On se forme l'esprit et le sentiment par les conversations, Pascal

vendredi 11 mars 2011

Les Justes du Rwanda


Joseph, Léonard, Joséphine, Augustin et Marguerite, tels sont les noms de ceux et celles qui, au péril de leur vie, sauvèrent des Tutsis lors du génocide de 1994 et à qui Marie-Violaine Brincard donne la parole dans son très beau film "Au nom du Père, de tous, du ciel". Ces témoignages sont infiniment précieux, parce que les témoignages des Justes sont, où que ce soit, toujours rares. Y éclate dans la splendeur des paysages, et l'extrême dénuement de leurs conditions de vie, la simplicité, le courage et la noblesse magnifique - chez Augustin, assis dans sa pauvre maison délabrée, aux côtés de sa femme, elle est presque royale - de ces hommes et femmes, qui n'ont pas hésité à risquer leur existence, celle de leurs enfants aussi, la peur au ventre, et qui parlent de leurs actions, des raisons qui étaient les leurs, avec une émouvante sobriété. Loin de tout faux pathos, épurant les mots et les images jusqu'à l'essentiel, ce film est un petite merveille d'humanité que je vous recommande, vraiment, de vous procurer. Et puis c'est un devoir aussi d'apporter son soutien à de telles entreprises, qui se font toujours dans des conditions précaires. Et, tant que nous y sommes, faisons-le circuler, parlons-en autour de nous, essayons autant que nous le pouvons de faire que soit vu par le plus grand nombre ce qui mérite vraiment de l'être.

Le film peut être acheté, au prix de 12 euros, à l'adresse suivante :
  • www.docnet.fr

    Voici la présentation du film par Yann Lardeau :

    Écriture minimaliste pour ce film qui revient sur le génocide du Rwanda, quinze ans après, sous un angle particulier, celui des Justes, des Bienfaiteurs (Abagizeneza). Ils sont quelques Hutu à s’être opposé au bain de sang, à avoir risqué leur vie pour sauver des Tutsi. Cinq d’entre eux relatent leur choix, leurs peurs. Ils racontent des gestes simples, évidents, sauf qu’ils ne l’étaient pas : le film commence sur le récit d’un berger amputé, le genou broyé pour avoir caché un fugitif. La qualité d’ Abagizeneza tient à l’unité de son regard, à la rigueur de sa construction en modules autour des personnages. Quelques plans serrés d’abord du cadre de vie, des intérieurs rudimentaires, suivis du témoignage frontal, en plan américain, jamais en gros plan : la solitude de la décision, la vulnérabilité des personnes n’en ressortent que davantage. Puis un plan large de la nature autour, des cuvettes cernées de monts brumeux, une campagne paisible aux sons bucoliques et aux rondeurs trompeuses : la scène de la tragédie. Et un fondu au noir ouvrant sur le témoignage suivant. Mais la transition est biaisée : le personnage de la séquence suivante apparaît fugitivement, muet, avant le fondu au noir. Le film crée ainsi un lien ténu mais persistant entre chacun de ces bienfaiteurs. Cette passerelle est essentielle : elle conjure une blessure qui a atteint la langue même. Jadis les adultes étaient indifféremment des « oncles » et des « tantes » pour les jeunes générations, qu’ils soient tutsi ou hutu.
  • 3 commentaires:

    gelsomina a dit…

    merci pour ce partage essentiel en effet...des "justes" oui, il y en a eu et j'espère quelques soient les circonstances, toujours, vous oeuvrez aussi avec les moyens du bord pour que les uns et les autres puissent se regarder en face et pas de travers ou en travers, traversés par la lumière plutôt que la haine!

    FRANCE DELTENRE a dit…

    Commentaire en 2 parties : 1ère partie
    La publication de Michel Terestchenko se réfère à un film qui rend hommage à des hommes et à des femmes hutus qui, pendant le génocide des Tutsis en 1994, ont révélé leur part humanisante et leur compassion humaine en prenant le risque de sauver des Tutsis voués à l’extermination.
    Ce génocide demeure dans la mémoire collective de l’humanité et interpelle. Comment une telle haine au sein d’un même peuple a-t-elle pu conduire à de tels massacres ? Comment des hommes ont-ils pu commettre des actes de violence d’une telle atrocité ?
    Concernant la genèse du génocide, celui-ci s’inscrit avant tout dans une lutte sociale entre les ethnies tutsis et les ethnies hutus, qui conduisit à une lutte de pouvoir et à la mise en place d’une organisation d’extermination programmée. En effet, dès 1950, une révolution sociale affronta deux ethnies, celle de l’élite tutsi minoritaire représentant 15 pour cent de la population, face à une majorité hutu exclue de l’administration et se sentant asservie et victime de discriminations. Au début des années 1990, le gouvernement rwandais véhicula des slogans de paix, d’unité et de développement. La Réforme de l’Etat donna accès à la liberté d’expression, fit surgir différents partis politiques d’opposition face au parti unique, ce qui conduisit à une réactivation des passions ethniques. Les Hutus reprochèrent aux Tutsis de participer à tous les secteurs de la vie sociale, économique et politique à leur détriment. La presse participa à l’élaboration d’une campagne démagogique, visant à « Réveiller ! », dans un discours de haine se forgeant sur une querelle « ethnique » mais qui, révéla, en arrière-plan un conflit social. La propagande tentaculaire souda les Hutus dans un même front. Cette propagande anti-tutsi ne cessera de s’accentuer jusqu’en 1994 en prônant la haine des Tutsis qualifiés de « cafards » et de « vermines ». En avril 1994, la mort du Président constituera l’événement détonateur des massacres en masse, déjà planifiés. Les Hutus conditionnés par cette propagande se livreront à des exactions en masse, d’une extrême violence, en tuant près d’un million de Tutsis en 100 jours en éventrant les femmes, en enterrant les Tutsis vivants, en les mutilant à coups de machettes et de houe, en déchiquetant les corps, en jetant les enfants contre les murs ou les rochers. Ces actes seront qualifiés de génocide compte tenu de l’intentionnalité et de la volonté d’anéantissement des Tutsis.

    FRANCE DELTENRE a dit…

    Commentaire en 2 parties : 2ème partie
    Comment des hommes ordinaires ont-ils pu se transformer en bourreaux et commettre des crimes d’une telle atrocité ? Ce génocide ne révèle-t-il pas que nous sommes tous potentiellement inhumains, bien qu’hommes « normaux » ? Ne serions-nous pas capables de telles monstruosités en commettant des crimes si nous étions placés dans des conditions extrêmes inimaginables. L’ouvrage intitulé « Une saison de machette » rapporte les témoignages d’Hutus ayant participé aux exactions, l’un deux affirme que « ce tueur était bien moi mais étranger pour sa férocité ; je méconnais la méchanceté de moi-même ». Ces crimes accomplis par des hommes banals nous renvoient à la banalité du mal d’Hannah Arendt.
    Nous ne pouvons pas évoquer le caractère inhumain de tels actes sans souligner le rôle prépondérant de la propagande, dans la préparation et le conditionnement des esprits, mise en place et déployée intensivement durant les années qui ont précédé le génocide. En effet, la portée dans les consciences d’un tel mouvement de propagande est illustrée dans le roman « La vague » de Todd Strasser, qui relate une expérience de psychologie pratique réalisée en Californie en 1967 par un professeur d’histoire.
    Concernant la résistance qui s’est mise en place lors du massacre au Rwanda, nous pouvons mettre en exergue le documentaire diffusé en 2008, intitulé « le dernier des Justes » qui relate le mouvement de résistance qu’engagera le Lieutenant Général Romeo Dallaire qui, en 1994 dirigeait une mission de maintien de la paix des Nations Unies au Rwanda. Il parviendra à isoler des Tutsis pour les protéger mais il témoignera dans ce documentaire, du sentiment de culpabilité et d’échec qu’il a ressenti par défaut d’interventions armées qui auraient été susceptibles d’enrayer les massacres.
    S’agissant de la nature des crimes commis, le déchiquetage des corps et les sévices corporels sont porteurs de sens et sont à mon sens, révélateurs du caractère social du conflit par la volonté d’humiliation qui animait les exécutants qui privilégiaient d’ailleurs, dans leur langage, le recours aux termes « couper » au lieu de tuer, et « travail » pour désigner les tueries.
    A l’échelle de notre pays, les conflits sociaux auxquels nous assistons aujourd’hui sont fomentés par des hommes politiques extrémistes, qui n’hésitent pas à recourir à des discours de haine pour raviver et exacerber « la lutte des classes ». Il importe à mon sens que nous soyons tous vigilants pour préserver à terme, la population française de tels soulèvements.