Laurent publie dans le prochain numéro de Cerveau & psychologie un article qui fait la critique scientifique de la graphologie, mais le texte n'est pas encore en ligne. A suivre donc...
On se forme l'esprit et le sentiment par les conversations, Pascal
mercredi 30 juin 2010
Graphologie et embauche
Un article, fort stimulant, de mon ami et compère, Laurent Bègue, professeur de psychologie sociale à l'université de Grenoble, "Il faut virer la graphologie des entretiens d'embauche".
www.eco.rue89.com
Laurent publie dans le prochain numéro de Cerveau & psychologie un article qui fait la critique scientifique de la graphologie, mais le texte n'est pas encore en ligne. A suivre donc...
Laurent publie dans le prochain numéro de Cerveau & psychologie un article qui fait la critique scientifique de la graphologie, mais le texte n'est pas encore en ligne. A suivre donc...
dimanche 27 juin 2010
Tirage au sort et démocratie dans la Grèce antique
Extrait d'un article remarquable et passionnant de Paul Demont, professeur de langue et littérature grecques à l'université Paris IV (Sorbonne) sur le tirage au sort dans la démocratie athénienne :
Démocratie athénienne et tirage au sort
Laissant ces discussions complexes, venons-en au fonctionnement effectif de la démocratie athénienne que décrit la Constitution d’Athènes, et que l’archéologie a permis de reconstituer, afin de mieux comprendre le rôle qu’y jouait le tirage au sort. Athènes, cité-État (polis) comprenant toute l’Attique, avec des distances allant jusqu’à 70 km du centre, était organisée à l’époque archaïque en 4 tribus, sous la direction des nobles et des riches. Clisthène (508/507), l’un des « chefs du peuple », transforme le système, à partir des « dèmes », village ou commune où les citoyens sont inscrits à leur majorité (Socrate était du dème d’Alôpékè). Les dèmes (au nombre de 139) sont regroupés en 10 nouvelles « tribus » (le dème d’Alôpékè appartenait à la tribu Antiochide), qui n’ont plus du tout le même sens qu’à l’époque de Solon : chacune est composée de 3 « trittyes » venant de chacune des trois parties de l’Attique (ville, côte et intérieur) et regroupant un ou plusieurs dèmes. La tribu Antiochide comprend ainsi, pour la ville, un seul dème, celui de Socrate, pour la côte, six dèmes proches du Cap Sounion, et pour l’intérieur, trois dèmes distants de plusieurs kilomètres entre eux. Comme le dit Christian Meier, « les tribus étaient une composition ou un mélange artificiel des différentes parties de la cité ». Chaque tribu envoie pour un an, par tirage au sort, 50 de ses membres à l’organe souverain de la cité, la Boulè ou « Conseil des 500 ». C’est à eux, pendant un dixième de l’année, de présider aux séances de l’Assemblée du Peuple et d’administrer la cité, comme prytanes. On peut imaginer un regroupement de citoyens français de Neuilly, Chartres et Aulnay-sous-Bois tirés au sort et obligés de vivre ensemble dans un Prytanée pendant un dixième de l’année pour administrer l’Île-de-France... Cette réforme, dit Aristote, détruisait les liens habituels de voisinage et de clientèle, et, dit Plutarque, manifestait une étonnante volonté d’union civique. Les archéologues se demandent aussi si Clisthène ne s’est pas arrangé pour que sa famille conserve tout de même une grande influence. En tout cas, la réforme ne fut pas sans heurts (Hérodote, V, 72). Mais désormais, la démocratie fonctionne, grâce à ce « réseau à l’intérieur duquel les citoyens pourraient se mouvoir, non plus comme clients des nobles, mais comme citoyens égaux ». Comme le dit Meier, « le travail en commun de nombreux hommes qui ne se connaissaient pas jusqu’alors devait les conduire (...) à prendre conscience de la qualité de citoyen, qualité qu’ils n’avaient pas encore exercée dans leur vie quotidienne ». Les pouvoirs de la Boulè s’accroissent au cours du cinquième siècle. Avec l’Assemblée du peuple, réunie au moins tous les mois, et les Tribunaux populaires, tirés au sort chaque jour ouvrable à partir d’une liste de 6000 héliastes eux-mêmes tirés au sort pour l’année, la démocratie athénienne fonctionne bien, en très grande partie par le tirage au sort. Ajoutons que sont peu à peu créées des « indemnités » pour la participation au Conseil, aux Tribunaux et même aux Assemblées : c’est la misthophorie honnie par Platon et Aristote.
Dans la Constitution d’Athènes le mot « tiré au sort » revient donc sans cesse dans la seconde partie du traité, pour « toutes les magistratures ordinaires » (c. 43, 1) à l’exception des trésoriers des fonds militaires et de la caisse des spectacles, de l’intendant des fontaines et, généralement, des fonctions militaires. Faisons le compte : 500 bouleutes, 10 trésoriers d’Athéna, 10 vendeurs, 10 receveurs, 10 comptables, 10 vérificateurs (avec 2 assesseurs), 1 intendant, 10 surveillants des temples, 10 responsables de la ville, 10 responsables des marchés, 10 surveillants des mesures, 10 puis 35 gardiens du blé, 10 surveillants du port, les Onze, 5 introducteurs de poursuites en eisagogè, 40 pour les autres poursuites, 5 chargés de la voirie, 10 comptables (et 10 associés), 1 secrétaire de prytanie (autrefois élu), un secrétaire des lois, 10 sacrificateurs, 10 préposés aux fêtes, 1 archonte de Salamine, 1 démarque du Pirée, 9 archontes et leur secrétaire, qui tirent au sort les juges, 10 organisateurs des Dionysies, 10 responsables des concours. Soit au total plusieurs centaines de magistrats tirés au sort chaque année, qui dans chaque charge ne peuvent être renouvelés (sauf exceptions), auxquels il faut ajouter les 6000 héliastes déjà mentionnés, eux-mêmes répartis jour après jour entre les tribunaux par le sort. La découverte de la Constitution d’Athènes (publiée en 1891) a massivement confirmé l’exactitude de l’assimilation entre démocratie et tirage au sort.
D’autres découvertes lui ont donné un contenu très concret. Parmi les dizaines de milliers d’Athéniens de sexe masculin (les chiffres sont controversés et ont pu varier, mais ne peuvent pas être inférieurs à 30 000), ceux qui voulaient être tirés au sort (pas tous les Athéniens, semble-t-il) étaient identifiés au quatrième siècle par des plaques d’identité ou pinakia en bronze, qu’on a retrouvées en abondance [10]. Elles portent un nom, un patronyme et un démotique, et deux types de figures, une chouette ou une gorgone ; les plaques à chouette reproduisant le revers de la pièce de trois oboles qui servait à la rémunération des juges, on en a conclu que c’étaient les plaques des candidats pour les tribunaux. Les autres sont probablement les plaques des citoyens qui se présentaient pour le tirage au sort des magistratures. Ces plaques furent très souvent regravées, parfois plusieurs fois, et passaient donc d’un citoyen à un autre. Par exemple, dans le n° 92 Kroll, sous « Diodoros, du dème de Phréarroi », on lit « Phainippos, du dème d’Oa ». Phréarroi est un dème proche du cap Sounion, appartenant à la tribu Léontis, tandis qu’Oa est un dème urbain, appartenant à la tribu Oinéis. Pour passer de Phainippos à Diodoros, on peut penser que la plaque est revenue à un organe athénien central. En tout cas, la regravure est une trace saisissante d’un principe essentiel dans la démocratie athénienne, la rotation (annuelle) des magistratures. Une autre observation a été faite au sujet de ces plaques. On les a parfois retrouvées dans des tombes. S’agissait-il de citoyens morts dans l’exercice de leur charge ? Elles faisaient alors partie du prestige et de l’identité sociale du mort.
Comment s’en servait-on ? On connaissait depuis longtemps de curieux blocs de marbres, avec encoches en forme de tableau et portant à l’arrière des inscriptions honorifiques en l’honneur de prytanes ayant bien exercé leur mission. L’archéologue américain Sterling Dow y a repéré à trois reprises le mot klèrôtèrion, employé dans la Constitution d’Athènes, et auquel on donnait le sens de « salle pour le tirage au sort ». Sur un petit fragment du n° 221, on lit aux lignes 10-12 (citées d’après l’édition Meritt et Traill) : « [Que le secrétaire de la prytanie ins]crive ce [décret] sur un klèrôtérion en pier[re et qu’il l’installe dans l’enceinte sacrée où le tirage au sort a été effe]ctué ». Sterling Dow a conclu que klèrôtérion signifiait non pas « salle pour le tirage au sort, mais « appareil à tirer au sort ». Le bloc qui porte le n° II dans sa publication, dont le haut seul est conservé, permet d’observer nettement des rainures disposées sur deux colonnes verticales, et, sur une photo prise du haut, on voit très bien, sur le dessus de la pierre, un orifice dans lequel on peut faire passer un tube, dont le logis est visible aussi sur la photo prise de face. Les rainures ou encoches, a pensé Sterling Dow, étaient destinées à recevoir les plaques d’identité que nous venons de décrire. Une fois l’hypothèse faite, tout s’explique, grâce à un passage de la Constitution d’Athènes (64.1-3) qu’on peut enfin comprendre vraiment. Sterling Dow a reconstitué différents types d’allotment machines, pour telle ou telle magistrature, ou tel ou tel tribunal. Le principe était simple : les plaques d’identité, déposées par les candidats au tirage au sort dans une urne, étaient tirées au sort et fichées dans les rainures disposées en colonnes parallèles, à raison, dans le cas du choix des bouleutes ou des juges, d’une colonne par tribu athénienne. Une fois le tableau complété, on introduisait dans le tube de gauche une série de dés blancs et noirs. À la base de l’édifice, une ouverture permettait de faire sortir un à un les dés de façon aléatoire : à chaque sortie, correspondait une ligne horizontale du tableau. Selon la couleur du dé, la ligne était ou non sélectionnée et les citoyens identifiés étaient ou non choisis. Ce processus se déroulait annuellement pour les charges de magistrats, mais aussi chaque jour ouvrable pour tirer au sort les jurys populaires journaliers parmi les 6000 héliastes de l’année disposant d’une plaque d’identité d’héliaste.
Débats autour du tirage au sort en matière politique
Comme on le sait par Aristophane, dans sa comédie des Guêpes, juger était pour beaucoup d’Athéniens âgés à la fois un gagne-pain et une passion maladive. Gagne-pain et passion maladive : voilà qui n’est pas très positif. Le tirage au sort démocratique a suscité rapidement la critique et la caricature.
L’objection de l’incompétence est la plus fréquente. Comme le dit Socrate selon Xénophon (et Platon a développé considérablement cette exigence du savoir en matière politique) : « Les vrais rois, les vrais magistrats, disait Socrate, ce ne sont pas ceux qui tiennent un sceptre, ni ceux qui ont été élus par n’importe qui, ni ceux qui ont été tirés au sort, ni ceux qui ont usé de la force ou de la tromperie, mais ceux qui savent commander » (Mémorables III, 9, 10). Notons que le tirage au sort, ici, n’est qu’une des multiples sources illégitimes du pouvoir. Tout aussi illégitime est l’élection, par exemple, si ceux qui élisent sont « n’importe qui ». Rappelons à ce propos, pour ne pas donner l’impression que la démocratie athénienne était entièrement régie par le tirage au sort, que certaines magistratures athéniennes, de fait, étaient électives, notamment les plus importantes, les fonctions financières et militaires, en particulier la stratégie (ce qui a permis à Périclès d’être réélu à 15 reprises : « c’était nominalement une démocratie, mais en fait, une magistrature exercée [ou : un pouvoir, archè] par un homme exceptionnel », estime même Thucydide, II, 65). Cependant, malgré cette réalité beaucoup plus nuancée, l’assimilation entre démocratie et tirage au sort était acceptée de façon courante, étant donné le nombre des citoyens concernés.
L’objection de l’incompétence était-elle contournée ? Au début du livre III de sa Politique, Aristote définit le « citoyen » comme celui qui participe à l’archè (mot polysémique : « pouvoir » ou « magistrature »), comme magistrat, comme juge, ou même, dit-il, comme simple membre du Conseil ou de l’Assemblée, puisque le Conseil et l’Assemblée sont le lieu de l’archè. Ainsi, le pouvoir collectif exercé dans les assemblées n’est pas distingué du pouvoir individuel acquis par le sort. Dans le Protagoras de Platon, Socrate avait aussi fait observer que le régime politique des Athéniens suppose que tout citoyen a une compétence, fût-elle minimale, en matière politique. Mais il faut surtout se placer du point de vue de la logique du régime dans son ensemble. Dans la démocratie, c’est « le peuple », et non tel ou tel individu, qui exerce les magistratures et commande, comme le disent explicitement Otanès dans un débat de l’historien Hérodote (III, 80), et Thésée dans les Suppliantes d’Euripide (v. 406 et suiv.) : « Le peuple exerce les magistratures par le sort », « le peuple règne par des successions annuelles à tour de rôle ». Une excellente formule de Mogens Hansen résume cet aspect en reprenant habilement une image platonicienne : « Les Athéniens tiraient leurs magistrats au sort pour être sûrs qu’ils ne seraient pas les pilotes de l’État (...). Dans une démocratie, la volonté de limiter le pouvoir des magistrats s’associe avec celle de faire servir tout un chacun à son tour en qualité de magistrat » (p. 275)."
L'article peut être lu dans son intégralité à l'adresse suivante :
http://laviedesidees.fr
Démocratie athénienne et tirage au sort
Laissant ces discussions complexes, venons-en au fonctionnement effectif de la démocratie athénienne que décrit la Constitution d’Athènes, et que l’archéologie a permis de reconstituer, afin de mieux comprendre le rôle qu’y jouait le tirage au sort. Athènes, cité-État (polis) comprenant toute l’Attique, avec des distances allant jusqu’à 70 km du centre, était organisée à l’époque archaïque en 4 tribus, sous la direction des nobles et des riches. Clisthène (508/507), l’un des « chefs du peuple », transforme le système, à partir des « dèmes », village ou commune où les citoyens sont inscrits à leur majorité (Socrate était du dème d’Alôpékè). Les dèmes (au nombre de 139) sont regroupés en 10 nouvelles « tribus » (le dème d’Alôpékè appartenait à la tribu Antiochide), qui n’ont plus du tout le même sens qu’à l’époque de Solon : chacune est composée de 3 « trittyes » venant de chacune des trois parties de l’Attique (ville, côte et intérieur) et regroupant un ou plusieurs dèmes. La tribu Antiochide comprend ainsi, pour la ville, un seul dème, celui de Socrate, pour la côte, six dèmes proches du Cap Sounion, et pour l’intérieur, trois dèmes distants de plusieurs kilomètres entre eux. Comme le dit Christian Meier, « les tribus étaient une composition ou un mélange artificiel des différentes parties de la cité ». Chaque tribu envoie pour un an, par tirage au sort, 50 de ses membres à l’organe souverain de la cité, la Boulè ou « Conseil des 500 ». C’est à eux, pendant un dixième de l’année, de présider aux séances de l’Assemblée du Peuple et d’administrer la cité, comme prytanes. On peut imaginer un regroupement de citoyens français de Neuilly, Chartres et Aulnay-sous-Bois tirés au sort et obligés de vivre ensemble dans un Prytanée pendant un dixième de l’année pour administrer l’Île-de-France... Cette réforme, dit Aristote, détruisait les liens habituels de voisinage et de clientèle, et, dit Plutarque, manifestait une étonnante volonté d’union civique. Les archéologues se demandent aussi si Clisthène ne s’est pas arrangé pour que sa famille conserve tout de même une grande influence. En tout cas, la réforme ne fut pas sans heurts (Hérodote, V, 72). Mais désormais, la démocratie fonctionne, grâce à ce « réseau à l’intérieur duquel les citoyens pourraient se mouvoir, non plus comme clients des nobles, mais comme citoyens égaux ». Comme le dit Meier, « le travail en commun de nombreux hommes qui ne se connaissaient pas jusqu’alors devait les conduire (...) à prendre conscience de la qualité de citoyen, qualité qu’ils n’avaient pas encore exercée dans leur vie quotidienne ». Les pouvoirs de la Boulè s’accroissent au cours du cinquième siècle. Avec l’Assemblée du peuple, réunie au moins tous les mois, et les Tribunaux populaires, tirés au sort chaque jour ouvrable à partir d’une liste de 6000 héliastes eux-mêmes tirés au sort pour l’année, la démocratie athénienne fonctionne bien, en très grande partie par le tirage au sort. Ajoutons que sont peu à peu créées des « indemnités » pour la participation au Conseil, aux Tribunaux et même aux Assemblées : c’est la misthophorie honnie par Platon et Aristote.
Dans la Constitution d’Athènes le mot « tiré au sort » revient donc sans cesse dans la seconde partie du traité, pour « toutes les magistratures ordinaires » (c. 43, 1) à l’exception des trésoriers des fonds militaires et de la caisse des spectacles, de l’intendant des fontaines et, généralement, des fonctions militaires. Faisons le compte : 500 bouleutes, 10 trésoriers d’Athéna, 10 vendeurs, 10 receveurs, 10 comptables, 10 vérificateurs (avec 2 assesseurs), 1 intendant, 10 surveillants des temples, 10 responsables de la ville, 10 responsables des marchés, 10 surveillants des mesures, 10 puis 35 gardiens du blé, 10 surveillants du port, les Onze, 5 introducteurs de poursuites en eisagogè, 40 pour les autres poursuites, 5 chargés de la voirie, 10 comptables (et 10 associés), 1 secrétaire de prytanie (autrefois élu), un secrétaire des lois, 10 sacrificateurs, 10 préposés aux fêtes, 1 archonte de Salamine, 1 démarque du Pirée, 9 archontes et leur secrétaire, qui tirent au sort les juges, 10 organisateurs des Dionysies, 10 responsables des concours. Soit au total plusieurs centaines de magistrats tirés au sort chaque année, qui dans chaque charge ne peuvent être renouvelés (sauf exceptions), auxquels il faut ajouter les 6000 héliastes déjà mentionnés, eux-mêmes répartis jour après jour entre les tribunaux par le sort. La découverte de la Constitution d’Athènes (publiée en 1891) a massivement confirmé l’exactitude de l’assimilation entre démocratie et tirage au sort.
D’autres découvertes lui ont donné un contenu très concret. Parmi les dizaines de milliers d’Athéniens de sexe masculin (les chiffres sont controversés et ont pu varier, mais ne peuvent pas être inférieurs à 30 000), ceux qui voulaient être tirés au sort (pas tous les Athéniens, semble-t-il) étaient identifiés au quatrième siècle par des plaques d’identité ou pinakia en bronze, qu’on a retrouvées en abondance [10]. Elles portent un nom, un patronyme et un démotique, et deux types de figures, une chouette ou une gorgone ; les plaques à chouette reproduisant le revers de la pièce de trois oboles qui servait à la rémunération des juges, on en a conclu que c’étaient les plaques des candidats pour les tribunaux. Les autres sont probablement les plaques des citoyens qui se présentaient pour le tirage au sort des magistratures. Ces plaques furent très souvent regravées, parfois plusieurs fois, et passaient donc d’un citoyen à un autre. Par exemple, dans le n° 92 Kroll, sous « Diodoros, du dème de Phréarroi », on lit « Phainippos, du dème d’Oa ». Phréarroi est un dème proche du cap Sounion, appartenant à la tribu Léontis, tandis qu’Oa est un dème urbain, appartenant à la tribu Oinéis. Pour passer de Phainippos à Diodoros, on peut penser que la plaque est revenue à un organe athénien central. En tout cas, la regravure est une trace saisissante d’un principe essentiel dans la démocratie athénienne, la rotation (annuelle) des magistratures. Une autre observation a été faite au sujet de ces plaques. On les a parfois retrouvées dans des tombes. S’agissait-il de citoyens morts dans l’exercice de leur charge ? Elles faisaient alors partie du prestige et de l’identité sociale du mort.
Comment s’en servait-on ? On connaissait depuis longtemps de curieux blocs de marbres, avec encoches en forme de tableau et portant à l’arrière des inscriptions honorifiques en l’honneur de prytanes ayant bien exercé leur mission. L’archéologue américain Sterling Dow y a repéré à trois reprises le mot klèrôtèrion, employé dans la Constitution d’Athènes, et auquel on donnait le sens de « salle pour le tirage au sort ». Sur un petit fragment du n° 221, on lit aux lignes 10-12 (citées d’après l’édition Meritt et Traill) : « [Que le secrétaire de la prytanie ins]crive ce [décret] sur un klèrôtérion en pier[re et qu’il l’installe dans l’enceinte sacrée où le tirage au sort a été effe]ctué ». Sterling Dow a conclu que klèrôtérion signifiait non pas « salle pour le tirage au sort, mais « appareil à tirer au sort ». Le bloc qui porte le n° II dans sa publication, dont le haut seul est conservé, permet d’observer nettement des rainures disposées sur deux colonnes verticales, et, sur une photo prise du haut, on voit très bien, sur le dessus de la pierre, un orifice dans lequel on peut faire passer un tube, dont le logis est visible aussi sur la photo prise de face. Les rainures ou encoches, a pensé Sterling Dow, étaient destinées à recevoir les plaques d’identité que nous venons de décrire. Une fois l’hypothèse faite, tout s’explique, grâce à un passage de la Constitution d’Athènes (64.1-3) qu’on peut enfin comprendre vraiment. Sterling Dow a reconstitué différents types d’allotment machines, pour telle ou telle magistrature, ou tel ou tel tribunal. Le principe était simple : les plaques d’identité, déposées par les candidats au tirage au sort dans une urne, étaient tirées au sort et fichées dans les rainures disposées en colonnes parallèles, à raison, dans le cas du choix des bouleutes ou des juges, d’une colonne par tribu athénienne. Une fois le tableau complété, on introduisait dans le tube de gauche une série de dés blancs et noirs. À la base de l’édifice, une ouverture permettait de faire sortir un à un les dés de façon aléatoire : à chaque sortie, correspondait une ligne horizontale du tableau. Selon la couleur du dé, la ligne était ou non sélectionnée et les citoyens identifiés étaient ou non choisis. Ce processus se déroulait annuellement pour les charges de magistrats, mais aussi chaque jour ouvrable pour tirer au sort les jurys populaires journaliers parmi les 6000 héliastes de l’année disposant d’une plaque d’identité d’héliaste.
Débats autour du tirage au sort en matière politique
Comme on le sait par Aristophane, dans sa comédie des Guêpes, juger était pour beaucoup d’Athéniens âgés à la fois un gagne-pain et une passion maladive. Gagne-pain et passion maladive : voilà qui n’est pas très positif. Le tirage au sort démocratique a suscité rapidement la critique et la caricature.
L’objection de l’incompétence est la plus fréquente. Comme le dit Socrate selon Xénophon (et Platon a développé considérablement cette exigence du savoir en matière politique) : « Les vrais rois, les vrais magistrats, disait Socrate, ce ne sont pas ceux qui tiennent un sceptre, ni ceux qui ont été élus par n’importe qui, ni ceux qui ont été tirés au sort, ni ceux qui ont usé de la force ou de la tromperie, mais ceux qui savent commander » (Mémorables III, 9, 10). Notons que le tirage au sort, ici, n’est qu’une des multiples sources illégitimes du pouvoir. Tout aussi illégitime est l’élection, par exemple, si ceux qui élisent sont « n’importe qui ». Rappelons à ce propos, pour ne pas donner l’impression que la démocratie athénienne était entièrement régie par le tirage au sort, que certaines magistratures athéniennes, de fait, étaient électives, notamment les plus importantes, les fonctions financières et militaires, en particulier la stratégie (ce qui a permis à Périclès d’être réélu à 15 reprises : « c’était nominalement une démocratie, mais en fait, une magistrature exercée [ou : un pouvoir, archè] par un homme exceptionnel », estime même Thucydide, II, 65). Cependant, malgré cette réalité beaucoup plus nuancée, l’assimilation entre démocratie et tirage au sort était acceptée de façon courante, étant donné le nombre des citoyens concernés.
L’objection de l’incompétence était-elle contournée ? Au début du livre III de sa Politique, Aristote définit le « citoyen » comme celui qui participe à l’archè (mot polysémique : « pouvoir » ou « magistrature »), comme magistrat, comme juge, ou même, dit-il, comme simple membre du Conseil ou de l’Assemblée, puisque le Conseil et l’Assemblée sont le lieu de l’archè. Ainsi, le pouvoir collectif exercé dans les assemblées n’est pas distingué du pouvoir individuel acquis par le sort. Dans le Protagoras de Platon, Socrate avait aussi fait observer que le régime politique des Athéniens suppose que tout citoyen a une compétence, fût-elle minimale, en matière politique. Mais il faut surtout se placer du point de vue de la logique du régime dans son ensemble. Dans la démocratie, c’est « le peuple », et non tel ou tel individu, qui exerce les magistratures et commande, comme le disent explicitement Otanès dans un débat de l’historien Hérodote (III, 80), et Thésée dans les Suppliantes d’Euripide (v. 406 et suiv.) : « Le peuple exerce les magistratures par le sort », « le peuple règne par des successions annuelles à tour de rôle ». Une excellente formule de Mogens Hansen résume cet aspect en reprenant habilement une image platonicienne : « Les Athéniens tiraient leurs magistrats au sort pour être sûrs qu’ils ne seraient pas les pilotes de l’État (...). Dans une démocratie, la volonté de limiter le pouvoir des magistrats s’associe avec celle de faire servir tout un chacun à son tour en qualité de magistrat » (p. 275)."
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vendredi 25 juin 2010
Triste journée
Je relis pour la énième fois Madame Bovary et mon admiration sans bornes pour chaque ligne de Flaubert grandit encore. Comme je faisais passer aujourc'hui le Grand Oral à Scienes-Pô (Aix), je demandais à un étudiant quels écrivains il admirait.
- "Oh, mais il y en a beaucoup !
- Eh ! bien lesquels, dites-moi. Je veux dire ceux que vous admirez vraiment pas que vous avez lus seulement.
- Keynes, par exemple." Peut-être voulait-il me plaire...
Dieu, qu'on peut être jeune et triste !
Ce n'est pas encore le pire. A l'exception d'une étudiante d'origine bulgare, aucun étudiant ne connaissait qui étaient ceux qu'on appelait "les dissidents". Soljné... qui ? Non, désolé je ne connais pas. Pour quelle raison le Festival d'Avignon est-il connu ? Nous sommes à Aix, n'est-ce pas ? Personne ou presque ne le sait. Pouvez-vous me citer un grand écrivain russe du XIXe siècle ? Ah ! non désolé, ça me me dit rien. J'en passe et de plus belles. La dénonciation est aisée, soit ! Mais là tout de même, les bras vous en tombent. Et le bal des désolations dure depuis bientôt une semaine.
- "Oh, mais il y en a beaucoup !
- Eh ! bien lesquels, dites-moi. Je veux dire ceux que vous admirez vraiment pas que vous avez lus seulement.
- Keynes, par exemple." Peut-être voulait-il me plaire...
Dieu, qu'on peut être jeune et triste !
Ce n'est pas encore le pire. A l'exception d'une étudiante d'origine bulgare, aucun étudiant ne connaissait qui étaient ceux qu'on appelait "les dissidents". Soljné... qui ? Non, désolé je ne connais pas. Pour quelle raison le Festival d'Avignon est-il connu ? Nous sommes à Aix, n'est-ce pas ? Personne ou presque ne le sait. Pouvez-vous me citer un grand écrivain russe du XIXe siècle ? Ah ! non désolé, ça me me dit rien. J'en passe et de plus belles. La dénonciation est aisée, soit ! Mais là tout de même, les bras vous en tombent. Et le bal des désolations dure depuis bientôt une semaine.
dimanche 20 juin 2010
Ancien monde
Quelle douceur et quelle piété dans cette ancienne hymne à La Vierge, loin venue de la tradition orthodoxe russe ! Ici chantée par les moines du monastère de Valaam, sans rien de ces fioritures galantes auxquelles l'iconographie, les chants et l'architecture russes se sont malheureusement trop souvent abandonnés depuis le XIXe siècle. Et ces images qui nous viennent d'un ancien monde, aujourd'hui disparu, dont il reste quelques vestiges à peine accessibles aux hommes si "libres" et "intelligents" que nous devenus, elles éveillent en moi une profonde nostalgie.
vendredi 18 juin 2010
Jacques Dewitte, l'art de la lecture
Peu de philosophes ont développé un art de la lecture aussi profond, généreux, attentionné - attentif et sensible - à la pensée des auteurs qu'il analyse que Jacques Dewitte. Son dernier livre, récemment paru dans la collection dirigée par Alain Caillé à La Découverte, La manifestation de soi, élements d'une critique philosophique de l'utilitarisme, est un pur bonheur.
Les chapitres consacrés au zoologue suisse, Adolf Portmann (chapitre 1), au chef-d'oeuvre, hélas trop peu connu, de Johan Huizinga, Homo ludens ("L'élément ludique de la culture", chapitre 7), à l'oeuvre de Lévinas ("Un beau risque à courir. Sur le premier et le second Lévinas", chapitre 10), sont particulièrement remarquables, sans que cela amoindrisse le grand intérêt que l'on prend à lire les autres moments de l'ouvrage.
La critique de la pensée utilitariste, l'interprétation des comportements, des normes ou des fins réduits au seul critère de l'utilité, est abordée sous différents angles, par des bouts que l'on ne songerait pas de prime abord à relier ensemble (la biologie, l'architecture, l'ornement, mais aussi la phénoménologie et la métaphysique), mais le disparate est en réalité uni par cette notion qui donne son titre à l'ouvrage : la manifestation de soi.
Le monde de la nature, végétal et animal, aussi bien que le monde des hommes sont travaillés par le besoin parfaitement inutile et gratuit de se montrer et d'apparaître, de s'exposer, dans une beauté, une richesse, une jubilation de couleurs, d'éclats ou de chants, parfois de rivalités et de combats, qui ne peuvent être interprétées ni comprises selon les catégories "fonctionnalistes", de type utilitaire, de la théorie de l'évolution (fondée sur le primat de l'autoconservation). C'est ce que montre le beau chapitre consacré à l'oeuvre d'Adolf Portmann. On comprend dès lors qu'une attention particulière soit ensuite portée à la relation du don chez Mauss, à la conception de la culture comme jeu chez Huizinga ou encore au panache de l'amiral Nelson durant la bataille de Trafalgar que décrit le grand écrivain américain , Herman Melville, dans Billy Budd. Autant de voies pour porter l'estocade à l'hégémonie de la théorie des choix rationnels et à la doctrine utilitariste.
Ce qui est remarquable dans la démarche philosophique de Dewitte, telle qu'elle se dégage de ses trois livres publiés - il en tient pourtant plusieurs autres en réserve - et des dizaines d'articles qu'il a écrits depuis une trentaine d'années, c'est l'intention constante de dépasser une conception purement binaire des choses, sur le mode du "ou bien, ou bien", tout autant que le refus délibéré d'adopter une approche dialectique où il s'agit de surmonter les opposés. Il convient, au contraire, de tenir ensemble ce qui parait conceptuellement s'exclure : la gratuité et l'utilité, la liberté et l'obligation, la fonction et l'ornement, la représentation (le langage) et le réel, etc. Et cette démarche non dualiste (si proche de celle de Mauss) jaillit d'une relation qui chez Dewitte est tout à fait centrale : la relation d'enveloppement. La gratuite "enveloppe" et englobe l'utilité, le non-fonctionnel "enveloppe" et englobe le fonctionnel selon une primauté où les termes, entrelacés l'un à l'autre, ne s'impliquent pas plus logiquement ou rationnellement qu'ils ne s'excluent. Aussi bien pourrait-on parler d'une sorte de maillage entre l'homme et le monde, sans que la subjectivité (ou la conscience) humaine soit posée comme étant absolument première.
Si l'homme est ainsi dépossédé de son orgueilleuse prétention à être la source et l'origine de tout sens et de toute raison, cela tient à la donation première, le surgissement originaire de l'Etre - qu'il y ait de l'être plutôt que rien - ce "champ immotivé du monde " dont parle Merleau-Ponty): pure contingence qui exclut et excède toute nécessité, et plus encore toute réduction - de là viennent les critiques profondes adressées au "constructivisme" (chapitre 8)- et qui, pour cette raison même, suscite en nous émerveillement et gratitude.
Mais soyez sans crainte, Dewitte n'est pas un spéculatif. S'il n'appartient à aucune école, c'est qu'il marche sur ses deux jambes qui sont bien à lui. Et ce qui est le plus singulier - là réside le talent tout à fait unique de Jacques Dewitte - c'est que ces jambes-là cheminent avec une liberté sans pareille dans le pas des autres et qu'à ce contact leur sillon révèle une profondeur, une ampleur de sens jusque là insoupconnée.
C'est là un bien beau livre dont je vous recommande vivement la lecture.
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Les chapitres consacrés au zoologue suisse, Adolf Portmann (chapitre 1), au chef-d'oeuvre, hélas trop peu connu, de Johan Huizinga, Homo ludens ("L'élément ludique de la culture", chapitre 7), à l'oeuvre de Lévinas ("Un beau risque à courir. Sur le premier et le second Lévinas", chapitre 10), sont particulièrement remarquables, sans que cela amoindrisse le grand intérêt que l'on prend à lire les autres moments de l'ouvrage.
La critique de la pensée utilitariste, l'interprétation des comportements, des normes ou des fins réduits au seul critère de l'utilité, est abordée sous différents angles, par des bouts que l'on ne songerait pas de prime abord à relier ensemble (la biologie, l'architecture, l'ornement, mais aussi la phénoménologie et la métaphysique), mais le disparate est en réalité uni par cette notion qui donne son titre à l'ouvrage : la manifestation de soi.
Le monde de la nature, végétal et animal, aussi bien que le monde des hommes sont travaillés par le besoin parfaitement inutile et gratuit de se montrer et d'apparaître, de s'exposer, dans une beauté, une richesse, une jubilation de couleurs, d'éclats ou de chants, parfois de rivalités et de combats, qui ne peuvent être interprétées ni comprises selon les catégories "fonctionnalistes", de type utilitaire, de la théorie de l'évolution (fondée sur le primat de l'autoconservation). C'est ce que montre le beau chapitre consacré à l'oeuvre d'Adolf Portmann. On comprend dès lors qu'une attention particulière soit ensuite portée à la relation du don chez Mauss, à la conception de la culture comme jeu chez Huizinga ou encore au panache de l'amiral Nelson durant la bataille de Trafalgar que décrit le grand écrivain américain , Herman Melville, dans Billy Budd. Autant de voies pour porter l'estocade à l'hégémonie de la théorie des choix rationnels et à la doctrine utilitariste.
Ce qui est remarquable dans la démarche philosophique de Dewitte, telle qu'elle se dégage de ses trois livres publiés - il en tient pourtant plusieurs autres en réserve - et des dizaines d'articles qu'il a écrits depuis une trentaine d'années, c'est l'intention constante de dépasser une conception purement binaire des choses, sur le mode du "ou bien, ou bien", tout autant que le refus délibéré d'adopter une approche dialectique où il s'agit de surmonter les opposés. Il convient, au contraire, de tenir ensemble ce qui parait conceptuellement s'exclure : la gratuité et l'utilité, la liberté et l'obligation, la fonction et l'ornement, la représentation (le langage) et le réel, etc. Et cette démarche non dualiste (si proche de celle de Mauss) jaillit d'une relation qui chez Dewitte est tout à fait centrale : la relation d'enveloppement. La gratuite "enveloppe" et englobe l'utilité, le non-fonctionnel "enveloppe" et englobe le fonctionnel selon une primauté où les termes, entrelacés l'un à l'autre, ne s'impliquent pas plus logiquement ou rationnellement qu'ils ne s'excluent. Aussi bien pourrait-on parler d'une sorte de maillage entre l'homme et le monde, sans que la subjectivité (ou la conscience) humaine soit posée comme étant absolument première.
Si l'homme est ainsi dépossédé de son orgueilleuse prétention à être la source et l'origine de tout sens et de toute raison, cela tient à la donation première, le surgissement originaire de l'Etre - qu'il y ait de l'être plutôt que rien - ce "champ immotivé du monde " dont parle Merleau-Ponty): pure contingence qui exclut et excède toute nécessité, et plus encore toute réduction - de là viennent les critiques profondes adressées au "constructivisme" (chapitre 8)- et qui, pour cette raison même, suscite en nous émerveillement et gratitude.
Mais soyez sans crainte, Dewitte n'est pas un spéculatif. S'il n'appartient à aucune école, c'est qu'il marche sur ses deux jambes qui sont bien à lui. Et ce qui est le plus singulier - là réside le talent tout à fait unique de Jacques Dewitte - c'est que ces jambes-là cheminent avec une liberté sans pareille dans le pas des autres et qu'à ce contact leur sillon révèle une profondeur, une ampleur de sens jusque là insoupconnée.
C'est là un bien beau livre dont je vous recommande vivement la lecture.
SEAD, témoignage de Pierre Trotin
Mille mercis à Pierre pour ce témoignage émouvant, qui fait chaud au coeur en ces temps de déprime universitaire :
"Il en faudrait beaucoup pour m’empêcher de hurler combien le retour sur soi qu'implique le programme des cours de philosophie du SEAD est désormais devenu important pour "des gens comme moi". Cela faisait longtemps que je voulais témoigner d'une façon ou d'une autre du bien que j'ai reçu de mes cours de philosophie ; la perspective du nouveau blog du SEAD me pousse à laisser éclater au grand jour cette profonde reconnaissance éprouvée à l'endroit de l'ensemble du corps enseignant auteur du programme de Philosophie, ainsi que le personnel administratif qui affronte les difficultés inhérentes à l'enseignement à distance.
"Des gens comme moi", disais-je, c'est-à-dire la quarantaine et plus..voire moins…Oui, la crise de la quarantaine, je sais...mais rien n'est moins sûr...Si la moyenne d’âge de mes amis de promotion d’apprentis philosophes est plus proche de la quarantaine, il n’est pas rare non plus de voir sur nos bancs quelque bien plus jeune étudiant.
Parmi nous donc, des patrons de PME, des psychologues, des informaticiens, des chirurgiens-urgentistes, des ingénieurs de l'aéro-spatial, des enseignants, des traders (hé oui…) également des travailleurs en lingerie industrielle puis un ami, qui se présente lui-même comme « balayeur-philosophe »….Suprême plaisir de partager ce qui nous ressemble, (insistons sur le mot), c'est faire appel à des valeurs qui nous transcendent par delà les apparentes différences sociales… plus rien n'est désormais quantifiable ni commensurable lorsque je rencontre mes amis apprentis philosophes... Et pourtant chacun d'entre nous reste un individu à part entière, irremplaçable il vient avec son bagage, rempli à loisir, "de coups de poing" comme le disait le chanteur, des plaies morales encore ouvertes, ou au contraire une joie de vivre inextinguible, une frénésie dont il ou elle se demande l'origine... Toutes et tous se rejoignent par delà leurs différences, leur expérience, mais il me semble, avec un irrépressible besoin de faire le point... A l'évidence cela ressort au cours des conversations que j'ai eues la chance d'avoir avec chacun d'entre eux... Des individus se rencontrent, laissent leur différence au vestiaire, sortant du "faire" entrant dans "l'être" : exit les "psy", les "traders" et autres "chirurgiens", bienvenu aux être humains... Les années de philo passant chacun tend à accoucher progressivement de sa valeur intrinsèque, cette valeur qui en fait des êtres humains uniques n'ayant à rougir de rien de leurs particularités devant un monde géré en vrac....
Il y a un besoin viscéral collectif je le crois d'aller dans ce sens...Comment vivre ensemble si déjà nous ne sommes pas parvenus à libérer ces forces intérieures de la pression extérieure ?
Aussi j'affirme qu'il y a presque un rôle de salubrité publique à la philosophie, au fond depuis Socrate Platon et Aristote on peut se demander ce qu'il y a de nouveau en matière de philo... Cette question est légitime mais surtout elle confirme un doute, celui que la philosophie est moins un savoir qu'un exercice continuel, un métier sur lequel il faut sans cesse remettre l'ouvrage. Il y a un "muscle" de l'être qu'il faut entretenir, un peu à l'image d'un musicien qui travaille ses gammes. Ce muscle me semble abandonné, oublié trop souvent et pourtant il ne demande qu'à s'exprimer... Chance donnée par le SEAD, qui plus est à des tarifs très abordables, puisqu'il faut bien en parler. Chance encore lorsque l'on sait que dans certains pays d'Europe la philosophie n'est pas enseignée. Comme j'aimerais être à nouveau à la place des futurs étudiants, qui vont un jour au cours de leur cursus se rencontrer eux même, surpris par l'image que le miroir philosophique leur retournera de leur propre être....
Merci encore vous, n'arrêtez jamais..."
"Il en faudrait beaucoup pour m’empêcher de hurler combien le retour sur soi qu'implique le programme des cours de philosophie du SEAD est désormais devenu important pour "des gens comme moi". Cela faisait longtemps que je voulais témoigner d'une façon ou d'une autre du bien que j'ai reçu de mes cours de philosophie ; la perspective du nouveau blog du SEAD me pousse à laisser éclater au grand jour cette profonde reconnaissance éprouvée à l'endroit de l'ensemble du corps enseignant auteur du programme de Philosophie, ainsi que le personnel administratif qui affronte les difficultés inhérentes à l'enseignement à distance.
"Des gens comme moi", disais-je, c'est-à-dire la quarantaine et plus..voire moins…Oui, la crise de la quarantaine, je sais...mais rien n'est moins sûr...Si la moyenne d’âge de mes amis de promotion d’apprentis philosophes est plus proche de la quarantaine, il n’est pas rare non plus de voir sur nos bancs quelque bien plus jeune étudiant.
Parmi nous donc, des patrons de PME, des psychologues, des informaticiens, des chirurgiens-urgentistes, des ingénieurs de l'aéro-spatial, des enseignants, des traders (hé oui…) également des travailleurs en lingerie industrielle puis un ami, qui se présente lui-même comme « balayeur-philosophe »….Suprême plaisir de partager ce qui nous ressemble, (insistons sur le mot), c'est faire appel à des valeurs qui nous transcendent par delà les apparentes différences sociales… plus rien n'est désormais quantifiable ni commensurable lorsque je rencontre mes amis apprentis philosophes... Et pourtant chacun d'entre nous reste un individu à part entière, irremplaçable il vient avec son bagage, rempli à loisir, "de coups de poing" comme le disait le chanteur, des plaies morales encore ouvertes, ou au contraire une joie de vivre inextinguible, une frénésie dont il ou elle se demande l'origine... Toutes et tous se rejoignent par delà leurs différences, leur expérience, mais il me semble, avec un irrépressible besoin de faire le point... A l'évidence cela ressort au cours des conversations que j'ai eues la chance d'avoir avec chacun d'entre eux... Des individus se rencontrent, laissent leur différence au vestiaire, sortant du "faire" entrant dans "l'être" : exit les "psy", les "traders" et autres "chirurgiens", bienvenu aux être humains... Les années de philo passant chacun tend à accoucher progressivement de sa valeur intrinsèque, cette valeur qui en fait des êtres humains uniques n'ayant à rougir de rien de leurs particularités devant un monde géré en vrac....
Il y a un besoin viscéral collectif je le crois d'aller dans ce sens...Comment vivre ensemble si déjà nous ne sommes pas parvenus à libérer ces forces intérieures de la pression extérieure ?
Aussi j'affirme qu'il y a presque un rôle de salubrité publique à la philosophie, au fond depuis Socrate Platon et Aristote on peut se demander ce qu'il y a de nouveau en matière de philo... Cette question est légitime mais surtout elle confirme un doute, celui que la philosophie est moins un savoir qu'un exercice continuel, un métier sur lequel il faut sans cesse remettre l'ouvrage. Il y a un "muscle" de l'être qu'il faut entretenir, un peu à l'image d'un musicien qui travaille ses gammes. Ce muscle me semble abandonné, oublié trop souvent et pourtant il ne demande qu'à s'exprimer... Chance donnée par le SEAD, qui plus est à des tarifs très abordables, puisqu'il faut bien en parler. Chance encore lorsque l'on sait que dans certains pays d'Europe la philosophie n'est pas enseignée. Comme j'aimerais être à nouveau à la place des futurs étudiants, qui vont un jour au cours de leur cursus se rencontrer eux même, surpris par l'image que le miroir philosophique leur retournera de leur propre être....
Merci encore vous, n'arrêtez jamais..."
dimanche 13 juin 2010
Blog philo Reims
Nouveau blog du département de philosophie (Université de Reims) :
reimsphilosophie51.blogspot.com
samedi 12 juin 2010
mardi 8 juin 2010
In Memoriam Alexandra Terestchenko (1964-1983)
Vingt-sept ans après que ma soeur Alexandra a quitté ce monde, son ami François nous envoie ces photos que je n'avais jamais vues. Sa fidélité à la mémoire de l'être trop tôt disparu me touche plus que je ne puis le dire. Dans ce châlet du village de l'Etivaz en Suisse où elle repose, Alexandra connut des jours heureux.
lundi 7 juin 2010
Vassilissa Ranson, photographies
Que la jeune photographe Vassilissa Ranson soit mille fois et grandement remerciée de m'avoir envoyé et autorisé à publier ces récents tirages que je trouve admirables. Ayez la délicatesse de ne pas les reprendre - si par bonheur l'envie vous en prenait - sans citer le nom de leur auteur. C'est un talent naissant et très prometteur qu'il faut soutenir et faire connaître, non piller et s'approprier.
Christian Ferras again
Dans un précédent billet - vous le retrouverez aisément dans les archives vidéos - j'avais "posté" la sublime interprétation du grand violoniste français, Christian Ferras, du Concerto pour violon de Sibélius (3e mvt.) sous la baguette d'Herbert von Karayan. Le voici à nouveau dans le 1er mouvement du Concerto pour violon de Mendelssohn (1845), interprété par l'orchestre de Radio Canada, placé sous la direction du chef canadien, Alexander Brott. Et toujours cette extraordinaire intensité du jeu qui va bien au-delà de la virtuosité, comme un coup de fouet à l'âme - appelez cette sensibilité spirituelle comme vous voudrez - qui vous dresse de votre chaise.
Pour écouter la suite, cliquez sur la première des icônes à gauche qui s'affichent à la fin de l'extrait :
Pour écouter la suite, cliquez sur la première des icônes à gauche qui s'affichent à la fin de l'extrait :
dimanche 6 juin 2010
Masaru Emoto, The Power of Love
Des cristaux, des fleurs ou des grains de riz croissent bellement ou stagnent et pourrissent selon qu'on leur dispense des paroles d'affection ou, au contraire, de haine. Tels sont les résultas étonnants des expériences conduites par le chercheur japonais Masaru Emoto sur la manière dont les sentiments, les pensées et les paroles affectent le monde de la nature - ce qu'il nomme le "phénomène Hado". Merci à Vassilissa de m'avoir fait découvrir ces merveilleuses recherches qui inciteront les tristes esprits à sourire et à se moquer. Obéissant à ses conseils, je vais tenter ma chance auprès de mes rosiers squelettiques...
Voir surtout le site de Masaru Emoto :
www.hado.net
Voir surtout le site de Masaru Emoto :
Cours de philosophie à l'université de Reims (SEAD)
Sachez, pour ceux que cela intéresserait, que l'université de Reims propose au SEAD un cursus d'enseignement de philosophie à distance (de la 1ère année jusqu'au master) d'excellente qualité pour un montant relativement modique. Le programme - vous verrez les cours que j'y donne - peut être consulté à l'adresse suivante :
http://sead.univ-reims.fr
samedi 5 juin 2010
Nuit blanche
Nuit de la philosophie, nuit blanche. Les nombreuses manifestations (conférences, lectures, débats, etc.) se sont achevées à cinq heure du matin, le délicieux petit jardin de l'Ecole encore plein de monde. Au pic de la soirée, plus de mille huit cent personnes étaient présentes dans les lieux. Salles de cours bondées jusque dans les couloirs pendant les interventions qui se succédaient sans discontinuer. Et cette interrogation entre nous qui est restée sans réponse : si la philosophie rencontre un tel succès, ici et ailleurs, comment expliquer que nous fassions cours parfois devant deux ou trois étudiants à peine ? Il doit vraiment y avoir dans l'université quelque chose qui ne marche pas - la situation de ce grand corps malade est aujourd'hui proprement accablante - pour que soient dissuadés d'y poursuivre leurs études ceux que la matière attire souvent avec une réelle passion.
mardi 1 juin 2010
Nuit de la philosophie à l'ENS
L'Ecole Normale Supérieure de Paris organise, pour la première fois, une Nuit de la philosophie (de 20h à 5h du matin). En compagnie de nombreux autres intervenants, les organisateurs ont eu la gentillesse de m'y convier. J'y parlerai de Martha Nussbaum et de la série "24 heures chrono" (vers du 2h puis à 4h), en espérant que nous n'aurons pas tous trop petite mine !
Le programme, très riche et varié (lectures, conférences, etc.) peut être téléchargé à l'adresse suivante :
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