En cette nuit où l'on passe à l'heure d'hiver, je songe - Dieu sait pourquoi - aux poèmes passionnés que Michel-Ange écrivit au bel adolescent dont il s'éprit, à l'âge de cinquante ans, Tommaso dei Cavalieri - il fallait qu'il fut beau de la beauté foudroyante qui était la sienne pour porter un tel nom - et à cet extrait tout particulièrement :
"Tu sais bien que je sais, mon seigneur, que tu sais
que je m'en suis venu jouir de toi de plus prés ;
et tu sais que je sais que tu sais qui je suis :
alors, pourquoi tarder à nous fêter l'un l'autre ?
Si l'espoir dont tu m'as bercé n'est pas trompeur,
s'il est vrai que tu vas combler mon grand désir,
que s'abatte le mur qui les sépare encore,
car le tourment qu'on cèle est un double martyre ..."
Ne voyez dans ce choix aucune intention équivoque : c'est une affaire de justice.
Il faut rendre à Michel-Ange une part de son génie que l'on connait peu : celle d'un grand poète qui livre dans ses vers les ardeurs d'une âme tour à tour éprise des fièvres de l'amour, des aspirations de l'âme vers l'indicible, et, à la toute fin de sa vie, d'un dépouillement de l'art et de la beauté elle-même - il les avait pourtant servis avec une dévotion héroïque - qui ne laisse plus de place qu'à un sombre et bouleversant dialogue avec Dieu.
Heureux quiconque rencontre sur son chemin, serait-ce dans sa vie une fois seulement, l'être à qui lui vient de poser cette question en guise de promesse : "Pourquoi tant tarder à nous fêter l'un l'autre ?"
Si vous ne les connaissez pas, lisez, lisez les poèmes de Michel-Ange dans la très belle traduction de Pierre Leyris, publiés dans la collection "Poésie", Gallimard.
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