On se forme l'esprit et le sentiment par les conversations, Pascal

dimanche 10 juillet 2011

Merci !

Merci, chers tous et chères toutes, de ne pas avoir déserté ce site, alors que j'ai dû longuement m'en absenter. Notre département à l'agonie et qu'il fallait sauver de la logique gestionnaire qui le menace de disparition - avec un peu de chance, c'est chose faite ! L'université est un grand corps malade qu'on voudrait guérir en le soumettant à la thérapie de politiques empruntées au management d'entreprise, et ce ne sont que calculs comptables, objectifs chiffrés, tableaux de résultats, acronymes incompréhensibles, le tout au nom d'un processus de rationalisation du supérieur - en réalité, sa soumission à une idéologie illusoire et purement factice, dite "ultra libérale" - mais l'esprit du libéralisme, ce grand souffle émancipateur des libertés humaines, ce n'était pas du tout cela - qui conduit une radicale perte de sens : et pour tous, étudiants, enseignants, secrétaires, un état général de démoralisation. Voilà le beau résultat de la loi d'autonomie des universités que l'on présente comme un succès, incontestable celui-là ! Ne croyez pas que tout vienne du Ministère, les instances universitaires sont des serviteurs dociles et zélés qui devancent les attentes du maître ! De là, la fatigue, le découragement et le peu de temps pour s'occuper de ce qui compte. Merci donc pour votre fidélité !
J'ai eu, malgré tout, le temps, la nuit, de me plonger (de nouveau) dans Les Misérables de Hugo. Mais l'heure n'est pas encore venue de pouvoir même commencer d'écrire quelque chose de sensé sur cette oeuvre proprement monstrueuse.

20 commentaires:

Didier a dit…

Mon cher Michel. L'université, la Santé publique, l'Ecole publique est malade car elle est faite pour le peuple. Le peuple aujourd'hui est redevenu "la plebe" que les riches sénateurs romains méprisaient tant. Sauf que le crime aujourd'hui est plus grave. Nous savons maintenant que les "Dieux" ne peuvent rien pour nous, que la morale doit être organisée par nous le peuple par la loi, que nous devons nous forger une vie de l'esprit qui soit affranchie de toute superstition. Nous devons promouvoir la raison et la poésie. Je ne crois pas en dieu mais je crois hélas au diable, cet esprit individualiste et aristocratique qui divise les hommes. Je dis souvent que les fines subtilités qui nous rassemblent, nous les humains sont plus importantes que les épaisseurs grossières qui nous séparent. Pour cela nous devons cultiver notre esprit et notre raison. Nous devons développer notre logique. Il faut laisser à la poésie l'énergie de l'imaginaire mais il ne faut pas que cet imaginaire devienne objet de manipulations à des fins maléfique et souvent égoïstes. J'en reviens à l'université. Il faut que les dirigeants des universités montrent plus d'assertivité. Le problème est que la mafia politique a noyauté le systeme. Dans le système de santé, que je connais mieux, la nouvelle loi (HPST) permet au président de la République de nommer le Directeur de l'Agence Régionale de Santé qui lui à son tour peut nommer tout seul les directeurs généraux des hôpitaux qui eux peuvent nommer les chefs de pôles de médecine de chaque hôpital qui eux nomment unilatéralement les médecins titulaires. Notre démocratie est cancéreuse. L'ultra libéralisme est le nom de ce cancer qui détruit tout, concentre les richesses, laisse les secteurs déficitaires au public et les secteurs rentables au privé. Nous devons faire une guerre Michel. Une révolution qui sera forcément violente. Il faut se réapproprier les moyens de production, d'éducation, de santé. Il ne faut plus se laisser faire. La révolution du Jasmin doit aussi se faire ici en France, aux Etats-Unis, dans les pays occidentaux pour remettre les banques et les spéculateurs à leurs places. Si nous ne sortons pas de ce système rapidement, je crains des heures noires, très noires pour l'humanité à très court terme. Toute mon amitié et mon profond respect.

cecile odartchenko a dit…

merci Didier!Oui à tout mais avec la poésie et contre toutes les mafias et avec tous les peuples et avec les femmes. 12000 réunies ce week-end, en Italie!

Didier a dit…

Pourquoi n'y a t'il que des femmes?
Je partage le point de vue de Simone et d'Elizabeth sur les femmes. Nous sommes tous dans le même bain. Il y a des femmes dans les méfias. Nous devons promouvoir les vertus...tous ensemble...les vraies vertus et la première d'entre elle, le respect de soi et des autres. amitié Cécile.

cecile odartchenko a dit…

bien sûr nous sommes dans le même bain, cher Didier! Mais il se trouve qu'aujourd'hui j'ai découvert un mail de Donatella Barcelli qui me parle de ce rassemblement à Sienne ce week-end!
Malheureusement c'est le pouvoir qui tue...même les femmes...et pourtant il faut le prendre!? Quadrature du cercle!

Michel Terestchenko a dit…

Merci, chers amis, pour votre échange auquel je me réjouis d'assister.
Le prochaine numéro de la Revue du Mauss, qui paraîtra en septembre, a pour thème : "Que donnent les femmes ?" Voilà qui devrait vous inspirer, chère Cécile !

cecile odartchenko a dit…

"CHER MICHEL, MERCI POUR CE COMMENTAIRE! Vous voyez que dès votre retour, on s'active like a bee, ( to bee or not to bee)!
C'est que ce qu'on trouve sur ce blog c'est une "attitude"

Attitude de tolérance c'est ce qui vous caractérise je crois!

Les abeilles vont vers la lumières, n'est-ce pas?
Modestement ( cela est certain) vous faites point de lumière ( et de tolérance) dans votre "coin" pas vraiment identifié, mais on y court, car il n'y en a pas tellement...C'est difficile, la philosophie, dit Didier...
C'est lumineux malgré les obscurités, quand derrière ce qu'il y a, c'est un être de bonne volonté et qui en a fait son sacerdoce...Affecteusement, Cécile

Anonyme a dit…

Mon absence était aussi totale, après une année intense en études. Les misérables de Victor Hugo, je l'ai lu il y a seulement 2 ou 3 ans. mais quel délice! je connaissais comme tout le monde l'histoire par les nombreuses filmographie de cette oeuvre. Mais la lecture n'en a pas pour autant était gachée, pourtant elle a surprise mon entourage, comme si cette oeuvre tellement médiatisé n'avait plus sa place pour la lecture. Je pense aussi au tableau la Liberté de Delacroix , où le petit garçon aurait inspiré le personnage de Gavroche. Etre misérable ce n'est pas que négatif, c'est aussi la force d'être coquin et de dépasser sa misère. souvent je dis à mon fils de 5 ans : misérable qu'as-tu fait ? et cela pour désigner une betise pas méchante mais malicieuse. Jean Valjean, Cosette ne sont-ils pas des misérables plein de richesse ?

Cathy D.

Anonyme a dit…

L'université malade et les comptables à son chevet, ne sont-ce pas deux choses différentes ?
Si on veut appliquer une logique comptable à l'université et si cette thérapie se heurte au refus de ceux qui savent que ce n'est pas bon. Savent-ils ce qui serait bon ?
Si l'université est malade n'est ce pas de ce vide qui fait qu'elle ne sait quelles valeurs opposer aux gestionnaires ?
En philosophie on me dit qu'il est de mauvaise stratégie de chercher à comprendre notre monde, celui de la physique quantique, celui des mathématiques fractales, celui de la théorie du chaos, celui qui bouleverse toutes nos certitudes et nous jette dans d'opaques crises.

On me dit que mieux vaut étudier ceux qui comprirent les mondes passés. Que c'est dans cette étude que réside le travail (l'utilité ?) de l'université.
Nous sommes malades de ce décalage, de ce refus de lever la tête de nos livres, car ce dont nous avons besoin n'est pas encore écrit.
Tant que nous manquerons du courage de lever la tête, nous resterons soumis aux gestionnaires qui font tourner les machines conçues par Descartes et par Kant. Et qui font bien, car nous ne proposons rien d'autre.

Michel Terestchenko a dit…

La philosophie ne devrait s'interdire aucun domaine, aucune question, aucun champ de recherche. Mais ce sont souvent les compétences qui manquent (en science, souvent) et la curiosité aussi, ce qui est regrettable.

Didier a dit…

Le soucis est, comme le dit Michel Serres dans le "Tiers Instruit", l'Université forme soit des littéraires, soit des scientifiques. Les scientifiques ont oublié que les Sciences sont les filles de la philosophie et que la Philosophie précède les Sciences. Toutefois, les sciences deviennent tellement vastes et tellement spécialisées qu'aucun philosophe ne peut les embrasser toutes. Le philosophe fait un métier difficile car il se doit de penser le plus juste possible, c'est à dire, avec sa raison et pas avec ses émotions, ses phobies ou ses philies (comme dirait Bachelard). Il faut du courage, de la ténacité, de l'assertivité pour oser soutenir un point de vue qui parait juste face à une foule d'adeptes de pensées magiques. Le philosophe risque le bûcher médiatique s'il se hasarde à dénoncer le cynisme des politiques, à critiquer Freud, à critiquer l'Ecologie politique, etc. Je viens de perdre mon maître en gériatrie (car je suis gérontologue) M. Pierre Pfitzenmeyer, mort à 51 ans d'une crise cardiaque, épuisé, dépressif, de voir la gériatrie hospitalière abandonnée de l'économie (je ne parle pas des maisons de retraites qui connaissent un grand succès en bourse!) Elle doit travailler sans moyen au risque de devenir maltraitante. Voilà où les philosophes doivent intervenir! Il doivent rappeler ce que signifie d'abandonner les vieux dépendants, les handicapés, les personnes vulnérables...Moi ça me rappelle le temps de la cosmologie grecque où l'on considérait les difformes, les faibles, les laids comme inférieurs car moins aimés de Dieu. Le christianisme qui n'a pas fait que du bien a au moins dit que Dieu avait fait l'Homme, tous les hommes à son image...Malgré Rousseau, malgré Montaigne, malgré Kant, malgré Nietzsche...nous régressons. Nous retournons vers l'esclavage. C'est aux philosophes de dénoncer cela sur les média...Il faut que les philosophes s'engagent en politique...dans la vraie politique. Enfin, c'est mon point de vue. Bien à vous.

Dominique Hohler a dit…

Cher Didier, tu ne peux pas savoir à quel point ta contribution est éclairante pour moi ! En allant dans les sens du mot de Pascal, gravé sur le linteau de ce blog, je te le dis avec beaucoup d'amitié : je pense très exactement le contraire de ce que tu écris. Les scientifiques n'ont pas oublié que la philosophie précède les sciences, c'est la philosophie qui a déserté pour de mauvaises raisons le champ ouvert par la science (ouvrant un abîme que les scientifiques de Monod à Kahn tentent de combler).
Quelles sont ces mauvaises rasions ? Précisément celles que tu évoques " … les sciences deviennent tellement vastes et tellement spécialisées qu'aucun philosophe ne peut les embrasser toutes."
Si comme tu dis nous régressons vers l'esclavage, c'est à cause de cette désertion de la philosophie. Pourquoi la complexité serait-elle un obstacle ? Faux problème ! La complexité n'est pas celle de la nature mais celle de l'esprit humain s'attachant à l'appréhender. Elle est donc à notre portée. Plus que cela même, la complexité que découvrent les physiciens est souvent anticipée par la philosophie, Démocrite avait découvert l'atome, Kant avait découvert avec sa "révolution copernicienne" que le réel est produit par nos consciences. Découverte qu'est en train de faire la physique quantique…
Pour en revenir à l'esclavage qui nous menace, nous ne pouvons nous en libérer que par une éthique adaptée au monde contemporain. Et toute éthique se fonde sur une théorie (sur une vision du monde). La vision du monde que nous imposent la science et la technique est tout à fait susceptible d'être arpentée par les philosophes. Il leur faut pour cela juste un peu d'audace !
Dominique

michel terestchenko a dit…

Cher Didier, cher Dominique, je me réjouis de votre débat. Chacun avance des arguments qui sont justes, mais est-ce sûr que vous parlez de la même chose ? Pour arriver à un point d'accord, il faut souvent de très longs débats pour que chacun comprenne ce que l'autre dit exactement, quelle est la nature et le sens précis de ce qu'il avance. Au bout du compte, ce n'est pas à un compromis auquel on aboutit, mais à la reconnaissance de ce qu'il peut y avoir de vrai dans des points de vue pluriels, en sorte qu'aucun argument n'annule ou ne réfute l'autre...

Didier a dit…

Chère Cathy Anonyme,

Je ne vois pas en quoi tu penses tout le contraire de ce que je pense. Je pense exactement comme toi, que les philosophes doivent s'aventurer dans les fôrets vierges des sciences. Je côtoie chaque jour des professeurs de médecine qui ne savent tout simplement pas penser car on ne leur a jamais appris. Ils sont savants dans leurs domaines mais ignares ((sauf exceptions) pour le reste tant leurs disciplines les accapare. Ils n'ont pas un moment à eux. Lorsque l'on a le nez collé sur le microscope on finit par oublier le macroscope. Pour convaincre un professeur de changer d'habitude concernant un traitement antitumoral j'ai du utiliser la dialectique simple, démonstrative et logique. Nos scientifiques deviennent des experts unidisciplinaires quand il faudrait de l'interdisciplinarité voire de la transdisciplinarité ce qui signifie qu'à plusieurs on synergise l'action de chacun. Je vois bien déjà en famille la difficulté que représente un simple débat. La connaissance du sujet est diverse, les individualités et les orgueils priment. La raison ne l'emporte jamais mais la passion toujours. il faut avoir raison à tout prix. Le niveau de culture est très bas. Les mass média ont élargi le champs de la connaissance mais le niveau a baissé sur tous les domaines fondamentaux. Pourtant, il n'y a jamais eu autant de progrès que ces 20 dernières années. La douleur physique a été vaincue. L'accès au savoir est quasiment infini. Nous sommes dans une grande période de paradoxes où seuls les philosophes peuvent tenter de démêler et d'expliquer où nous en sommes dans notre histoire...et chercher des solutions pour que l'Humanité ne se laisse pas dériver jusqu'à son naufrage. La première priorité est de lutter contre les mensonges. Mensonges politiques, scientifiques, sociologiques, religieux, etc. La philosophie est un outil qui peut permettre ce travail. La difficulté est que pour pouvoir raisonner et faire raisonner les gens...Il faut du...DISCERNEMENT...un mot que Michel aime beaucoup je crois. Il faut être RESPONSABLE...car dans les catégories de Comte-Sponville..les méchants, les salauds, les pervers, etc...Tous sont avant tout les IRRESPONSABLES, des EGOISTES.

Didier a dit…

Dominique plutot..pas Cathy..pardon.

Dominique Hohler a dit…

Cher Didier
je disais penser le contraire de ce que tu affirmais en croyant la philosophie incapable d'embrasser la complexité de la science. mais je peux me tromper et je peux avoir pris pour ton opinion ce qui est une opinion répandue: le philosophe n'arrivant pas à intégrer le savoir scientifique, est incapable de produire une théorie qui soit opérationnelle dans le monde actuel et qui puisse accoucher d'une éthique nouvelle.
Michel a raison, la critique pour être légitime, doit être honnête. Il faut commencer comme on dit en rhétorique par abonder dans le sens de l'auteur. Je dirais presque que la critique est un acte d'amour. Car on ne critique jamais que la personne qu'on a été et qui a évolué et qu'on croit reconnaître dans la cible de sa critique...
Amicalement
Dominique

Didier a dit…

Suis d'accord avec toi sur la fin de ton message. En revanche pour expliciter mon propos. Je ne crois pas qu'un philosophe puisse embrasser les données de sciences actuelles trop vastes...mais il peut rappeler régulièrement ce qu'est l'esprit scientifique...c'est à dire toujours remettre en question un savoir quand celui ci est questionné et toujours revenir à l'expérimentation...le dogmatisme a la dent dure en sciences et en médecine...

Dominique Hohler a dit…

... On assiste cependant à une progressive disjonction. Aristote était un scientifique mais sa physique n'allait pas sans la métaphysique, les deux en un seul homme.
Deuxième étape, Newton propose une physique nouvelle, qui permet à Descartes de mettre l'homme au centre de l'univers, dissociation entre le scientifique et le philosophe qui ne sont plus une seule et même personne mais qui se tiennent par la main.
Troisième étape (à laquelle tu sembles te résigner); le physicien des particules propose une physique qui invalide celle de Newton mais quand il tend la main, il n'y a personne pour éclairer son horizon.
Non par manque de connaissance. Par manque d'audace. Car les implications théoriques et éthiques de la science nouvelle sont tout aussi délirantes à nos yeux que pouvaient l'être aux yeux des grecs celles du christianisme.

Unknown a dit…

La relation entre la philosophie et la science fait l'objet d'un débat controversé et bien difficile. Afin de sortir un peu de l'impasse, il faudrait voir de près comment la science a peu a peu phagocyté tout ce qui existe dans le domaine cognitif et culturel, rien n'y échappe, pas même la culture.
A Vrai dire, la science a même absorbé des domaines qui ne sont pas à proprement parler purement scientifiques. La technique ou la technologie, par exemple, ne sont pas scientifiques par essence. Ils ont pour origine, la recherche du bonheur comme le dirait Nietzsche. J'ajoute en fait que la technique a pour origine non la théorie, la conjecture ou l'imagination contemplative qui sont les fondements des sciences, mais le tâtonnement. Pourtant, on confond science et technique très souvent dans les médias, dans la littérature et dans le langage ordinaire.
En dépouillant la science de la technique, on obtient des conjectures, des théories et des hypothèses mais last but not least de la métaphysique.
Ainsi, la science et la philosophie c'est la même chose si on corrige la myopie techniciste.

Didier a dit…

Et bien, J'avais oublié ces commentaires mais je me réjouis de la qualité des échanges. Cher Rafik, vous relancez le débat. Nietzsche s'est beaucoup interessé à la technique. C'est vrai. Toutefois, je ne dirait pas que la science et la philosophie c'est la même chose. Ce qui est sur, c'est que ce qui caractérise toute science comme toute philosophie c'est sa capacité à pourvoir se remettre en question et à pouvoir être discutée. Il n'y a pas de sciences dures...Il n'y a pas de vérité absolue en science mais des vérités d'ici et maintenant.

Unknown a dit…

Je partage en partie votre affirmation selon laquelle il n’y a pas de savoir définitif certain. Ceci est l’essence même de la philosophie de Karl Popper qui est déjà assez ancienne. Mais il faut aller plus loin dans le rapprochement entre la science et la philosophie en remontant au fondateur moderne de la science Descartes. Aussi étonnant que cela puisse paraître ; une ligne de demarcation entre la science et la philosophie a été tracée le jour où Descartes introduisait le doute dans la pensée. La philosophie comme la théologie ne doute pas, elles vivent avec leurs certitudes, leurs croyances.
Or, les progrès scientifiques du XXe siècle ont consisté essentiellement en une remise en cause des principes cartésiens. La révision intellectuelle rendue possible grâce à la science moderne ne s’est pas limitée aux notions d’espace et de temps et à la physique de la matière et de l’énergie, elle a même bouleversé le cœur même de la raison : la logique.
Cette révolution n’a été rendue possible que grâce à une intellectualisation profonde de la connaissance, une intellectualisation presque mystique et non à un renoncement superficiel aux apparences de notre perception. Ce puissant élan de l’intelligence traduit une participation à l’être nouménal. Pour en avoir une idée claire, il suffit de rappeler la controverse entre les deux esprits les plus vastes que l’Occident ait produits au cours du siècle dernier. Afin de combattre la nature probabiliste du monde subatomique, Albert Einstein disait à Niels Bohr, le père de la mécanique quantique, « Dieu ne joue pas aux dés ». Ce dernier lui rétorque « ce n’est pas à vous de montrer à Dieu ce qu’il doit faire. »
Les difficultés intellectuelles engendrées par les concepts d’espace et de temps absolus ont amené Newton à insérer un chapitre spécial, le fameux General Scholium, à la fin de ses Principia. En voici des extraits : « Le Dieu suprême est un Être éternel et infini, omnipotent et omniscient ; sa durée va de l’éternité à l’éternité ; sa présence de l’infini à l’infini ; il gouverne toutes choses et connaît toutes choses qui sont ou peuvent être créées. Il n’est pas l’éternité ou l’infinité, mais il est éternel et infini ; il n’est pas la durée ou l’espace, mais il dure et il est présent ; il dure pour toujours et il est présent partout et, du fait qu’il existe toujours et partout, il constitue la durée et l’espace. Dieu ne subit rien du mouvement des corps, les corps n’éprouvent aucune résistance de la part de l’omniprésence de Dieu . »
Ce n’est pas plus par le doute que la science moderne connaitra des progrès. C’est au contraire par des croyances quasi-mystiques que des mutations profondes se produiront. C’est cela, à mon sens, le point de rapprochement principal entre la science et la philosophie.

Rafik