Dans le réfectoire puant, infecté de poux d'un ancien couvent, se nourrissant de passages entiers de la Recherche, appris par cœur et conservés comme un viatique contre la mort et la dégradation mentale, Czapski se livre, avec quel amour ! à une des plus émouvantes méditations que je connaisse sur ce qu'exige pour un créateur du génie de Proust la vocation de l'œuvre à accomplir : le dévouement total de soi, semblable au renoncement de l'ascète qui se consacre à l'absolu. Et dans cet univers de souffrances et de misères qui voudrait bestialiser les êtres, où le temps est réduit à une succession d'instants incertains, l'esprit reconquiert sa liberté inaliénable, et tous sont là, Czapski, ses camarades et nous aussi qui l'écoutons, pour entrer dans l'intelligence d'un des plus intenses, d'un des bouleversants efforts qu'un écrivain ait entrepris. C'est magnifique.
Lisez Proust contre la déchéance publié en 2011 par la belle maison d'édition polonaise Noir sur Blanc – la librairie est située boulevard Saint-Germain à Paris – et qui vient d'être réédité chez Libretto. Je l'ai lu avec une émotion telle que je me devais de la partager avec vous. Vous voyez, je ne vous oublie pas.
Autoportrait au camp de Griazowietz, 1940-1941