Retour sur la fameuse expérience menée par le professeur Philip Zimbardo, au début des années soixante-dix à l'université de Stanford (Californie), que j'ai longuement présentée et analysée dans Un si fragile vernis d'humanité. En substance : vingt-quatre étudiants furent choisis pour participer à une expérience sur les modifications du comportement en milieu carcéral et répartis, au sort, pour jouer les uns le rôle de gardien, les autres le rôle de détenu dans une prison factice. L'expérience, conduite avec un parfait réalisme, devait durer trois semaines. Les ravages sur les participants, soit qu'ils se soient pris au jeu avec un sérieux parfois sadique, soit qu'ils aient été psychiquement brisés par la brutalité dont ils étaient victimes, furent tels que l'expérience fut arrêtée au bout de ... six jours !
Philip Zimbardo a publié récemment un livre dans lequel il revient longuement sur cette expérience, qu'il met en rapport avec les événements qui se sont déroulés dans la funeste prison d'Abou Ghraib en Irak, et qui permet de mieux comprendre comment, dans certaines situations, des individus "ordinaires" peuvent se transformer en agents dociles d'une institution qui humilie, aliène et brise la personnalité de ceux sur lesquels elle dispose d'un pouvoir total (The Lucifer Effect, How Good People Turn Evil, Rider, 2008.
Il est regrettable que cette expérience cruciale soit à peu près inconnue en France, sauf des spécialistes en psychologie sociale. Elle devrait pourtant faire l'objet d'un enseignement aussi bien au lycée qu'à l'université.
1 commentaire:
Cette "expérience" fait partie de ce que je vais faire étudier à mes élèves cette année... Le tout à partir de votre ouvrage "Un si fragile vernis d'humanité".
Qu'il s'agisse de Stanford ou de The Wave aux USA, cette expérience - comme l'analyse que vous en faites d'ailleurs - mais vraiment l'accent sur le flou de la frontière. Du "je ne serai jamais capable de..." au "Et pourtant, je l'ai fait".
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