On se forme l'esprit et le sentiment par les conversations, Pascal

samedi 9 mai 2015

Charles Girard, Raison publique et démocratie délibérative

Un excellent article de Charles Girard, "Raison publique rawlsienne et démocratie délibérative. Deux conceptions inconciliables de la légitimité politique ?", publié par les Presses de Sciences Po, 2009/02 n° 34.

"Le problème de la légitimité politique divise les théories normatives de la démocratie. Comment concilier la nécessité de prendre des décisions collectives contraignantes pour tous et le statut de citoyen libre et égal aux autres de chaque individu ? Longtemps dominantes, les théories qui fondent la légitimité de la décision collective sur l’agrégation des préférences individuelles, sont aujourd’hui contestées par les tenants de la démocratie délibérative. Selon ces derniers, une décision est légitime dans la mesure où elle résulte d’un échange public,libre et raisonné d’arguments entre citoyens égaux. C’est en donant au processus de prise de décision collective la forme d’une délibération publique portant sur le bien commun qu’il serait possible d’assurer à la fois l’efficacité et la légitimité de l’exercice démocratique du pouvoir.Les théories élaborant cet idéal normatif se réfèrent communément à John Rawls et à Jürgen Habermas comme aux « pères fondateurs » de la démocratie délibérative. Comme l’éthique de la discussion habermassienne, la philosophie politique rawlsienne aurait, dès la Théorie de la justice, ouvert la voie à une compréhension délibérative de la politique démocratique ; et l’idée de raison publique, développée à partir de Libéralisme politique, est souvent citée comme l’une des versions les plus abouties de l’idéal délibératif.L’association de la démocratie délibérative et de la raisonpublique paraît aller de soi. La raison publique exige de chaquecitoyen qu’il n’avance, pour justifier publiquement les décisionspolitiques qu’il soutient, que des raisons dont il peut raisonnable-ment penser qu’elles sont acceptables par les autres citoyens raison-nables. Elle peut donc aisément être comprise comme le principequi doit guider la délibération publique, et celle-ci comme la formeque prend l’exercice collectif de la raison publique. Les commen-tateurs hésitent d’autant moins à associer, sinon à confondre, cesdeux notions, que Rawls lui-même affirme que l’idée de raisonpublique est propre à une démocratie constitutionnelle bienordonnée « comprise également comme une démocratie délibéra-tive ». Parce que la théorie délibérative « limite les raisons que lescitoyens peuvent donner à l’appui de leurs opinions politiques auxraisons compatibles avec une vision des autres citoyens commeégaux », elle inclut l’idée de la raison publique comme l’un de ses« éléments essentiels ».

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