On se forme l'esprit et le sentiment par les conversations, Pascal

mercredi 20 juillet 2011

Isabelle Sorente

La découverte d'un grand talent littéraire, est-il moment plus précieux, plus émouvant, surtout lorsqu'il est totalement inattendu et qu'il survient on ne sait d'où, comme une grâce ? Telle est la joie que j'ai éprouvée en commençant de lire l'œuvre d'Isabelle Sorente, polytechnicienne et écrivain, auteur de romans, d'essais et de pièces de théâtre, à la plume brillantissime. Hard Copy (Actes Sud, 2001), une courte pièce d'une parfaite cruauté sur la perfidie ordinaire des relations au travail entre trois collègues femmes qui s'en prennent à l'une des leurs, la harcèlent, comme si de rien n'était, la brisent et la conduisent finalement à être licenciée. Un petit bijou d'une atrocité si subtilement agencée que Hard Copy est étudié par les étudiants de psychologie de l'université de Bruxelles. Isabelle Sorente est de toute évidence un maître du genre. Panique (Grasset, 2006), et c'est l'univers fantasque, plein d'humour et inquiétant de Bougalkov (voir plus loin le commentaire de F. Joignot). Addiction (J.C. Lattès, 2011), son dernier essai, est un hymne magnifique à la compassion, comme antidote à la rationalité comptable, froide et abstraite qui nous emporte dans sa frénésie implacable. Quelques mots donc, jetés à la hâte, pour vous inciter à vous précipiter.
L'année fut heureuse en découvertes : Cécile Ordatchenko tout d'abord, Isabelle Sorente maintenant. Je ne suis pas grand lecteur de nouveautés – tant de livres dans les librairies qu'on ne sait lesquels choisir, aussi a-t-on besoin de guide dans ce labyrinthe de rayonnages et de piles où il est si aisé de se perdre qu'on préfère souvent sortir les mains vides.

Voici l'excellent commentaire que F. Joignot donne de Panique sur Amazon.fr :

Le quatrième roman d'Isabelle Sorente, "Panique" (Grasset), emporté et fantastique, rappelle parfois " Le maître et Marguerite " de Boulgakov : une sorte de Diable ironique vient semer l'effroi dans un Paris contemporain. Ses personnages, jeunes, enflammés, ressemblent aux étudiants qui criaient leur rage contre l'arbitraire et une vie sans rêve ces derniers mois, mais le livre traite d'un mythe d'actualité : la panique... À travers les libres amours d'Adèle et Roman le cinéphile, comme le canular télévisé "en prime time" imaginé par leur ami Jérôme, polytechnicien et hacker, nous éprouvons tout au long du livre combien la panique menace nos actes quotidiens. Qu'elle soit désirée en secret ou suscitée par le stress et le trop-plein d'ordre, la panique nous agite, révélée par les révoltes des étudiants, les créations inquiètes du peintre Slut - génie conçu pendant un gang bang ... - les cauchemars collectifs des parisiens, les émeutes aux portes de la ville, la menace d'actions terroristes ... et l'annonce d'un bouleversement climatique ! La panique semble nous guetter tous, partout - et, chose si rare en littérature, vous la ressentez : elle nous rappelle que nous vivons désormais dans une espèce de "chaos rampant", comme l'appelle Haruki Murakami dans son livre sur l'attentat de Tokyo.
Dans le roman, cette panique souterraine - qui se transforme peu à peu en une ambiance de fin du monde, précipitée par un changement de la composition de l'air... - semble obéir à l'extraordinaire personnage de Mandés. Ce colosse aux réparties féroces, toujours entouré d'artistes inquiétants, qu'un des héros croit être la réincarnation du dieu Pan - il rappelle parfois Wotan, le satan joyeux du "Maître et Marguerite" - dévoile l'incertitude des plus solides expertises, voit les passions qui sous-tendent les vies affligées, annonce les cataclysmes qui nous guettent - et que nous déclenchons. Plus on avance dans le livre, plus on s'interroge : Mandés n'est-il pas vraiment le dieu de la panique, réveillé par nos soins ? Ne vient-il pas la répandre dans Paris, multipliant les prodiges, déstabilisant une capitale dirigée par un inquiétant président de la République ( un sosie de Berlusconi dirigeant toutes les chaînes de télévision) ?
Dans ce roman mené à cent à l'heure, Isabelle Sorente s'amuse page après page à relever les paradoxes minant la raison économique, éreinte nos calculs cyniques, révèle combien notre croyance dans l'humanisme et les Lumières s'est transformée en du calcul d'échelle - et nous rappelle que nous sommes les enfants de la chance et des soubresauts de la matière, les descendants des espèces disparues, tous jetés sur une planète au taux d'oxygéne miraculeusement constant, perdue dans le cosmos. Sans dévoiler ici l'intrigue du livre ( qui ferait un film assez cinglé ) sachez qu'il s'achève dans une catastrophe planétaire jubilatoire, tandis que le héros - devenu un "acéphale", un homme sans tête omniscient inspiré par Georges Bataille - chante la panique : " J'invoque Pan, substance du hasard, Seigneur de l'ivresse, qui fait tourner le sang, le lait et les planètes, qui commande à la force d'attraction proportionnelle à la masse mais toujours réciproque que deux corps exercent fatalement l'un sur l'autre, Panique, coeur en feu de la Terre sur laquelle nos vie dansent, insensées!"
Avec Isabelle Sorente, nous sortons enfin de l'auto-fiction et du journal intime plaintif. Revoici le roman philosophique, métaphysique, écrit à un train d'enfer."

  • www.amazon.fr

    Isabelle Sorente a fondé en 2008 la revue Ravages avec Frédéric Joignot et Georges Marbeck.
  • lundi 18 juillet 2011

    Les émotions : néfastes ou utiles, par Louis Allix

    Mon ami et collègue, Louis Allix, nous propose une réflexion fort éclairante sur les émotions : sont-elles inévitablement néfastes ou, également, parfois, rationnelles et utiles ?

    1. A première vue, les émotions s’opposent à la raison et nous conduisent à la ruine

    Nos émotions semblent aller contre notre intérêt. (a) Tout d’abord, parce qu’elles sont souvent incontrôlables : l’amour rend aveugle, la peur nous paralyse et la colère – cf. en latin : « ira furor brevis » – ressemble à de la folie. (b) Nos émotions semblent en outre impénétrables par la raison. Ainsi, j’ai peur des souris quoique je sache qu’elles sont parfaitement inoffensives. Tout se passe, alors, comme si mon corps me dirigeait contre mon jugement informé. Du reste, je ressens la force de l’affect physiquement : mon organisme frissonne de froid, ma gorge est sèche, etc. Ensuite, (c) l’émotion fait juger trop vite, rendant impossible la prise de décision rationnelle. Je me mets de la sorte en colère contre mon voisin parce qu’il fait du bruit, sans attendre de savoir si oui ou non ce vacarme est justifié (ce qui peut être le cas, par exemple, si son enfant vient de se blesser gravement). Enfin, (d) l’émotion semble, souvent, n’être basée sur rien. Ainsi par exemple, la personne dont je suis amoureux semble pouvoir être n’importe qui. Ce ne sont pas ses qualités propres que j’aime mais elle, globalement, inexplicablement. La preuve en est que si l’élue de mon cœur disparaissait et était remplacée par son sosie, je n’aimerais pas cette deuxième personne, quoiqu’elle soit exactement ressemblante à la première et alors que ses qualités seraient précisément les mêmes que celles de la personne que j’aime.

    Ce caractère irréfléchi et immaîtrisable de nos émotions nous rapproche des animaux. De même, comme les animaux, nous sommes souvent emportés par des passions collectives. La raison individuelle, alors, se tait, submergée par la mentalité du troupeau, l’esprit grégaire. Plus loin, l’histoire des hommes semble n’être que la procession sans fin de nos folies collectives, comme si nous étions des automates, programmés pour être conformistes et fascinés par le pouvoir de l’autorité ou pour suivre toujours, majoritairement, l’opinion la plus déraisonnable.

    Certes, on rétorquera que nos colères, nos chagrins, nos peurs, etc., peuvent être raisonnés, lorsque nous découvrons que l’objet de ces émotions était illusoire. Une meilleure connaissance de la situation modifie alors notre émotion. Mais il est vrai, aussi, que dans ces cas-là, très souvent, au lieu d’être dégrisés nous partons à la recherche d’une émotion de remplacement, comme si nous cherchions à tout prix à légitimer l’état émotionnel qui nous a emportés. De la sorte, par une sorte de transmutation, une émotion injustifiée est remplacée par une autre, tout aussi injustifiée. Ainsi, j’ai eu peur parce que mon fils n’est rentré que très tard de l’école mais, lorsqu’il est arrivé et que j’ai été soulagé, je l’ai accueilli en le grondant : « où étais-tu, vilain garçon ? ». Ma peur est devenue colère, sans raison.

    En outre, nos émotions sont souvent manipulées par notre inconscient. Ainsi, ce qui est connu de nous – ou nous a déjà été présenté de façon subliminale – produit en nous des émotions positives et, à rebours, ce qui est inconnu crée peur ou méfiance. Cette préférence pour le connu fait que nous nous laissons, par exemple, tromper par quelqu’un dont la tête nous est familière, que nous nous acharnons avec passion à défendre des traditions qui n’ont plus lieu d’être ou que nous développons racisme, xénophobie, ethnocentrisme ou bigoterie religieuse. Et le pire, c’est que pour justifier ces émotions bâties uniquement sur la familiarité, nous inventons des raisons imaginaires de croire à ces sottises. Alors que ce sont nos émotions qui ont informées nos décisions, nous croyons encore que la raison a, seule, agi !

    Nos émotions semblent donc être à la fois irréductiblement subjectives, opposées à la raison et de pures illusions à bannir parce qu’elles ne nous apprennent rien sur le monde. Au mieux, ce ne sont que des distractions par rapport aux affaires sérieuses de l’existence et sont, donc, sans importance. Au pire, étant incontrôlables par la raison, elles justifient tous les comportements même les plus odieux et, par conséquent, rendent impossible quelque débat sérieux à leur égard.

    2. Les émotions peuvent être rationnelles et utiles

    Nos émotions ne sont cependant pas toujours incontrôlables. La preuve en est que nous sommes souvent blâmés ou loués pour les émotions que nous avons : notre colère peut être condamnée ou être considérée comme étant juste ; une peur peut être raisonnable ou non ; une admiration peut être légitime ou indue, etc. En outre, le fait même de nous être rendus capables d’avoir une émotion peut fait l’objet d’une louange ou d’une condamnation. Nous sommes en effet tenus pour responsables de nos dispositions émotionnelles autant que de nos émotions, ce qui montre que nous ne croyons pas, au fond de nous-mêmes, que nos émotions contrôlent complètement nos vies.

    En outre, les émotions sont utiles et même parfois vitales pour l’action intelligente. La peur permet de survivre parce qu’elle rend possible la fuite efficace ou parce qu’elle rend prudent (sur la route, par exemple). Elle fait aussi détecter les dangers plus vite et agir plus efficacement : c’est elle qui arrête le geste du chirurgien, du médecin urgentiste ou du démineur au bon moment. Quant à la colère, c’est elle qui permet le combat lorsqu’il est nécessaire, par exemple face à un agresseur violent qui terrorise tout un compartiment de métro. C’est elle aussi qui permet de conserver du cran et de la détermination lors des conflits qui durent longtemps. La joie, enfin, est un motivant important qui donne confiance en soi et produit, de ce fait, de la résolution et de l’allant. Elle nous fait donc tenter notre chance, ce qui peut entraîner des succès inespérés, en particulier dans les situations incertaines. Sans elle, nous agirions beaucoup moins souvent et beaucoup moins bien. En outre, même si elle nous amène à surestimer nos capacités, cette surestimation entraîne la confiance des autres et leur affection à notre égard.

    De surcroît, les émotions rendent souvent nos actions plus opérantes parce qu’elles contribuent à concentrer notre attention sur ce qui est important. Si nous sommes détendus, notre attention se relâche, nos pensées s’éparpillent, les détails sans importance occupent notre esprit alors que, lorsque nous sommes anxieux ou en colère, nous nous concentrons sur un seul objet, écartant toutes nos autres pensées et tous les détails secondaires et pouvons alors agir plus efficacement.

    Outre cela, les émotions nous apprennent beaucoup sur nous-mêmes. Nous découvrons par nos réactions émotionnelles ce qui est important pour nous. De la sorte, si j’éprouve de la peine à la réussite d’autrui, cela me permet de comprendre que je l’appréciais en fait moins que je ne le croyais. Et, si à rebours j’éprouve de la colère à entendre dire du mal de mon voisin (alors que moi-même je ne me prive pourtant pas de le faire), cela me permet de découvrir que j’ai de l’affection pour lui. Nous découvrons même jusqu’à nos traits de caractères par nos émotions. Ainsi, si j’apprécie que l’on m’admire, même lorsque cela est parfaitement immérité (par exemple, lorsque j’ai été heureux qu’on me prenne dans la rue pour un grand écrivain, parce que je ressemble à cette personne), cela me montre que je suis vaniteux.

    De même, les émotions ont des avantages sur la raison pure en matière de vie sociale. Par exemple, le sentiment de culpabilité – qui est à première vue désavantageux pour la survie, puisqu’il empêche de tricher même lorsque cela ne peut pas être détecté – permet d’un autre côté d’obtenir la confiance des autres : grâce à lui, la coopération est rendue possible, parce que je sais par la marque de ce sentiment en autrui que ce dernier est capable de culpabilité et, donc, tiendra sa promesse. Et, je suis certain de cela parce que le signal qui m’informe de l’existence de ce sentiment est quasiment incontrôlable : le visage de la personne rougit. De même, l’émotion amoureuse me donne l’assurance que mon partenaire sexuel n’ira pas voir ailleurs volontiers. Et, là encore, le signe est inimitable. On ne peut pas plus adopter à volonté les marques immédiates de l’état amoureux (tachycardie, pupilles dilatées, etc.) que l’on ne peut intentionnellement tomber amoureux.

    Plus loin, les sentiments moraux, comme la tendresse, l’estime, la compassion, sont indispensables pour agir moralement. Pour se décider à agir moralement, il ne suffit pas en effet de suivre des maximes formelles ou de consulter des règles générales et de les appliquer aux différents cas particuliers. Il faut de l’empathie, de la compassion, de la bienveillance, de la culpabilité, de la fierté et autres émotions qui, seules, peuvent nous décider à agir moralement.

    Le cœur et la raison sont donc des alliés et non pas des ennemis implacables entre lesquels il faudrait choisir. Nos émotions peuvent certes nous induire en erreur mais elles sont aussi parfois comme une sorte de rationalité supérieure qui sauve la raison d’elle-même : (a) elles rendent possible la vie sociale ; (b) elles facilitent l’action humaine, en cassant les blocages de la raison pure ; (c) elles fournissent même nombre de nos croyances rationnelles et de nos désirs les plus légitimes.

    Nous prenons, au vrai, deux sortes de décisions. Les unes, effectuées lentement et avec minutie, sont fondées sur le raisonnement logique et les autres, rapides et imprécises, sont issues de nos émotions. Il ne faut pas opposer ces deux processus qui sont en réalité complémentaires, selon le temps et l’information dont nous disposons pour agir. Lorsque le temps ou l’information manquent, il faut privilégier l’émotion par rapport à la raison, parce qu’elle permet de changer rapidement d’activité dans un environnement changeant.

    Il faut cependant aussi que nos émotions soient appropriées. Nous devons donc apprendre à reconnaître les situations-types qui appellent une émotion particulière plutôt qu’une autre et, par exemple, saisir que devant telle sorte de danger, il faut avoir peur et non pas se mettre en colère ou éprouver de la fierté ; qu’il faut avoir de la compassion devant la douleur ou le malheur d’autrui plutôt que cette joie mauvaise que les Allemands appellent la Schadenfreude ; qu’il faut se mettre en colère devant certains actes ou comportements odieux, plutôt que de rester indifférents. Outre cela, il faut apprendre à lutter pour avoir la bonne émotion mais de façon proportionnée et non pas exagérée : il ne faut pas être paralysé de peur devant une souris ou une araignée, par exemple. Il faut par conséquent avoir des émotions mais pas trop. Il faut viser le juste milieu, comme le préconisait Aristote. C’est l’affaire de toute une vie. Mais, notre vie est aussi, toute entière, affaire d’émotions.

    dimanche 17 juillet 2011

    Fin de lecture

    Ai fini de lire, ce matin, à 5h30, c'est-à-dire à l'instant, Les Misérables, ce roman immense, inouï, titanesque, la plume de Dieu, qu'on admire et qui exaspère tout à la fois, qui fatigue souvent avec ses descriptions interminables, ses détours historiques dans lesquels Hugo se complait, sa langue surchargée mais époustouflante et qui emprunte tous les styles, de l'argot de Gavroche - le poulbot inoubliable - à la verve d'une vivacité éblouissante de Monsieur Gillenormand. Mais la fin, mon Dieu ! qui pourrait à la lecture de la mort de Jean Valjean, entre les bras de Cosette enfin retrouvée et de Marius, retenir ses larmes ? Hugo est un monstre et un génie qu'on étudie peu, le croyez-vous ? Nous allons y revenir, un peu, bientôt, le temps de souffler et de se reposer un peu.

    jeudi 14 juillet 2011

    Evolution du blog

    Chers tous, chères toutes, ce petit blog est appelé à évoluer. Voici pourquoi : lorsque nous avons été évalués par les experts du Ministère (ou plutôt de l'AERES), il est apparu, à notre grande surprise, que l'existence de ce site a été particulièrement appréciée et nous avons vivement été incités à le développer en faisant appel à la participation des autres enseignants de notre département de philosophie, mais aussi en direction des étudiants (aussi bien ceux qui assistent à nos cours que ceux qui les suivent par correspondance). L'idée est d'en faire, plus que jamais, un lieu d'échange entre les uns et les autres ; d'échange intellectuel aussi large que possible mais permettant, éventuellement, à ceux qui ont des demandes qui s'adressent à tous (éventuellement, pourquoi pas ? d'emploi) de pouvoir le faire en toute confiance et liberté.
    Aussi à l'avenir, d'autres billets que les miens seront publiés, rédigés par mes ami(e)s et collègues du département, sans que soit perdu l'esprit général qui l'anime et surtout - l'essentiel est là - la volonté d'en faire un lieu de rencontre, d'échange et de conversation. Cette opportunité devrait, je l'espère, élargir formidablement la palette des sujets évoqués et l'enrichir de talents incontestables, que je vous présenterai au fur et à mesure de leur participation. Autrement dit, vous l'aurez compris, nous sommes en passe de devenir une véritable institution universitaire !

    dimanche 10 juillet 2011

    Merci !

    Merci, chers tous et chères toutes, de ne pas avoir déserté ce site, alors que j'ai dû longuement m'en absenter. Notre département à l'agonie et qu'il fallait sauver de la logique gestionnaire qui le menace de disparition - avec un peu de chance, c'est chose faite ! L'université est un grand corps malade qu'on voudrait guérir en le soumettant à la thérapie de politiques empruntées au management d'entreprise, et ce ne sont que calculs comptables, objectifs chiffrés, tableaux de résultats, acronymes incompréhensibles, le tout au nom d'un processus de rationalisation du supérieur - en réalité, sa soumission à une idéologie illusoire et purement factice, dite "ultra libérale" - mais l'esprit du libéralisme, ce grand souffle émancipateur des libertés humaines, ce n'était pas du tout cela - qui conduit une radicale perte de sens : et pour tous, étudiants, enseignants, secrétaires, un état général de démoralisation. Voilà le beau résultat de la loi d'autonomie des universités que l'on présente comme un succès, incontestable celui-là ! Ne croyez pas que tout vienne du Ministère, les instances universitaires sont des serviteurs dociles et zélés qui devancent les attentes du maître ! De là, la fatigue, le découragement et le peu de temps pour s'occuper de ce qui compte. Merci donc pour votre fidélité !
    J'ai eu, malgré tout, le temps, la nuit, de me plonger (de nouveau) dans Les Misérables de Hugo. Mais l'heure n'est pas encore venue de pouvoir même commencer d'écrire quelque chose de sensé sur cette oeuvre proprement monstrueuse.