Rappelons tout de même que le principe fondamental sur lequel repose la société démocratique libérale - mais la France l'est-elle encore ? - est le respect par l'Etat de la pluralité des conceptions de la bonne vie (ce qui inclut les modes de vie alimentaires et vestimentaires, ainsi que les croyances philosophiques ou religieuses) sur lesquelles l'Etat n'a pas à se prononcer, étant là une affaire de choix individuels, d'ordre strictement privé, à l'égard desquels la plus grande liberté d'expression doit être accordée et garantie. Tek est le principe fondateur qui a été formulé et affirmé dans le 1er Amendement à la Constitution des Etats-Unis : " Le Congrès ne fera aucune loi qui touche l'établissement ou interdise le libre exercice d'une religion, ni qui restreigne la liberté de la parole ou de la presse, ou le droit qu'a le peuple de s'assembler paisiblement et d'adresser des pétitions au gouvernement pour la réparation des torts dont il a à se plaindre".
Voici l'entretien que Raphaël Liogier a accordé au site Ouman.fr, à l'occasion de la manifestation, la Muslim Pride, qu'il se propose d'organiser. L'humour pour lutter contre la dangereuse crétinisation des esprits, qui gagne même certains "intellectuels" qui tiennent le haut du pavé. Franchement, je suis de tout coeur avec lui !
L’Europe du XXIème siècle serait-elle rattrapée par ses vieux démons, et céderait-elle à une nouvelle psychose collective, qui fait renaître de ses cendres une chasse aux sorcières haineuse, où les nouveaux hérétiques sont musulmans et responsables de tous les maux ? Si les projections fantasmées les plus sombres entourent la présence musulmane européenne, la déferlante islamophobe qui engloutit le Vieux Continent, frappant la France avec une violence inouïe, ne relève pas, elle, d’une pure vue de l’esprit.
Pour Raphaël Liogier, Professeur de sociologie à Sciences Po Aix, et Directeur de l’Observatoire du religieux, l’heure est venue pour les français musulmans de sortir de leur apathie, de dépasser le sentiment de honte, et de passer à l’action ! Insuffler la fierté d’être musulman, encourager l’implication civique, exhorter à revendiquer ses droits, inciter à se mobiliser dans une action d’ampleur nationale fédératrice, la « Muslim Pride » s’est imposée au chercheur avisé et citoyen engagé, qui, plus qu’un état d’esprit salutaire, et loin du repli communautariste, y décèle l’antidote contre une frénésie islamophobe sans précédent, dont les effets bénéfiques rejailliraient sur l’ensemble de la société.
Raphaël Liogier amorcera la discussion sur l’organisation d’une « Muslim Pride » d’envergure, vendredi 15 avril, à 19h30, au sein de l’Institut des Cultures d’Islam , au cœur du quartier emblématique de la France métissée, la Goutte d’Or.
Ce début de XXIème siècle est marqué par la résurgence de l’extrême-droite européenne, sur laquelle plane le spectre du fascisme, et qui ne cesse d’avancer ses pions pour stigmatiser l’islam. Selon vous, les musulmans occidentaux sont-ils bel et bien les nouvelles victimes expiatrices des temps modernes ?
Comme disait Sartre à propos du « Juif », on peut aujourd’hui dire que si le « Musulman » n’existait pas il aurait été inventé. Le musulman est devenu, comme jadis le juif, un principe métaphysique inventé qui n’a plus rien à voir avec ses réalités physiques multiples, avec la vie concrète des musulmans français et européens. Les musulmans sont devenus les otages de la caricature que la culture dominante a construite. C’est cette réappropriation de l’islam par les musulmans réels qui est en jeu par exemple dans l’exposition des superbes photos de Martin Parr exposé à l’Institut des Cultures d’Islam à l’initiative de sa directrice Véronique Rieffel.
C’est aussi pour cela que cette première soirée du vendredi 15 avril consacrée à la mise en place d’une Muslim Pride se tiendra dans ce lieu de La Goutte d’Or, lui-même emblématique des préjugés anti-musulmans.
Impuissants face à la globalisation, les Européens désignent un coupable essentiel (métaphysique) qu’ils ont sous la main, à qui ils reprochent tous les maux. Du coup, depuis les années 2000, nous ne sommes plus, comme c’était le cas à la fin du XXème siècle, dans une crise du modèle français de laïcité, devant la difficulté de la République française, théoriquement monolithique, à admettre les différences, mais dans une crise plus radicale et plus large qui s’étend à l’ensemble du Vieux Continent.
Ce sont les "dominants" culturellement et économiquement qui, aujourd’hui, montent de toutes pièces une guerre qui n’existe pas, et crient à la guerre de civilisation qui ne concerne absolument pas les musulmans réels. Dès lors, quoi que fassent les musulmans réels ils incarnent le mal. On retrouve cela dans les débats fallacieux sur l’intégration : on reproche aux citoyens français musulmans à la fois leur manque d’intégration (« ils sont trop voyants, ostensibles… »), mais aussi des formes d’intégration suspectes (« ils sont partout, ils s’approprient notre espace, tout en restant musulmans »).
Or, ce qui compte en démocratie, ce n’est pas l’intégration abstraite, pure et simple, qui peut ressembler à une « purification », mais la participation concrète à la vie de la cité. Pour reprendre encore Sartre à propos des Juifs : "Certes, ils rêvent de s’intégrer à la nation mais en tant que Juifs, qui oserait le leur reprocher ?" (Jean-Paul Sartre, Réflexion sur la question juive, 1954, p.154). Eh bien, c’est cela même que l’on reproche pourtant aux musulmans, non pas de ne pas vouloir s’intégrer, contrairement à ce que l’on voudrait faire croire, mais de vouloir "s’intégrer à la nation en tant que musulmans" !
La suite sur :
Voir également l'article passionnant , "Islam : A Scapegoat for Europe's Decadence", (publié dans la Havard International Review ), où notre chercheur réduit en poudres avec beaucoup de science tous les stéréotypes et clichés sur l'aliénation de la femme musulmane entièrement voilée, le port ostentatoire du niqab étant plutôt, en nos contrées, l'expression, hyper moderne et individualiste, d'une sorte de dandysme ascétique . Ses arguments et son analyse peuvent être lus à l'adresse suivante :
5 commentaires:
cher Michel, vous m'avez demandé en réponse à un mail, ce que je pensais de la question que vous abordez aujourd'hui...Je pense qu'en effet la crispation des pratiquantes musulmanes sur le voile intégral ou pas, est une conséquence de notre politique désastreuse...mais pas seulement en France où nos citoyens musulmans, ou "arabes" n'ont pratiquement aucune chance, sauf à se tenir derrière nos camions poubelles ou à casser du bitume avec le marteau piqueur...
Mais surtout et cela ne concerne pas que la France, que nous ( européens) ne sommes pas du tout sortis de la logique colonialiste, et que nous continuons à pomper les richesses de l'Afrique et d'ailleurs, parce que nous en avons la technologie....et à porter les chaussettes et T shirts chinois, pourtant faits par des femmes et des enfants dans des conditions sanitaires déplorables...Ah, j'oubliais nos baskets, et téléphones portables, et les tapis vendus avenue de l'opéra et tissés par des jeunes qui deviennent vite aveugles et déambulent ensuite dans leur villes ou villages la canne blanche à la main.......Nous sommes des vampires du tiers monde. Et maheureusement, même le commerce équitable, est géré par des requins...Dans un monde où l'expoitation fait loi, il ne faut pas s'étonner qu'il y ait repli sur l'intime, la rêverie érotique et amoureuse...mais les femmes mulsulmanes auraient bien intérêt à monter au créneau, ( je crois qu'elles le font au cours de toutes ces révolutions) et d'abord peut-être de cesser d'idôlatrer leurs garçons, futurs machos, que j'ai vu et entendus à l'oeuvre au cours d'ateliers d'écriture dans le 20 ième arrondissement...Persécution là, des filles "modernes" , actions de cohercitions des familles et des "pères" et "cousins" ou "frères" tous ligués pour que la soeur marche au pas...
La muslimpride, peut-être bien, comme la gay pride????Mais attention aux simplifications...Je ne suis pas prête à porter la burqua....L'amour en effet, ( votre avant dernir billet) a cette dimension du sacré, et quand on est pris ou prise par cette ardeur c'est bien sûr pour un homme seul, ou une femme seule..il n'y a plus de place pour d'autres...C'est le sacré et la fusion. mais la fusion, a son temps de vie, comme tout le reste..parfois elle survit longtemps..mais elle s'éteint un jour...et là, il faudrait que les structures mentales soient prêtes pour accueillir le changement, l'inconnu, la liberté...La vie, succède à la vie, c'est un enchaînement...Une femme lapidée pour cause d'amour, est une HORREUR!
Une femme lapidée pour cause d'amour, est une HORREUR!
EXCUSEZ MOI! JE VOULAIS DIRE C'EST UNE HORREUR ET BIEN SÛR PAS QU'ELLE CETTE FEMME ÉTAIT UN HORREUR!
Chère Cécile,
Il n'est pas question, bien sûr, de justifier la lapidation des femmes adultères comme cela a en effet lieu. Mais la politique française à l'endroit des musulmans n'a rien à voir avec cela, n'est-ce pas ? Le niqab ne concerne tout au plus que deux cent femmes en France, et puis il faudrait savoir davantage qui elles sont, les raisons pour lesquelles elles se couvrent ainsi chez nous, ce que Raphaël Liogier explique très bien.Le fait est que l'immense majorité des musulmans sont des citoyens comme les autres et qu'ils éprouvent le traitement qui leur est réservé, dans les discours rhétoriques et les politiques publiques, comme une "indexation" sociale injuste, humiliante, souvent insupportable. Les Américains s'étonnent de cette situation singulière qui ne se retrouve pas chez eux, alors qu'ils ont connu les attentats du 11 septembre. Il est vrai que c'est une société bien plus authentiquement libérale (politiquement s'entend) que la nôtre où l'Etat se mêle trop souvent de ce qui ne le regarde pas.
Une petit précision : je suis partisan d'une société où l'on peut librement et sans être inquiété par quiconque tout aussi bien faire des caricatures du Prophète que prier dans la rue si ça vous chante, se promener avec une kippa ou diriger la circulation, si l'on est policier, un beau turban de je ne sais trop combien de mètres enroulé sur la tête.
cher michel, en effet, il n'y a pas de quoi faire un ramdam sur la question du voile...mais il faudrait s'occuper activement de l'exploitation des ressources naturelles du tiers monde, à notre profit, qui est la raison des replis identitaires...de l'exploitation aussi des émigrés accueillis à bras ouverts pour faire les sales boulots, ou la guerre et auxquels ensuite on dénie les droits fondamentaux, etc...Toute notre société "libérale" est construite sur l'exploitation des richesses du "voisin"...Pour moi c'est ça la honte...Et les garçons ou les "hommes" qui n'ont pas de boulot, sont tentés plus souvent qu'à leur tour d'exercer leur "mâles" supériorité sur leurs femmes, soeurs et mères...ils poursuivent les femmes émancipées dans leurs quartiers, avec quolibets, violences et discours pornographiques...c'est inimaginable ce qu'ils peuvent "cracher" sur les femmes "méprisables"...tout en adorant leurs mères qui leur passent tous les défauts....Cessons d'abord de nous approprier les richesses pour que les gens du tiers monde puissent profiter de ce qui leur appartient de droit,travailler et s'enrichir honnêtement chez eux et construire leur société démocratique, avant de venir s'expatrier et vivre si mal chez nous...où ils ne sont pas des citoyens comme les autres quoique on en dise....la "muslim pride" ça fait malheureusement penser à la gay pride...C'est - à dire à des manifestations de personnes cataloguées comme différentes et scandaleuses...les sectes, explique Raphael, associées à la pédophilie, etc...Une "parade" de femmes en burqa, peut être aussi nocive que celle d'hommes en strings sur des chars fleuris....
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