Le débat a été relancé par le récent déclassement de quatre mémoramdums secrets rédigés entre 2002 et 2005 par les juristes de l'Office of Legal Counsel (OLC) du ministère de la Justice - Jay Bibee, John Yoo et Steven Bradbury - justifiant la pratique de "méthodes d'interrogatoire coercitives". Où il est expliqué comment fabriquer un collier pour frapper un prisonnier contre le mur, combien de jours exactement il peut être privé de sommeil, et ce qui doit très précisement lui être dit avant de l'enfermer dans une boîte avec un insecte ou encore comment pratiquer le waterboarding sans entraîner la mort - le tout, dans la belle casuistique juridique, afin de garantir aux tortionnaires l'assurance d'échapper à une condamnation pénale. Ces mémos, particulièrent nauséabonds, peuvent être consultés à l'adresse suivante :
Dans le même temps a lieu sur le blog de l'University of Chicago Law School un incroyable débat entre professeurs de droit sur la question de savoir si la pratique de la torture, appelée "Torturous Interrogation", doit ou non faire l'objet à l'avenir d'une régulation et d'une légalisation. Plus précisément, doit-on s'en tenir à la justification ex post de la "nécessité défense" dans le cas d'une incrimination pénale devant un tribunal ou, au contraire, définir légalement à l'avance, c'est-à-dire ante post, des règles encadrant la pratique de la torture ? Cette position défendue par Eric Posner et Adrian Vermeule, qui présupposent faussement tous deux l'efficacité de ces méthodes et la pertinence du scénario de la "bombe à retardement", est à juste titre critiquée par Bernard Harcourt, professeur de droit, de criminologie et de science politique.
Ce n'est pas le caractère public de cette discussion qui étonne, mais son existence même. Comme s'il était concevable qu'une démocratie envisage tranquillement de légaliser la violation de ses principes fondamentaux, aussi bien en droit interne qu'en droit international, et qu'elle puisse imupunément emprunter la voie de ce que Hannah Arendt appelait, à l'époque de la guerre du Viêt-Nam, une "criminilisation de l'Etat".
Mais le plus terrifiant est de lire les commentaires des étudiants qui, pour nombre d'entre eux, estiment que la torture doit être utilisée si elle permet de sauver des vies innocentes. Une hypothèse apparemment réaliste mais qui, en fait, repose sur un scénario à la fois imaginaire et pervers, ainsi que je l'ai montré dans mon livre.
On voudrait qu'avec l'accession de Barak Obama à la présidence, l'hypothèse de la torture soit définitivement oubliée. Comme on le voit, cette page noire de l'histoire des Etats-Unis est loin d'être fermée...
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