On se forme l'esprit et le sentiment par les conversations, Pascal
dimanche 24 juin 2012
Soeur Marie Keyrouz
L'âme n'a peut-être pas de corps, mais elle a une âme et une voix. Et cette voix, bouleversante, accompagnée de chanteurs et de musiciens libanais, palestiniens et égyptiens, je l'ai entendue hier soir à l'abbaye de Silvacane.
www.keyrouz.com
dimanche 10 juin 2012
Lettre à propos du Vernis fragile
Voici un long extrait de la lettre que m'a envoyée Antonin Pottier, chercheur en économie du développement. Qu'il soit vivement remercié de m'avoir autorisé à publier ses analyses passionnantes :
"[...] Je vous écris avant tout pour vous faire part de quelques réflexions sur les liens entre la théorie économique et les analyses développées dans votre ouvrage. Ces réflexions visent à préciser quel serait le pendant économique du couple présence à soi/absence à soi que vous préférez à l’opposition altruisme/égoïsme. Votre livre fraye à plusieurs reprises avec la théorie économique et ses fondements utilitaristes. Je partage vos réserves sur l’utilitarisme, et plus encore sur le fondamentalisme utilitariste que diffusent certains économistes. Je crois toutefois que la science économique a d’autres ressources, qui permettent de contester le monisme utilitariste et qui la rapprochent de vos préoccupations.
Vous présentez surtout les exemples d’altruisme comme une réfutation du comportement intéressé que postulent les économistes. Il me semble cependant qu’opposer altruisme et égoïsme n’est pas une bonne façon d’attaquer les présupposés de la science économique : celle-ci se défendrait trop facilement. Les économistes néo-classiques se représentent le monde comme peuplé d’individus souverains, munis de préférences sur toutes les situations. Lorsqu’un individu doit faire un choix, il examine quelles sont ses préférences et il choisit en conséquence. Agir en regardant ses préférences est mathématiquement équivalent à attribuer à chaque situation une utilité et à agir pour maximiser cette utilité. De la sorte, la fonction d’utilité est un raccourci de langage, une notion formelle, et les préférences qui la fondent ne renvoient pas directement à ce qui est utile pour l’agent, à ce qui sert ses intérêts « objectifs ». Les économistes considèrent – et ils ont raison – que la fonction d’utilité peut intégrer des préférences non-égoïstes, de type altruiste : préférence pour les autres, pour la justice, pour l’équité, etc. Avec de telles préférences, une situation sera reconnue « utile » si elle juste, égale, etc. Les économistes ont ainsi beau jeu de repousser l’accusation d’égoïsme et de prétendre qu’ils peuvent représenter n’importe quelles préférences. La « fonction d’utilité » peut très bien rendre compte de motivations qui ne sont pas égoïstes, l’utilitarisme de la théorie économique est formel.
Toutefois, cette indifférence à l’égard des motivations intrinsèques n’est que de principe. Elle est un trompe-l’oeil. En pratique, cette indifférence se résout positivement dans le retour à l’utilitarisme substantiel. Pour bien comprendre le trucage, il faut regarder en détail comment les préférences sont construites.
Comme les préférences d’un individu ne sont pas a priori connues, les économistes prétendent les déduire des choix que l’individu a faits. Mais il y a là un cercle logique : alors que les préférences sont censées expliquer les choix (on choisit ce qui maximise son utilité, c’est-à-dire ce que l’on préfère), on a en fait besoin de connaître les choix pour déduire les préférences. De telle sorte, la théorie n’est plus qu’une explication ex post d’un choix, une rationalisation de ce qui a été observé. Par exemple, si j’aide quelqu’un, je révèle mes préférences altruistes, si je n’aide pas quelqu’un je révèle mes préférences égoïstes. En adoptant une définition purement comportementale des préférences, la théorie devient une tautologie formelle. En définitive, elle explique que l’on a fait ce qu’on a fait parce qu’on l’a fait. Cette indétermination rend la théorie complètement creuse, triviale.
Nous voici au coeur du problème que soulève l’approche économique des préférences, l’utilitarisme formel. Pour que la théorie ne soit pas triviale, l’indétermination à l’égard des motivations doit être levée. Le poids des mots (la fonction d’utilité), la tradition historique (le calcul des peines et des plaisirs de Bentham) font que cette indétermination est levée en général, et souvent de manière inconsciente, en supposant des préférences égoïstes, intéressées. En pratique, les économistes supposent donc des individus égoïstes, mais, lorsque le reproche leur en est fait, ils peuvent s’appuyer sur la théorie et prétendre pouvoir incorporer d’autres types de préférences. Voici ce qu’il est, à mon sens, important de retenir : pour être signifiante, la théorie économique doit supposer que les préférences d’un individu sont déterminées d’une certaine façon. Cette détermination est infléchie en pratique dans le sens de l’égoïsme, de l’acquisition des biens matériels, de la consommation, mais il s’agit là d’une inclinaison secondaire et annexe. Au niveau des principes, seule est nécessaire la détermination claire des préférences avant le choix de l’individu. Ainsi, l’hypothèse fondamentale de l’économie est celle d’un sujet souverain, qui sait ce qu’il veut. Selon cette analyse, le problème de la théorie économique n’est pas dans son égoïsme, qui est un biais secondaire sur le plan théorique, mais dans son hypothèse de souveraineté du sujet.
Ce long détour nous ramène à votre livre. Il me semble que vous traitez exactement ce problème dans le chapitre sur La Rochefoucauld. On interprète souvent La Rochefoucauld comme le chantre de l’égoïsme, qui voit de l’intérêt partout, dans toutes les actions. Cela correspond à l’inclinaison dominante de la théorie dans le sens de l’égoïsme. Mais passé ce premier niveau de lecture, on s’aperçoit qu’en fait l’individu n’est pas du tout intéressé, car il ne sait pas ce qu’il veut, il est entraîné par des foucades, à la recherche de l’assentiment des autres. Votre lecture de La Rochefoucauld, que je connaissais pas, rejoint d’autres lectures de textes économiques censés célébrer l’égoïsme, en particulier celle d’Adam Smith par Jean-Pierre Dupuy (notamment « De l’émancipation de l’économie, retour sur “le problème d’Adam Smith” » et « L’individu libéral, cet inconnu : d’Adam Smith à Friederich Hayek » in Logique des phénomènes collectifs). Ces travaux montrent que l’indvidu est travaillé par la sympathie (dans le vocabulaire d’Adam Smith) : il cherche avant tout l’assentiment de ses semblables, il cherche à les imiter. Cet individu mimétique est aux antipodes de l’individu souverain que nous présente la théorie économique néo-classique. Mais il y a continuité de l’un à l’autre, et cette continuité passe par la stabilité plus ou moins grande des préférences. Dans le cas de l’individu mimétique, les préférences ne sont pas du tout stabilisées car l’individu recherche constamment l’assentiment des autres, il tend donc à modifier ses préférences dans le sens de celles qu’il croit distinguer chez eux. Dans le cas de l’individu souverain, les préférences sont stabilisées, alignées sur celles d’un modèle externe. André Orléan, qui reprend toute cette ligne de recherche dans les premiers chapitres de son dernier ouvrage L’empire de la valeur, appelle cela la médiation interne et la médiation externe. Le modèle de l’interaction mimétique, qui se trouve chez Smith, aussi chez La Rochefoucauld selon votre analyse, permet donc de retrouver comme cas limite l’individu souverain de l’économie néo-classique.
Je crois que cette approche autorise, avec des ressources quelque peu hétérodoxes, une formulation (ou une réinterprétation) de votre opposition absence à soi / présence à soi, ce que la théorie néo-classique est incapable de faire. Le présent à soi, c’est l’individu qui sait ce qu’il veut, l’individu souverain ; l’absent à soi, c’est l’individu indécis, prêt à chercher ce qu’il doit faire dans le regard de ses semblables. Cette lecture me paraît être confirmée par votre qualification d’identité substantielle pour l’un, et d’identité relationnelle pour l’autre. Cela aurait comme résultat paradoxal que les exemples d’individu altruiste que vous donnez, comme le pasteur Trocmé, seraient de bons exemples d’individus néo-classiques, souverains dans leur choix, à condition de bien prendre l’utilitarisme néo-classique dans son sens formel, où les motivations sont indéterminées, et non dans son sens vulgaire, substantiel, où les motivations sont déterminées par l’égoïsme. Franz Stangl est, d’après votre description, l’exemple même de l’individu mimétique, qui ne sait pas ce qu’il veut mais qui se laisse déterminer par le regard des autres. En réinterprétant votre ouvrage de cette façon, les expériences de Milgram ou de la prison de Stanford montreraient à quel point l’autorité et le contexte institutionnel influent sur les choix des individus. Cela révèle que l’individu souverain, sans être inexistant, est peu répandu, et que l’individu « moyen » a bien peu de consistance, en particulier dans les situations extrêmes. Autrement dit, que l’individu souverain, dont les motivations (égoïstes ou non) sont fixes et déterminées, a bien peu de réalité. Le modèle économique de l’homme n’est qu’un cas limite qui ne correspond qu’à certains contextes ou à certaines personnalités. Un écueil de cette interprétation est que les sadiques, ceux qui veulent le mal, correspondent aussi au modèle de l’individu souverain, donc, pour prendre vos termes, de la présence à soi, mais un soi maléfique. C’est d’une certaine façon fâcheux, mais étant donné le positionnement amoral de l’économie, je ne vois guère comment remédier à cette difficulté. Par ailleurs, comme votre ouvrage n’aborde pas le cas des « sadiques », je ne sais comment ils s’intègrent dans le schéma présence ou absence à soi, étant entendu que l’absence à soi est conçue pour rendre compte des actions des hommes ordinaires, ceux qui se laissent mener par les événements, par le contexte, par la pression du groupe.
Je conçois bien ce que l’approche que je viens d’esquisser peut avoir de réducteur par rapport à vos propres analyses, notamment celles de la fin de l’ouvrage sur le passage à l’acte, l’ouverture du soi à la présence, à l’événement. La question du passage à l’acte n’est jamais posée en économie, où l’individu agit toujours conformément à ses préférences. L’indétermination des préférences, ou leur modification par l’interaction mimétique, me paraît être la seule possibilité d’appréhender, avec le langage économique, une partie des phénomènes qu’aborde votre ouvrage. Mais je ne sais pas si cela correspond à vos vues. Je souhaiterais vivement savoir ce que vous pensiez de cette interprétation."
"[...] Je vous écris avant tout pour vous faire part de quelques réflexions sur les liens entre la théorie économique et les analyses développées dans votre ouvrage. Ces réflexions visent à préciser quel serait le pendant économique du couple présence à soi/absence à soi que vous préférez à l’opposition altruisme/égoïsme. Votre livre fraye à plusieurs reprises avec la théorie économique et ses fondements utilitaristes. Je partage vos réserves sur l’utilitarisme, et plus encore sur le fondamentalisme utilitariste que diffusent certains économistes. Je crois toutefois que la science économique a d’autres ressources, qui permettent de contester le monisme utilitariste et qui la rapprochent de vos préoccupations.
Vous présentez surtout les exemples d’altruisme comme une réfutation du comportement intéressé que postulent les économistes. Il me semble cependant qu’opposer altruisme et égoïsme n’est pas une bonne façon d’attaquer les présupposés de la science économique : celle-ci se défendrait trop facilement. Les économistes néo-classiques se représentent le monde comme peuplé d’individus souverains, munis de préférences sur toutes les situations. Lorsqu’un individu doit faire un choix, il examine quelles sont ses préférences et il choisit en conséquence. Agir en regardant ses préférences est mathématiquement équivalent à attribuer à chaque situation une utilité et à agir pour maximiser cette utilité. De la sorte, la fonction d’utilité est un raccourci de langage, une notion formelle, et les préférences qui la fondent ne renvoient pas directement à ce qui est utile pour l’agent, à ce qui sert ses intérêts « objectifs ». Les économistes considèrent – et ils ont raison – que la fonction d’utilité peut intégrer des préférences non-égoïstes, de type altruiste : préférence pour les autres, pour la justice, pour l’équité, etc. Avec de telles préférences, une situation sera reconnue « utile » si elle juste, égale, etc. Les économistes ont ainsi beau jeu de repousser l’accusation d’égoïsme et de prétendre qu’ils peuvent représenter n’importe quelles préférences. La « fonction d’utilité » peut très bien rendre compte de motivations qui ne sont pas égoïstes, l’utilitarisme de la théorie économique est formel.
Toutefois, cette indifférence à l’égard des motivations intrinsèques n’est que de principe. Elle est un trompe-l’oeil. En pratique, cette indifférence se résout positivement dans le retour à l’utilitarisme substantiel. Pour bien comprendre le trucage, il faut regarder en détail comment les préférences sont construites.
Comme les préférences d’un individu ne sont pas a priori connues, les économistes prétendent les déduire des choix que l’individu a faits. Mais il y a là un cercle logique : alors que les préférences sont censées expliquer les choix (on choisit ce qui maximise son utilité, c’est-à-dire ce que l’on préfère), on a en fait besoin de connaître les choix pour déduire les préférences. De telle sorte, la théorie n’est plus qu’une explication ex post d’un choix, une rationalisation de ce qui a été observé. Par exemple, si j’aide quelqu’un, je révèle mes préférences altruistes, si je n’aide pas quelqu’un je révèle mes préférences égoïstes. En adoptant une définition purement comportementale des préférences, la théorie devient une tautologie formelle. En définitive, elle explique que l’on a fait ce qu’on a fait parce qu’on l’a fait. Cette indétermination rend la théorie complètement creuse, triviale.
Nous voici au coeur du problème que soulève l’approche économique des préférences, l’utilitarisme formel. Pour que la théorie ne soit pas triviale, l’indétermination à l’égard des motivations doit être levée. Le poids des mots (la fonction d’utilité), la tradition historique (le calcul des peines et des plaisirs de Bentham) font que cette indétermination est levée en général, et souvent de manière inconsciente, en supposant des préférences égoïstes, intéressées. En pratique, les économistes supposent donc des individus égoïstes, mais, lorsque le reproche leur en est fait, ils peuvent s’appuyer sur la théorie et prétendre pouvoir incorporer d’autres types de préférences. Voici ce qu’il est, à mon sens, important de retenir : pour être signifiante, la théorie économique doit supposer que les préférences d’un individu sont déterminées d’une certaine façon. Cette détermination est infléchie en pratique dans le sens de l’égoïsme, de l’acquisition des biens matériels, de la consommation, mais il s’agit là d’une inclinaison secondaire et annexe. Au niveau des principes, seule est nécessaire la détermination claire des préférences avant le choix de l’individu. Ainsi, l’hypothèse fondamentale de l’économie est celle d’un sujet souverain, qui sait ce qu’il veut. Selon cette analyse, le problème de la théorie économique n’est pas dans son égoïsme, qui est un biais secondaire sur le plan théorique, mais dans son hypothèse de souveraineté du sujet.
Ce long détour nous ramène à votre livre. Il me semble que vous traitez exactement ce problème dans le chapitre sur La Rochefoucauld. On interprète souvent La Rochefoucauld comme le chantre de l’égoïsme, qui voit de l’intérêt partout, dans toutes les actions. Cela correspond à l’inclinaison dominante de la théorie dans le sens de l’égoïsme. Mais passé ce premier niveau de lecture, on s’aperçoit qu’en fait l’individu n’est pas du tout intéressé, car il ne sait pas ce qu’il veut, il est entraîné par des foucades, à la recherche de l’assentiment des autres. Votre lecture de La Rochefoucauld, que je connaissais pas, rejoint d’autres lectures de textes économiques censés célébrer l’égoïsme, en particulier celle d’Adam Smith par Jean-Pierre Dupuy (notamment « De l’émancipation de l’économie, retour sur “le problème d’Adam Smith” » et « L’individu libéral, cet inconnu : d’Adam Smith à Friederich Hayek » in Logique des phénomènes collectifs). Ces travaux montrent que l’indvidu est travaillé par la sympathie (dans le vocabulaire d’Adam Smith) : il cherche avant tout l’assentiment de ses semblables, il cherche à les imiter. Cet individu mimétique est aux antipodes de l’individu souverain que nous présente la théorie économique néo-classique. Mais il y a continuité de l’un à l’autre, et cette continuité passe par la stabilité plus ou moins grande des préférences. Dans le cas de l’individu mimétique, les préférences ne sont pas du tout stabilisées car l’individu recherche constamment l’assentiment des autres, il tend donc à modifier ses préférences dans le sens de celles qu’il croit distinguer chez eux. Dans le cas de l’individu souverain, les préférences sont stabilisées, alignées sur celles d’un modèle externe. André Orléan, qui reprend toute cette ligne de recherche dans les premiers chapitres de son dernier ouvrage L’empire de la valeur, appelle cela la médiation interne et la médiation externe. Le modèle de l’interaction mimétique, qui se trouve chez Smith, aussi chez La Rochefoucauld selon votre analyse, permet donc de retrouver comme cas limite l’individu souverain de l’économie néo-classique.
Je crois que cette approche autorise, avec des ressources quelque peu hétérodoxes, une formulation (ou une réinterprétation) de votre opposition absence à soi / présence à soi, ce que la théorie néo-classique est incapable de faire. Le présent à soi, c’est l’individu qui sait ce qu’il veut, l’individu souverain ; l’absent à soi, c’est l’individu indécis, prêt à chercher ce qu’il doit faire dans le regard de ses semblables. Cette lecture me paraît être confirmée par votre qualification d’identité substantielle pour l’un, et d’identité relationnelle pour l’autre. Cela aurait comme résultat paradoxal que les exemples d’individu altruiste que vous donnez, comme le pasteur Trocmé, seraient de bons exemples d’individus néo-classiques, souverains dans leur choix, à condition de bien prendre l’utilitarisme néo-classique dans son sens formel, où les motivations sont indéterminées, et non dans son sens vulgaire, substantiel, où les motivations sont déterminées par l’égoïsme. Franz Stangl est, d’après votre description, l’exemple même de l’individu mimétique, qui ne sait pas ce qu’il veut mais qui se laisse déterminer par le regard des autres. En réinterprétant votre ouvrage de cette façon, les expériences de Milgram ou de la prison de Stanford montreraient à quel point l’autorité et le contexte institutionnel influent sur les choix des individus. Cela révèle que l’individu souverain, sans être inexistant, est peu répandu, et que l’individu « moyen » a bien peu de consistance, en particulier dans les situations extrêmes. Autrement dit, que l’individu souverain, dont les motivations (égoïstes ou non) sont fixes et déterminées, a bien peu de réalité. Le modèle économique de l’homme n’est qu’un cas limite qui ne correspond qu’à certains contextes ou à certaines personnalités. Un écueil de cette interprétation est que les sadiques, ceux qui veulent le mal, correspondent aussi au modèle de l’individu souverain, donc, pour prendre vos termes, de la présence à soi, mais un soi maléfique. C’est d’une certaine façon fâcheux, mais étant donné le positionnement amoral de l’économie, je ne vois guère comment remédier à cette difficulté. Par ailleurs, comme votre ouvrage n’aborde pas le cas des « sadiques », je ne sais comment ils s’intègrent dans le schéma présence ou absence à soi, étant entendu que l’absence à soi est conçue pour rendre compte des actions des hommes ordinaires, ceux qui se laissent mener par les événements, par le contexte, par la pression du groupe.
Je conçois bien ce que l’approche que je viens d’esquisser peut avoir de réducteur par rapport à vos propres analyses, notamment celles de la fin de l’ouvrage sur le passage à l’acte, l’ouverture du soi à la présence, à l’événement. La question du passage à l’acte n’est jamais posée en économie, où l’individu agit toujours conformément à ses préférences. L’indétermination des préférences, ou leur modification par l’interaction mimétique, me paraît être la seule possibilité d’appréhender, avec le langage économique, une partie des phénomènes qu’aborde votre ouvrage. Mais je ne sais pas si cela correspond à vos vues. Je souhaiterais vivement savoir ce que vous pensiez de cette interprétation."
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