On se forme l'esprit et le sentiment par les conversations, Pascal

dimanche 26 avril 2009

Télé-électrochoc

Si vous avez encore le temps, procurez-vous le numéro de ce week-end du journal Libération, qui a pour titre : "Télé-réalité. Télé électrochoc". Les journalistes ont suivi le tournage d'un documentaire de France 2 qui met en scène un "jeu" où les candidats acceptent d'infliger des chocs électriques (en réalité, factices) à un sujet qui se trompe dans la réponse à une série de questions. Où l'on voit que les résultats de base de la fameuse expérience Milgram sur la soumission à l'autorité, menée au début des années soixante, se trouvent à nouveau confirmés : 80% des candidats ont accepté d'envoyer des décharges maximales de 480 volts, l'une d'entre-elle étant même la petite fille de Juifs déportés à Auschwitz !
Les propos que me prête le journaliste qui m'a contacté à la va-vite juste avant le bouclage sont, hélas, un peu déformés. Si je lui ai expliqué que les sujets de l'expérience Milgram n'étaient nullement des "robots" qui auraient obéi mécaniquement aux ordres - en témoignent les signes d'anxiété physique et psychologique qu'ils manifestaient - je n'ai évidemment pas laissé entendre qu'à l'inverse tel était le cas d'Eichmann. Mais passons, l'essentiel n'est pas là.
Je ne vois pas cependant, à la différence de la conclusion qu'en tire le journal, que ce soit la conduite des sujets qui prouve la perversion de émissions de télé-réalité. Cela on le savait déjà. De fait, elles sont proprement obscènes. La perversion est dans l'institution, toute institution, qui favorise ce genre de comportement de docilité. La leçon à tirer est bien plus générale.

2 commentaires:

Sancho a dit…

Oui, mais pensez-vous qu'il y a perversion des institutions sans complicité et complaisance des individus?

michel terestchenko a dit…

Non, absolument pas, vous avez raison, et je le pense aussi, mais les individus sont "vulnérables" aux situations. C'est ce que j'ai essayé de montrer dans "Un si fragile vernis d'humanité". En dernier ressort, on en revient aux individus, à leur capacité (malgré tout assez rare, du moins dans certaines circonstances) de maintenir un rapport critique et vigilant aux institutions.