La question fondamentale posée par la non-violence individuelle, telle qu'elle est exprimée dans l'admirable message d'Antoine Leiris (publié ci-dessous) est de savoir si elle peut servir de fondement aux politiques publiques alors même qu'elle peut s'élargir jusqu'à engager l'action collective toute entière. Les Non-Résistants, comme Tolstoï, Romain Rolland ou Gandhi, les dissidents aussi - voyez les admirables textes de Vaclav Havel - se rapportent toujours à l'individu, à sa responsabilité personnelle, à la fidélité première envers ses valeurs morales et spirituelles, et non à l'Etat, surtout lorsque celui-ci en appelle à ces formes d'engagement "fusionnel" qui exigent, en cas de guerre, le sacrifice de l'individu, jusqu'à celui de sa vie, et ce au nom d'une rhétorique nationaliste, patriotique, dans lequel ils voient un instrument idéologique d'aliénation et, surtout, de destruction entre les hommes - une folie.
Le fait est que la guerre est une affaire d'Etats : ce ne sont jamais les citoyens qui déclarent la guerre à d'autres citoyens. Et ils se trouveront embrigadés dans des combats qui finalement ne sont pas les leurs. On comprend donc les raisons fondamentales du pacifisme. En est-il de même avec le terrorisme, ces formes non-étatiques de violence qui s'en prennent directement aux individus ? Comment la non-violence, la non-résistance au mal, peut-elle y répondre, sans laisser l'Etat reprendre la main et imposer, de nouveau, ses propres logiques militaires, sécuritaires, etc ? Il me semble que c'est de cette question précise que nous devons partir.
Voici un début de réponse : élargir autant que possible, et non réduire, les compétences de la justice nationale et internationale parce que seule la justice met un terme au cycle de la violence et rétablit l'humanité de l'accusé au lieu de voir en lui une cible à éliminer, un ennemi à éradiquer, autrement dit, une bête à abattre. Elle seule est également en mesure d'inventer et de mettre en place des modalités transitionnelles de réconciliation entre les ennemis d'hier, qui ne nieront pas les souffrances des victimes mais qui sauront, malgré tout, reconstituer le lien social défait, et cela au nom de quoi ? Mais de la paix, de la paix qui doit l'emporter sur la violence et la haine.
2 commentaires:
La peur et le désir sont parfois constitutifs de conflits et génèrent la violence . Dans un monde qui prône le respect des droits de l'homme et qui facilitent la vente des armes, il est difficile de promouvoir la non-violence. Hobbes disait que l'homme est animé par son désir de conservation, ceux qu'il craint le plus c'est la mort.En temps de guerre, rare ceux qui sont pris par le sentiment de culpabilité après avoir ôté des vies humaines,ils sont contents de rentrer chez eux ,retrouver les leurs.La tache est d'autant plus difficile lorsque de nos jours les enfants mêmes,ont une culture de violence,la télé,les jeux ,internet..En général l'homme social a toujours cultivé la violence:les dépenses militaires,les armes.. alors que rien n'est fait pour une culture de non-violence.L'homme est capable de cruauté, l'impensable s'est produit il n'y a pas un siècle avec Auschwitz.Refuser la violence c'est refuser sa justification et sa légitimation, et donc une culture qui la maîtrise,qui la domine car elle n'est jamais juste.Une société sans conflit reste utopique mais seule la justice peut réconcilier sans avoir recours à la violence.Selon le proverbe, une stratégie« Qui veut une fin juste, doit vouloir des moyens justes ». Jahida benyoucef
Bonjour Monsieur, tout d’abord, la violence en elle-même est un acte purement barbare et égoïste. Durant les guerres, c’est la volonté d’agrandir son territoire ainsi que de posséder plus de richesses qui motivent les États à s’entretuer (pas toujours mais dans certains cas c’est ce qu’il se produit). Généralement la population est prise en otage et elle se doit de faire ce que les dirigeants décident.
Pour autant, comme vous l’avez dit, en tant qu’individu, il est possible d’accepter de travailler sous les ordres de l’État durant la guerre, mais aussi, contre l’État si nos idéaux ne sont pas les mêmes et enfin nous pouvons aussi être pacifistes, comme vous l’expliquez avec les Non-Résistants.
Effectivement, la non-violence n’est pas une solution non plus, quand un terroriste abat bon nombre de personne, il ne faut pas le laisser s’en tirer, mais le voir comme « une bête à abattre » n’est pas la solution non plus, nous n’avons pas justice en tuant un homme.
Si nous tuons un homme au nom de la justice, alors ne sommes-nous pas nous-mêmes comme cet individu ? Je me rappelle que durant vos cours, vous aviez évoqué cet exemple « si un terroriste prévoit de faire un attentat dans l’école, où sont vos enfants, torturiez- vous cet individu pour avoir des informations et arrêter ce carnage ? » Vous évoquiez cela par rapport à un film qui parlait de la torture sur les prisonniers justement. Si j’aborde cet exemple, c’est que si nous sommes concernés de plein fouet par une violence extrême, il n’est pas dit que l’homme ne va pas répondre à la violence par de la violence et de la haine. Malheureusement et comme vous l’avez expliqué dans la dernière partie de votre article, pour lutter contre la violence, c’est la justice et la paix qui doivent prendre le dessus sur la haine.
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