On se forme l'esprit et le sentiment par les conversations, Pascal

samedi 23 avril 2011

Chant de Pâques

Avec quelle douceur les moines du monastère russe de Valaam chantent la mélodie grecque de la Résurrection, "Christos Anesti", "Christ est Ressuscité" ! Et mon coeur se serre en songeant à ces temps où la foi était simple. La joie des fidèles dans la campagne et les villages de l'ancienne Russie, réunis la nuit de Pâques après quarante jours de jeûne, les oeufs que l'on peint en rouge et qui seront distribués, avec le koulitch, à la fin de l'Office, les cloches qui sonnent joyeusement alors que l'on vient prendre la lumière à la bougie allumée par le prêtre, revêtu de ses ornements d'or, l'église illuminée par les veilleuses qui brillent au-dessus des icônes. Toutes ces images, devenues aujourd'hui d'Epinal, étaient autrefois une réalité. L'on pouvait être pécheur, mauvais pratiquant, tous, hommes, femmes et enfants, jeunes et vieux, se retrouvaient rassemblés un soir au moins, alors que l'homélie de saint Jean Chrysostome appelaient,comme aujourd'hui encore, les fidèles de la première heure et les invités tardifs de la onzième heure à se réjouir ensemble dans la Bonne Nouvelle et à se donner le Baiser de Paix.
C'étaient d'autres temps où les peines de la vie s'apaisaient dans le calme refuge d'une foi, qui pour la plupart était d'une vérité aussi évidente que la clarté du soleil en plein midi. L'on pouvait marcher des jours durant, l'âme en peine, pour rencontrer un père spirituel, un "starets", tel l'inoubiable père Zosime que Dostoïevski peint dans les Frères Karamazov, et repartir le coeur joyeux parce que la foi incarnée et vivante était en cet homme saint - eh oui, la sainteté existait alors - un bouleversant témoignage d'amour. Depuis, une grande ombre noire s'est déployée dans nos coeurs et sur nos sociétés ; de tels hommes ont disparu, ou alors ils vivent cachés, et nous ne sommes plus capables d'une telle simplicité. Ce chant, comme une prière, nous rappelle pourtant ce qu'elle pouvait signifier.
Oh oui, je voudrais une nuit seulement revenir à la douceur et à la piété de ce qu'un très beau livre de Stefan Zweig appelle "le monde d'hier". Et ne me dites pas, ce que nous savons tous, qu'il était fait aussi d'oppression et de misère. Ce n'est pas de cela dont je parle et qui éveille ma nostalgie. Joyeuses fêtes de Pâques à tous, chers amis, que vous soyez croyants ou non, sensibles ou indifférents à ce qui me touche !




Si vous voulez connaître et goûter à la merveilleuse et profonde spiritualité russe, venue des plus lointains enseignements des hésychastes de l'Athos, ces maîtres de la prière du coeur et de la tranquillité (hesychia en grec) intérieure, lisez les Récits d'un pélerin russe, dont l'auteur est anonyme :

  • www.amazon.fr

    Et voyez l'admirable film de Pavel Lounguine, L'île (2008), qui est une pure merveille :

  • www.amazon.fr
  • 3 commentaires:

    cecile odartchenko a dit…

    .....................Vous n’avez plus connu ce manteau de bonheur
Jeté sur tout un monde et de béatitude,
Et ce fleuve et ce flot et cette plénitude,
Et ce consentement aux règles de l’honneur.

Vous n’avez plus connu ce manteau de tendresse
Jeté sur l’âme même et ce manteau d’honneur.
Vous n’avez plus connu cette chaste caresse
Et ce consentement aux règles du bonheur.

Vous n’avez plus connu ce manteau de bonté
Jeté sur tout un monde et cette bienveillance,
Et cette multitude et l’antique vaillance,
Et cette solitude et cette fermeté.

Vous n’avez plus connu ce manteau de satin
Jeté sur tout un peuple et dans cette allégresse
Tout un monde gonflé de la même tendresse
Depuis le ras du sol jusqu’au dernier gradin.

Vous n’avez plus connu cet auguste festin,
Et la sève et le sang plus purs qu’une rosée.
La jeune âme avait mis sa robe d’épousée,
Et la terre fleurait la lavande et le thym.

Et le jeune homme corps était alors si chaste
Que le regard de l’homme était un lac profond.
Et le bonheur de l’homme était alors si vaste
Que la bonté de l’homme était un puits sans fond.

Vous n’avez plus connu l’innocence du monde
......

    Extrait de l'Eve de Charles Peguy

    Anonyme a dit…

    Si tout cela vous manque tant, pourquoi alors vous êtes-vous éloigné de la Sainte Eglise Orthodoxe... et de ce fait de Dieu ?

    Anonyme a dit…

    Ce que vous dites au sujet des saints hommes de Dieu de notre temps, tel Saint Nectaire d'Egine,Irène Myrtidiotissa d'Oinoussa, ou bien le vénérable Ambroise Fontrier, qui auraient selon vous disparus, me fait penser à l'admirable conférence donnée à Muret (31), en 1991, au sujet de la réfutation de Saint Syméon le Nouveau Théologien, contre ceux qui disent, que nos temps modernes n’abritent plus de tels hommes. Cette dernière éveille en moi, une très profonde nostalgie...