On se forme l'esprit et le sentiment par les conversations, Pascal

mercredi 6 janvier 2010

Ce soir ou jamais

Chers amis, les destins directeurs, comme dit Melville, ne m'ont pas même laissé le temps de vous présenter mes voeux pour cette nouvelle année que je vous souhaite heureuse et riche des choses les meilleures.
Je serai, ce soir, à l'émission de Frédéric Taddéi sur France 3, de 23 heure à minuit, pour parler de la lutte contre le terrorisme et de ses dérives vers le tout sécuritaire, en compagnie du juge Bruguière, d'Alain Bauer, d'un avocat qui lutte pour la défense des droits civiques et peut-être de Monique Canto-Sperber. Un exercice que je ne goûte guère, croyez-moi sur parole, mais enfin il est difficile de refuser de cette opportunité de s'exprimer. Vu l'heure tardive, je n'attends pas que vous me souteniez de votre présence silencieuse et bienveillante.
L'émission peut être visionnée sur le lien suivant.
  • http://ce-soir-ou-jamais.france3.fr
    A l'avenir, c'est d'autre chose dont je voudrais vous parler : le magnifique livre de Ludmila Oulitskaia, Daniel Stein, interprète, récemment paru chez Gallimard. Pour cela, il faudrait que je m'arrête de courir dans tous les sens comme un poulet à qui on a coupé la tête.
  • 3 commentaires:

    Laurence Harang a dit…

    Bonsoir,

    Beau programme ce soir: Albert Camus sur la Cinq et vous sur France 3 !

    Meilleurs voeux

    Anonyme a dit…

    Bonsoir Professeur,

    Je n'ai vu que la fin de l'émission, sans doute vais-je répéter ce que vous-même ou d'autres invités avez dit.

    "Que l'exception ne devienne pas la norme" avez-vous conclu je crois ce soir.

    Vouliez vous dire qu'il ne fallait pas transformer la diminution temporaire des droits et des libertés publiques, légitimée par la lutte contre le terrorisme, en une situation permanente ?
    J'ai bien peur que cela ait toujours été le cas.


    J'aimerais élargir ouvrir ce débat en deux directions : l'accroissement continu du pouvoir étatique sur les individus, et la capacité des fictions à légitimer et habituer le public à ces écarts regrettables de la force publique.

    Je crois qu'il n'existe aucun Etat, à ma connaissance, qui ait rennoncé volontairement à une capacité d'action qu'il s'était donné auparavant durant une période d'urgence.

    De la conscription, droit pour la force publique à mobiliser les civils, aux renseignements généraux, droit à espionner ses propres concitoyens, en passant par le droit d'ingérence, droit à envahir un autre Etat pour des raisons "morales"; les Etats ont par le passé augmenté leur sphère d'influence et d'action durant des moments de crise ou de guerre, mais ne relâchèrent jamais ces nouveaux droits dont ils s'étaient emparés. Ainsi, les situations d'exceptions deviennent norme.

    Je vois les pouvoirs de l'Etat comme un mille-feuille aussi vieux que l'Histoire, un mille-feuille de capacités héritées. Le Patriot Act américain post 11 septembre est une diminution des libertés publiques qui, je crois, est toujours en vigueur, Joe Biden, vice président américain en ayant été un fervent supporter.

    Aujourd'hui, en France, la force publique triple les caméras de surveillance, pour des raisons de sécurité. L'Etat enregistre nos déplacements, amenuise la sphère privée. Reviendrons nous en arrière ?

    La surveillance électronique est en développement constant: les mots que j'écris seront sans doute lus par un logiciel aveugle cherchant stupidement les mots "bombes" ou "Ben Laden". Cela cessera t il un jour ? J'ai bien peur que non.

    Avez vous remarqué depuis presque 10 ans maintenant, la présentation et la défense par les fictions cinématographiques ou télévisées américaines de l'utilisation de la torture ?

    Ces productions grand public présentent des héros forcés par les circonstances à utiliser la torture. Du dernier Batman, à des séries comme 24H, le héros frappe, brise les os, applique la méthode de la dite "de la baignoire", aussi facilement que s'il ouvrait une boîte de petits pois.

    La majeur partie du peuple américain est elle seulement surprise d'apprendre que ses soldats, en Irak ou en Afghanistan ont recours à la torture ?

    Je ne parviens pas à trancher entre deux explications. La première est que la fiction accompagne le déroulement historique des peurs et de fantasmes d'une société. L'utilisation de la torture est une récupération des évènements qui ont réellement eu lieu. Le scénariste se penche sur une question actuelle, qui agite la société et s'en inspire.

    La seconde explication qui me vient, est que le créateur, par osmose politique consciente ou inconsciente avec son Etat, veut légitimer et présenter comme norme ce qui était présenté comme exception.

    Dans l'esprit des spectateurs, la fiction vient confirmer le message officiel : la torture est nécessaire et normale.


    Bien à vous,

    un ancien élève,

    Pierre

    Michel Terestchenko a dit…

    Merci à tous pour vos soutiens et vos commentaires. Pierre, je suis tout à fait d'accord avec vous. Malheureusement, dans ce genre d'émission on n'a quasiment pas le temps de dire grand chose, et il faut se battre un peu pour prendre la parole, ce à quoi je répugne.