Selon l'article 1er, sont autorisées la centralisation et l'analyse des "informations relatives aux individus, groupes, organisations et personnes morales qui, en raison de leur activité individuelle ou collective, sont susceptibles de porter atteinte à l'ordre public".
Selon l'article 2 sont concernées "les personnes physiques âgées de treize ans et plus".
Les données enregistrées incluent, en particulier, "les signes physiques particuliers et objectifs, photographies et comportement" (article 3).
Autrement dit : toute personne de plus de treize ans, dont le comportement est considéré ou plutôt suspecté de porter atteinte à l'ordre public peut désormais faire l'objet d'un fichage, pour autant que "le gouvernement ou ses représentants le jugent nécessaire pour l'exercice de leurs responsabilités".
On peut difficilement imaginer conception plus laxiste du droit de l'Etat à contrôler les citoyens, entre autres raisons parce que la notion de "comportement" est infiniment plus floue, plus imprécise et large que celle d'acte, et qu'elle ouvre la porte aux interprétations les plus spécieuses. Un acte peut être délictueux, mais comment un "comportement" pourrait-il jamais l'être ?
Surtout parce que ces intrusions des autorités administratives et politiques dans nos vies privées ne sont encadrées par aucune autorisation ou commission rogatoire délivrée par un juge. Il suffira qu'elles les demandent pour y avoir droit !
Voir les réserves formulées par la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés) :
La collecte d'informations est certainement une fin légitime, mais elle doit être limitée, restreinte, encadrée par ces procédures politiques et juridiques de contrôle. Toute notre conception de l'Etat moderne repose sur l'idée de protection - de la sécurité, de la propriété, des libertés publiques fondamentales, jusqu'à la garantie de ces nouveaux droits (à la santé, à l'éducation, à une rémunération équitable, etc.) qui ont été introduits après la Seconde Guerre mondiale et qui figurent dans la Déclaration universelle des Droits de l'homme de 1948. On peut discuter de cette extension que les libéraux jugent excessive parce qu'elle accroît l'intervention de l'Etat dans la société. Mais la protection, telle que nous l'entendons au sens politique, ne présuppose pas la suspicion. Différente de la crainte que la mère éprouve pour son petit enfant et qu'elle ne perd pas des yeux, elle repose sur une tonalité existentielle fondamentale qui est la confiance, le présupposé du respect de la loi par les citoyens, non le présupposé inverse : qu'ils sont potentiellement des ennemis de l'ordre public. C'est précisément cette tonalité du lien social que des dispositions comme le décret Edvige remettent en cause. Et c'est pourquoi, avant toute autre raison, elles doivent être examinées avec la plus grande vigilance.
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