On se forme l'esprit et le sentiment par les conversations, Pascal
mercredi 12 janvier 2011
Vos conseils
Je songe à rédiger un livre qui aurait pour thème - n'ayant pas peur des provocations ! - la littérature et le bien, dans la foulée des billets sur Dickens, Oulitskaia et Gary (que vous aurez bientôt), et j'y suis fortement incité par un de mes amis proches. Un livre qui serait léger, profond et si possible plein d'humour, à l'image de ces merveilleux écrivains. Mais dites-moi, auriez-vous des suggestions de romans de cette nature à commenter ? Je ne songe pas nécessairement à Dostoïevski ou Camus par exemple, mais à des écrivains de grand talent, français ou étrangers, moins connus. Vos suggestions seraient précieuses...
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20 commentaires:
Personnelement je songe à Kaputt, de Malaparte.... la guerre qui s'invite à table avec une ironie douce amère et pour ma part sans complaisance.... et puis encore en mémoire l'épisode des cheveaux de glace du lac de Ladoga... incroyable...j'aurais voulu être un tel écrivain...
Pierre T.
mmm...je me suis peut-être trompé de registre après tout...mais, "le bien" est le mot qui m'a orienté...l'humour ironique, qui invite à la réflexion, je trouve que c'est "le bien"...enfin je ne sais pas...allez je retire...
Pierre T.
Cher Pierre,
Je n'y avais pas songé et j'ai gardé un souvenir un peu lointain de ce livre qui m'avait beaucoup marqué à l'époque. Il faudra que j'y retourne...
Merci en tout cas de votre conseil.
Je vous recommande un auteur contemporain, Henri Bauchau, et une de ses œuvres phares, « Antigone » Actes Sud 1997.
Comme son nom l’indique, il s’agit bien du fameux mythe revisité, mais loin de la fatalité antique ou du portrait d’une pasionaria moderne. C’est une œuvre simple et puissante, qui parle d’une famille attachante, et profondément humaine, pourtant déchirée.
Parmi les nombreux thèmes qu’aborde ce roman, on trouve avec simplicité une vision contemporaine du bien et du mal, où les deux frères, Polynice et Etéocle, se détestent autant qu’ils s’aiment.
On retrouve ce thème dans une autre œuvre du même auteur (et plein récente) « Boulevard périphérique » Actes Sud, 2008. Entre bien d’autres choses, cette œuvre contient le récit sulfureux du combat entre un SS particulièrement sordide et ténébreux et un jeune résistant lumineux et fascinant.
Merci infiniment pour ce précieux conseil. Je ne connais pas cet auteur et vais le découvrir...
Et pourquoi pas un livre d'Ayn Rand (Atlas Shrugged ou The Fountainhead)? C'est l'incontournable ici aux USA . Atlas Shrugged est classe 2eme livre le plus important de l'histoire apres la bible par la bibliotheque du congres.
Merci, et dire que je ne le connais pas du tout !
Un petit tour sur internet, et l'on découvre l'importance de cet écrivain dont les deux livres que vous citez ont connu et continuent de connaître un immense succès aux Etats-Unis. Mais pouvez-vous m'en dire un peu plus des raisons pour lesquelles vous avez songé à elle et à ces deux romans, en particulier ?
Quant à Henry Buchau, je viens de commander les livres que vous m'avez conseillés.
Vous voyez à quel point vos suggestions sont entendues ...
"The Fountainhead" de Ayn Rand est une des bibles du prométhéisme ultralibéral (voir François Flahault, Le Crépuscule de Prométhée, p.192-236), dont a été tiré le très beau, autant qu'ambigu, film de King Vidor "Le Rebelle" (avec Gary Cooper), et qui était une des lectures favorites de Ronald Reagan... Sans doute n'est-ce pas, par conséquent, la référence la plus pertinente pour un thème comme "La littérature et le bien"...
Yannick B.
Merci Yannick pour votre présentation. Ce sont des ouvrages monumentaux en tout cas par la taille. Et sur un tel thème, auriez-vous une suggestion ?
Il est vrai que le thème intimide quelque peu et n’incite guère aux références hâtives… D’autant qu’après Dostoïevski… Je songeais, néanmoins, à quelques titres que l’on se contente généralement, surtout pour ne pas les lire, de ranger en « littérature prolétarienne »… Je pars en exploration dans ma bibliothèque et vous tiens au fait de toute découverte…
Mille mercis pour votre papier sur les « Temps difficiles ». Vous m’avez donné envie de le relire (soyons franc : une note de Michéa, je ne sais plus dans quel ouvrage, m’y avait déjà incité), et le plaisir, cette fois, fut redoublé par vos commentaires…
Je viens, par ailleurs, de commander « Mensonges de femmes », et suis très impatient…
Yannick
Merci, cher Yannick. C'est du don et du contre don. Attendez de lire l'article sur Gary, j'espère que ça vous plaira aussi, à moins que ne vous connaissiez déjà ce roman qui est un petit bijou.
Oui, vous avez raison le thème intimide. Parce que le mal, sous toutes ses formes, la littérature en a fait son pain quotidien, mais le bien... là c'est autre chose, comme si il n'y avait rien qu'on puisse en dire, à moins de tomber dans la mièvrerie... C'est donc un véritable défi à relever.
Bien fidèlement,
M.T
Peut-être est-ce là, après tout, l’infériorité, quasi ontologique, du mal, qui (que ce soit sur le mode du prosélytisme ou de la dénonciation vertueuse), nécessairement, s’expose, s’exhibe, fait de la retape. Le bien, en revanche, comme la nature pour Héraclite, « aime à se cacher », à se taire. Ce serait alors pudeur que de ne rien en vouloir dire, comme pour ne pas le dévoyer (de la part, bien sûr, de celui qui le fait, mais aussi bien de celui qui en est le témoin), ne pas le rendre édifiant. Ainsi s’expliquerait que les « bons sentiments » donnent, de fait, autant de mauvaise littérature.
« Certes, s’il est malaisé d’accomplir le moindre bien, il est encore (l’ayant essayé) plus difficile de se soustraire soi-même au triste ridicule de s’en magnifier quelque peu, bon gré malgré soi, tout au fond de son esprit. » [Villiers de L’Isle-Adam, « Les délices d’une bonne œuvre », in Claire Lenoir, Paris, Flammarion, coll. GF, 1984, p. 211].
Je songe à ce passage du film de Pagnol « Ugolin » (je ne sais si c’est présent dans le roman), au moment où les gens du village, pleins de remords, apportent des victuailles à Manon-des-Sources, dans la montagne, l’un des personnages, comme s’il ne supportait pas d’être pris ainsi en flagrant délit de générosité, après avoir invoqué toutes sortes de raisons pour maquiller son geste, dit à un autre : « Il y a des choses qui sont de faire. Mais qui ne sont pas de dire… »
Peut-être le bien a-t-il vocation à demeurer invisible, silencieux. De telle sorte que personne ne puisse voir l’énorme évidence, l’absolue singularité. Et l’histoire la plus fascinante, alors, serait celle d’êtres très ordinaires qui auraient vu quand même. Comme le regard impensable du singe dactylographe sur Shakespeare, ou du dogue mourant sur Ulysse…
« Le bien que je ne mérite pas, je l’obtiendrais que je ne pourrais pas le vivre. Celui que je mérite, je le vivrais, même si je ne l’obtenais pas. » [Antonio Porchia, Voces, Buenos Aires, 1943. Voix, introduction et traduction de Roger Caillois, Paris, GLM, 1949, p.38.]
Je lirai l’article sur Gary avec gourmandise…
Merci, cher Desage, de ce beau message, et bien profond je trouve. Je vois que vous avez une belle bibliothèque ! Enfin quelles que soient les raisons, le défi demeure. Ce serait bien d'essayer de le relever, et pourquoi pas ensemble ?
Cher Michel Terestchenko,
Merci de votre indulgence…
La remarque n’avait, évidemment, pas valeur de thèse, mais l’idée d’un bien qui, sans majuscule, s’avancerait « sur des pattes de colombe », et d’un mal qui serait, par essence, obscène (ce qui ne l’empêche en rien d’être « banal ») me semblait en partie féconde (surtout pour ce qui est de sa représentation littéraire)…
Tout ça pour dire que vous me voyez très gêné…
C’est la première fois que j’envoie un message à qui que ce soit sur un blog… Le pseudonyme sous lequel je vous l’ai fait parvenir doit dater d’une question que j’avais posée, il y a longtemps, à la Société d’études staëliennes pour trouver une référence…
L’admiration que j’ai pour votre travail rend très intimidant le passage de vos livres « dressés » dans ma bibliothèque (les « menhirs » de Sartre) à la possibilité d’un échange, fût-ce sur internet…
Je me ferais, malgré tout, un plaisir de vous faire des suggestions, et de vous aider de mon mieux…
Yannick Beaubatie
Cher Yannick,
La première fois n'est pas toujours la meilleure, mais c'est un commencement...
Je suis très touché que vous ayez surmonté vos réserves. Vos messages m'intéressent beaucoup, vraiment.
Bien amicalement
Michel
Je viens de recevoir Antigone d'Henry Bachau. Merci de vos conseils, que je m'empresse de suivre, comme vous le voyez.
Je pense que condamner Ayn Rand et la reduire au liberalisme est ridicule.Que sa pensee ait ete caricaturee, c'est inevitable. Je lis Marx et Heidegger et on peut leur faire beaucoup de reproches.Heidegger s'est sincerement engage dans le nazisme comme reaction au monde capitaliste ou communiste (et leur logique technique) et Marx excelle dans sa critique du capitalisme mais le reste...La pensee d'Ayn Rand est profondement laique (elle rappelle pourtant que sa famille a ete persecutee par les communistes en partie pour son judaisme)et son individualisme, pour radical qu'il soit, est nourri de son histoire personnelle sous la terreur communiste en URSS. Sa critique de l'altruisme est un peu desuete mais sa defense de la propriete intellectuelle d'actualite. On ne peut faire l'impasse sur un tel monument de la pensee occidentale , meme s'il est evident que les americains n'ont pas saisi toute la dimension europeenne de sa pensee et ont prefere ne voir qu'une apologie du capitalisme , de l'anti-etat et donc de l'individualisme et de la liberte(ce raccourci est toujours utilise par le Tea Party!). Chacun voit midi a sa porte.Il serait interessant qu'un universitaire se penche serieusement sur son oeuvre.L'adaptation au cinema de "The fountainhead" avec Gary Cooper est presque sans concession et son long monologue a la barre (tout se regle au tribunal, comme toujours dans la culture anglo-saxonne, resultat de la common law)est intact par rapport aux requetes d'Ayn Rand."Atlas Shrugged" effraie tous les producteurs malgre les millions verses et les effets d'annonce depuis pres de 30 ans.
Je conseille "la vertu d'egoisme" pour la decouvrir et vous comprendrez pourquoi les automobilistes ont des autocollants sur leurs pare-chocs avec ses citations.Le sens de la petite phrase, de la formule, mais un leger manque de maitrise de l'argumentation qui reste souvent superficielle.Une femme originale tout de meme !
Le premier qui me traverse l'esprit, 'Le President Mao est mort'. Sous la républiquue populaire chinoise, comment un homme lutte contre l'idéologie chinoise car a sa soif d'apprendre et notamment la langue française. Ce livre est écrit avec beaucoup d'humour. a mon sens, l'humour est indispensable pour vivre même les situations les plus tragiques. et il faut commencer par rire de soi, et de là le bien prend sa source.
Bonjour, je rejoins votre correspondant anonyme qui recommandait "Antigone" d'Henry Bauchau pour y ajouter le magnifique "Oedipe sur la route" lumineux parcours initiatique dans une Grèce aride, accablée sous le soleil, qui aborde les thèmes des rapports père/fille, de l'art (le chant, la sculpture, la danse, l'écriture)et de sa signification, une revisite du mythe oedipien à la fois profonde et originale...Un grand moment de lecture.
Stéphane Lenique
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