ensemble de ses écrits que trouve-t-on sinon un discours sur le pouvoir, la norme, et la difficulté d'être soi ? L'auteure choisit de faire bouger les lignes, mais n'est-elle pas désespérément contrainte à secouer les barreaux d'une cage qui résiste ? C'est qu'elle se sent à l'étroit la « créature » ( qualificatif qu'elle revendique pour elle-même dans l'un de ses articles sur le blog libertaire), dans l'assignation à des rôles où elle ne peut s'installer bien longtemps. C'est à chacun d'inventer son genre, sa liberté, en assumant ce qui le caractérise, le différencie. Faute d'y arriver, on peut toujours dénoncer les travers des autres, de la société, pourvu qu'au travers du grotesque se
    dessine autre chose, un état sauvage peut-être ?

    parzyjagla kleinhans a dit…

    Pour parler en mon nom, il y a une chose qui me stupéfie. Il s'agit de la place qu'on relègue à la femme dans notre société actuelle, c'est à dire après sa libération ou pseudo libération. Faisant de nous l'égale théorique de l'homme, nous avons « quitté les fourneaux » pour aller travailler ; c'est une évolution du droit, avec les contraintes qui vont avec. Et les femmes qui réussissent désormais dans des postes de pouvoir sont incapables de faire vivre les valeurs de la féminité (lesquelles sont-elles?) mais revêtent l'habit de la femme castratrice ou phallique. C'est mon constat quand je vois des femmes qui ont fait carrière, notamment celles qu'on observe en politique. D'une manière générale je vois que la femme n'a pas encore trouvé SA place.
    Sans parler d' égalité de chance -comme ce n'est pas le sujet ici- je veux quand même parler de la place centrale que les femmes tiennent dans la publicité (c'est à dire une plus grande place que celle des hommes) et m'interroger sur l'évolution de la représentation de la féminité. On les place dans des pubs de voiture pour dire implicitement aux hommes : « Regarde la femme que t'auras si tu achètes cette voiture » et aux femmes, dans les pubs pour les crèmes de soins : « Regarde celle que tu deviendras qui plaît tant aux hommes si tu mets cette crème ». Dans les magasines féminins, on trouve presque plus de femmes dévêtues que dans les magasines masculins, selon moi parce que la question de la femme est restée : « Comment puis-je me rendre plus désirable ? » au lieu de devenir : « Que puis-je bien désirer ? ».
    Je ne veux ni faire un procès à la pornographie (qui existe depuis toujours) ni faire un amalgame entre les procédés douteux des agences de publicités et la représentation de la féminité actuelle mais je suis obligée de constater que dans un monde régit par l'image, les femmes sont devenues les joujoux asservi qui stimulent la consommation de masse, au détriment de l'évolution de leurs identités. J'entends parfaitement clairement la question d'Isabelle Sorente dont vous faite état dans votre commentaire, Mr Terestchenko : Comment la femme peut elle exister sans rester sous « le joug » de l'homme (parce que cette question reste parfaitement d'actualité) et je rajouterais :sans rentrer en concurrence avec l'homme, sans devenir « un homme ». Cette proposition de lecture est tout à fait alléchante et les ouvrages sur le sujet sont rares (ou je ne les connais pas). Je m'en vais donc l'acheter cette après-midi.
    Pour ceux que la question intéresse, il y a aussi une œuvre de Clarissa Pinkola Estes, Femmes qui courent avec les loups,qui me semble être dans la même veine.

    Emmanuel Gaudiot a dit…

    Sorente nous invite au delà de la domestication, "as-tu oublié [...] Que la vie se vit au-delà de la météo ?", demande--t-elle ; Il n'est pas question pour elle de quelque revendication : c'est une pure et simple libération qu'elle demande!
    Puisque l'homme a tendance à penser que la domestication se résume à l'assignation de la femme à la maison, Isabelle Sorente saisit ce paradoxe pour esquisser une sortie pour tous, en rappelant que tout le monde est dans le même bateau -de ceux qui nous mènent passivement là où le vent souffle. La recette est simple : réveiller la bête qui sommeille en nous!
    Pourquoi les femmes sont plus près de la sortie que les hommes ? Parce que « les figures animales prient » et qu' « à la femme, il reste l'extase sentimentale », parce que « Dieu se transmet de Père en Fils », parce que c'est dans cette prière que la femme peut céder à l'appel de la vie sauvage, salvatrice. Mais le dévoiement n'est possible qu'à la condition d'échapper au dévouement...
    Par la sauvagerie qui « est le démon de la femme », elle nous présente une alternative à la domestication de l'humanité, quand l'homme s'y enferme, lui qui « coupe les cheveux en quatre, il argumente, démonte avec méthode, c'est un malin ».
    La femme -celle qui échappe à la domestication, ne prie plus l'homme et donc ne prie plus Dieu car « Juste une évidence grammaticale, Dieu, le Dieu unique, est du genre masculin ». C'est une « égalité spirituelle » que cette prière.
    Ainsi la femme devient une gymnaste et le « féminin est un entraînement de la conscience, capable de libérer l'homme de la condition domestique ». Elle la devient « le jour où elle découvre qu'elle est un homme aussi ».
    Donc, la femme est homme et femme à la fois, et se trouve en permanence dans la dualité. Les hommes sont, quant à eux, trop occupés faire la compète.
    Ce qui n'est pas banal, c'est qu'Isabelle Sorente estime que « l'entraînement féminin […] possède une dimension joyeuse ». Ainsi elle pense que la souffrance ne suffit pas, prise seule, elle ne mène à rien, il faut un cocktail : « La souffrance est banale comme la glycérine, on peut en faire beaucoup de choses, même s'en laver les mains ».
    C'est un appel inattendu que nous fait Isabelle Sorente ; j'ai eu un plaisir immense à la lire (ce que je faisais pour la première fois). Je n'ai pas pu m'empêcher de la citer abondamment, ses traits sont trop violents, trop drôles pour être tus. Elle ne nous dit rien des femmes que nous ne sachions déjà : elle sous-entend les phrases sur lesquelles on s'arrête -cause : notre domestication- et bondit, tel un diablotin pour nous arracher à nos conditions de « Sainte, aux yeux révulsés, » ou de coupeur de cheveux en quatre...
    Il faut que j'arrête de vous faire perdre votre temps dans une lecture insipide : précipitez-vous chez votre marchand et offrez-vous ce petit bijou... pour le prix d'un petit sandwich!
    Merci encore Michel pour cette référence.