On se forme l'esprit et le sentiment par les conversations, Pascal

mercredi 18 mars 2020

Le coronavirus ou la liberté retrouvée ?

La situation présente conduit, on le voit au vide des rues, au silence des villes, au confinement forcé dans l'espace restreint de notre habitation, à une restriction, inimaginable hier encore, de nos libertés fondamentales. Cependant, nul n'en conteste les raisons et la nécessité, de sorte que ces mesures ne remettent pas en cause, du moins pas pour l'instant, le régime démocratique dans lequel nous vivons. Mais pourquoi donc, après tout ?
Etonnamment parce qu'avec la pandémie, c'est la liberté retrouvée. Les contraintes qui hier encore se présentaient comme inexorables, celles de la rigueur budgétaire, les lois de l'économie qui encadraient les politiques publiques et l'activité des entreprises sont, tout d'un coup, balayées au profit de décisions politiques commandées par les circonstances et la nécessité, alors que l'histoire humaine présente à nouveau un visage tragique et que l'imprévisibilité des événements n'a jamais été aussi inquiétante.
La nécessité sanitaire, à la différence de la nécessité économique, n'annule pas la liberté de la décision politique. Tout au contraire : plus rien n'est impossible lorsqu'il s'agit de faire face collectivement, et comme il convient, à l'insidieuse propagation du mal. Grand retour de Machiavel ! Éclairés par les scientifiques, ce sont les politiques qui prennent les mesures appropriées, non les décideurs économiques.
Nous sommes peut-être confinés mais les portes s'ouvrent et nous retrouvons, alors que l'inquiétude règne et que la mort se répand alentour, le sens de ce qui compte, le rapport au temps qui n'est plus celui de l'immédiateté, la relation avec nos proches et, à distance, ce sont des formes de vie plus humaines qui se retrouvent. Quel paradoxe ! Quel changement radical de paradigme !
Il restera demain à mettre cette liberté retrouvée en situation d'urgence, ces moyens financiers colossaux, au service de l'environnement.. Nous savons que c'est nécessaire et désormais que c'est possible. Nous n'aurons vraiment plus aucune excuse !
Nous ne devrons, cependant, jamais perdre de vue notre devoir de vigilance. Le grand danger qui nous guette, dans les mois et les années à venir, est le retour d'un autoritarisme consenti, suscité par les situations d'exception. Hier le terrorisme, aujourd'hui la crise sanitaire, demain la catastrophe écologique. Le retour du politique n'est jamais sans risque ni péril.

16 commentaires:

François Labat a dit…

Comme on aimerait que vous ayez raison et que, par la simple force du vouloir politique et de la nécessité, en l’espace d’une semaine, les contraintes de l’économie ne soient désormais plus qu’un mauvais souvenir et que nous ayons retrouvé notre liberté. Il est vrai en effet que brutalement des murailles se sont effondrées et que ce qui semblait impossible, mobiliser des centaines de milliards pour le bien commun, est devenu aussi simple que de rédiger un décret. On ne peut pas ne pas penser au « Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres. » de La Boétie. Mais cette libération de la tyrannie de l’économie est quand même pour l’instant, plus simplement, un emprunt, tiré sur cette économie, qu’il faudra rembourser.
C’est tout le paradoxe : si la propagation de l’épidémie à la vitesse de l’éclair est évidemment à mettre au crédit de la mondialisation et du capitalisme, si les difficultés des hôpitaux ont bien-sûr à voir avec les coupes claires qui ont été faites dans leur budgets au nom de la rentabilité économique, il ne faut pas oublier que ce sont des usines capitalistes qui produisent des masques, des entreprises capitalistes qui livrent les produits de première nécessité, des câblo-opérateurs capitalistes qui permettent à la société de vivre en archipels reliés par des fils souterrains (et grâce à qui par exemple ce blog existe). Ce sont des sociétés, motivées par l’appât du gain qui conçoivent du matériel médical, des respirateurs, des tests et qui, pour gagner beaucoup d’argent, ont appris à en fabriquer beaucoup, vite et à très bas coût. Les abeilles de Mandeville ne sont jamais très loin.

On s’accorde souvent à dire que l’impuissance du politique est liée au décalage entre le temps nécessaire à l’action en profondeur qui se compte en décennies et le temps politico-médiatique qui se compte en semaines, quand ce n’est pas en minutes, au rythme des tweets. Cette épidémie resynchronise brutalement ces deux tempos. Il faut agir vite. Le politique retrouve d’un coup toute sa puissance qu’on avait oubliée. Et cela nous rassure, à juste titre. L’épidémie va vite mais surtout - quand on regarde vers la Chine - on voit que l’action résolue peut porter ses fruits en seulement quelques mois. Tout le monde retient son souffle et reste cloîtré chez soi avec l’œil rivé sur les courbes des contaminations en espérant en sortir avant l’été. Les choses seraient certainement différentes si l’espoir du salut était hypothétiquement reporté à la décennie suivante.
On comprend donc bien que cette resynchronisation du politique ne s’est pas faite par l’adaptation de celui-ci qui aurait trouvé le moyen de ralentir sa course folle. Elle s’est faite par l’apparition d’un phénomène qui va à la même vitesse que lui.

Les problèmes essentiels, du réchauffement climatique à l’accroissement des inégalités, en passant par l’effondrement de la bio-diversité ne se sont pas évanouis avec l’apparition du virus. Mais ils n’ont pas accéléré non plus. Ils avancent toujours de leur pas tranquille qui - contrairement à cette épidémie - nous fait mal sentir leur urgence et leur gravité. Pourtant l’Institut Pasteur ne prévoit pas de mettre au point un vaccin contre le dérèglement climatique d’ici l’année prochaine. Quand cette épidémie sera derrière nous, il s’agira de revenir à ces problèmes de fond de l’écologie qui sont finalement beaucoup plus graves même si, viscéralement, ils font moins peur. Mais il n’y aura pas de mesures drastiques que l’ont pourra annoncer au JT et qui, en mobilisant toutes nos forces, produiront leur effet quelques mois plus tard. On ne pourra pas appliquer les mêmes recettes et s’affranchir de l’économie, c’est à dire de la gestion globale et à long terme de notre « maison commune ». Il faudra produire des mesures de fond, qui mettent en accord les intérêts particuliers et l’intérêt général, à très long terme. Ce sera donc beaucoup plus difficile. Ce qu’on peut espérer c’est que cette nouvelle « Grande peur » nous aura réappris à quel point les deux sont indissociables.

Jean-Pierre Ménage a dit…

Vous avez sans doute raison. Et malgré la situation tragique dans laquelle nous sommes (trop de gens ont perdu malheureusement la vie et continuent à la perdre encore….à cause de ce virus), de nombreuses lueurs sont là a nous éclairées, et celles-ci semble s’intensifier à mesure que notre monde s’obscurcit. Puisque, comme Edgar Morin aime à le répéter : <> (citation du poète Friedrich Hölderlin). Ainsi ‘‘le vide des rues’’, ‘‘le silence des villes’’, ‘‘l’espace restreint de notre habitation’’ nous offrent l’occasion de nous re-centrer afin d’atteindre ce fameux foyer intérieur dont Etty Hilsum avait fait l’expérience et qui n’est en fait que le noyau insubmersible de l’être. C’est également l’occasion pour nous de donner au Temps toute sa dimension spirituelle, en élevant pour cela notre regard et nos intérêts, vers ce qui dure et dont la valeur n’est pas celle de l’argent. Ce repliement nécessaire, débouche non pas sur un bête égoïsme, mais plutôt, donne accès au nu atome de l’humain. Celui-là même que personne ne pourra jamais véritablement détruire et qui nous relie, tous, les uns aux autres, et cela, par delà l’espace et la différence des pays du monde.

En outre, comme vous le dites ‘‘les circonstances et la nécessité’’ actuelles nous offrent aussi la possibilité de redonner à la politique le sens qu’elle devrait toujours avoir ; qui n’est pas une activité humaine permettant d’agir et de légiférer en fonction des desiderata d’un quelconque Marché économique, mais plutôt, demeure, ce qui permet de prendre-soin de la cité (polis).

Machiavel est une très belle référence, mais en ces temps troubles ou nous devons faire preuve du plus d’humanité possible, et demeurer souder les uns aux/avec autres, sans doute en cette période de confinement devons-nous regarder également du côté de Saint Agustin et de son fameux concept du redi in te (le retour sur toi). Merci pour votre article.


Jean-Pierre Ménage – étudiant de l’Urca (Master 2 philosophie – Année 2019-2020)

Jean-Pierre Ménage a dit…

La citation de Friedrich Hölderlin (et reprise de nombreuses fois par Edgar Morin) est celle-ci : ''Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve''

FRANCE DELTENRE a dit…

Les restrictions de libertés fondamentales qui nous ont été imposées il y a trois semaines, par le gouvernement pour faire face à l’épidémie de Covid-19 doivent demeurer exceptionnelles dans le respect de la démocratie et de notre Etat de droit et relever de la stricte nécessité.
Il apparaît en effet que l’adoption d’une telle mesure fait suite à une appréciation minutieuse d’un rapport bénéfice/risque dans un contexte épidémique et donc de crise sanitaire de grande ampleur, qui requiert d’examiner le bénéfice pour les citoyens d’un confinement, au regard du risque encouru par les citoyens en l’absence de confinement. La décision de restreindre la liberté fondamentale de circulation et de contraindre ainsi les citoyens à rester à leur domicile a donc été considérée comme nécessaire et proportionnée. Cette mesure a d’ailleurs été adoptée par la plupart des pays démocratiques voisins. En effet, la pratique du confinement apparaît pour la communauté scientifique comme un levier approprié pour réduire la propagation du virus et lisser l’évolution du nombre de personnes malades. Il est une autre mesure qu’il apparait important d’examiner et qui concerne les exigences requises pour les sorties exceptionnelles ; en effet toute sortie du lieu de résidence pour quelque durée et quelque distance que ce soit doit faire l’objet d’une attestation signée précisant voire justifiant le motif du déplacement. Le principe de l’attestation dérogatoire au principe d’interdiction engage le citoyen signataire de l’attestation et le met en face de ses responsabilités eu égard au risque de contamination qu’il encourt ou qu’il fait subir à autrui. La nécessité d’indiquer le motif de sortie et surtout de présenter des éléments probants justifiant ce motif, lors des contrôles me paraît excessive et de nature à constituer une ingérence dans la vie privée des personnes.
C’est pourquoi, une vigilance toute particulière devra être accordée après la levée des restrictions pour que nous retrouvions le rétablissement complet de nos libertés.

FRANCE DELTENRE a dit…

suite du commentaire (2ème partie)
Nous pouvons nous interroger sur les changements qu’induit le confinement dans notre mode de vie et dans notre pensée.
Le confinement induit un changement de spatialité et de temporalité.
Alors que, « nous sommes pleins de choses qui nous jettent au dehors » comme le souligne Pascal, le confinement nous contraint-il à notre « malheur » si nous ne savons pas « demeurer en repos dans une chambre » ? La chambre symbolise le retrait de l’agitation, l’intériorité et Pascal qualifie notre condition humaine de « misérable » par la recherche de divertissements qui conduisent l’homme à la fuite de lui-même. L’homme a en effet tendance à vouloir s’occuper pour ne pas réfléchir à sa condition misérable que nous devons non fuir mais affronter. Or, le changement de spatialité auquel nous sommes contraints par le confinement « dans notre chambre » rassemble nos espaces de vie en un même lieu, où se déroulent notre vie intime, familiale, professionnelle voire scolaire. L’espace de la vie sociale semble disparaître en réduisant les interactions et les obligations sociales ainsi que le divertissement dans un contexte collectif. Tout ce qui relève des convenances et des mondanités disparaît. Nous constatons après trois semaines de confinement, notre capacité à demeurer en repos dans notre chambre et à retrouver notre intériorité. N’est-ce pas en effet le temps pour le recul, le discernement, la remise en question, le questionnement ? Un temps pour être soi. Même si l’homme se réalise en tant qu’homme dans la société comme l’affirme Kant par la métaphore de l’arbre et de la forêt, être soi comme l’exprime Schopenhauer, c’est être seul, c’est être libre. On peut être libre d’être soi en dehors du jeu social. C’est aussi un temps pour nous ouvrir à l’altérité et au souci de l’autre, en famille et avec l’extérieur, grâce aux outils numériques.
S’agissant du changement de temporalité induit par le confinement, nous nous sommes libérés du temps social qui nous asservit et transcende les vies humaines ; nous avons rompu le rythme incessant « du temps qui passe » pour créer notre propre rythme d’humain. Nous sommes contraints de demeurer chez nous mais en réalité l’opportunité nous est donnée de vivre selon le rythme de la nature et de nous défaire de l’emprise du temps. Puisse ce ressenti tout à fait personnel être pris en compte lorsque nous sera restitué l’ensemble de nos libertés fondamentales.

jacquesmggg a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
jacquesmggg a dit…

Chers tous,

Merci pour ce stimulant débat que je découvre en ce jour et qui - permettez-moi de le dire quitte à mettre en suspens son évolution argumentative - va à mes yeux souligner certains bienfaits du débat numérique souvent passés trop inaperçus : ses apports démocratique et existentiel en des temps de distanciation sociale (dont la distanciation sociale pour raison de santé publique n'en est qu'une des modalités puisqu'existent par exemple également celle pour raison de santé personnelle à la manière des individus atteints de problèmes psychologiques ou celle par choix philosophique à la manière sans doute de certains "Hikikomori" au Japon - ces individus qui, du fait notamment des apports de la modernité comme l'arrivée du travail à distance ou les livraisons de courses à domicile, ont pu s'essayer à vivre en total isolement social - https://www.nippon.com/fr/currents/d00332/).

À l'heure où les discussions dans l'espace public (cafés, écoles, entreprises ou tout autre lieu d'interactions), ne sont plus vraiment possibles, les échanges avec ceux confinés avec nous, les articles médiatiques mais surtout (du fait de sa remarquable capacité à mettre en relation quantité de personnes à des temps différents) le débat numérique se posent comme les derniers modes d'être de la discussion démocratique. Il en va ainsi de même sur le plan existentiel où le débat numérique constitue le dernier grand appareil de construction de l'individu par le social (développement notamment de son intellect, sa créativité et de ses cognitions sociales).

En somme, encore d'autres atouts d'un débat numérique - déjà à même de pallier certains risques de reproduction d'inégalités sociales (par l'anonymat dans les échanges, une classe dominante aurait moins d'influence car physiquement plus difficilement retrouvable dans les échanges - risques mis en évidence par Iris Marion Young dans son article "Communication et altérité - Au-delà de la démocratie délibérative" présent au sein de l'oeuvre "La démocratie délibérative") ou l'immédiateté dans les réponses (qu'on retrouverait dans un échange physique ou très souvent sur Twitter). Aussi je me le demande : à quand une vraie promotion du débat numérique au sein des démocraties contemporaines ?

jacquesmggg a dit…


Aussi permettez-moi une nouvelle fois de mettre en suspens la progression argumentative à proprement parler du débat pour en estimer sa pertinence ontologique - à travers une évaluation de l'intérêt de l'angle d'étude choisi ici, dans le cadre philosophique plus large de la crise du coronavirus.

Si de multiples angles d'étude semblent ici être envisageables (dont on peut par exemple ajouter l'incapacité des gouvernements occidentaux à se suffire à eux-mêmes en termes de production de biens primaires - probablement du fait de la confiscation du débat sur la production nationale par les immédiates assimilations des libéraux et des nationalistes de celle-là à un projet nationaliste- ; la médiocrité des politiciens en termes de connaissance d'histoire de la médecine et de la logique des épidémies; ou encore les possibles arrivées d'une divergence en termes de logiques médicales ou d'une propension à bafouer les standards internationaux chez des médecins de renommée - https://twitter.com/JulienPain/status/1248267414241976320?s=20), un d'entre eux est à mes yeux moralement en droit de sortir du lot : celui de l'efficacité des politiques publiques en termes de nombre de vies humaines sauvées (-un "bien moral de la décision et de la discussion en temps de crise sanitaire" à possible coexistence d'ailleurs avec le principe de liberté - ainsi que je tenterai de l'expliquer plus bas). Et ce, d'autant plus en Occident où nous ne pouvons qu'être admiratif à l'égard de la qualité de la courbe sud-coréenne relative à l'évolution du nombre de nouveaux cas par jour dans le pays (https://twitter.com/dr_l_alexandre/status/1239534520531107841).

Pourquoi donc avons-nous dans ici privilégié cette question de la liberté ? Je n'aimerais bien sûr pas prêter aux membres de ce débat des intentions qu'ils n'ont pas, mais cette tournure prise par les actes (à l'exception déjà d'ailleurs de François qui a ouvertement évoqué le cas de la Chine) n'est-elle pas symptomatique d'un oubli de cette mise en garde camusienne du risque d'une priorisation de l'idée/du concept à la vie/à l'homme ? C'est en effet cette probable hypostase de la liberté (-l'hypostase comme cette action de traiter comme un être spécifique) voire religion de la liberté (-la religion au sens de cette expérience de pensée impliquant rites et croyances) que je crains retrouver chez des gouvernements occidentaux qui n'ont pas réellement essayer d'adapter les modèles sud-coréen et chinois au principe occidental de la liberté (possibilité pourtant il y avait et il y a toujours à notamment mettre moralement en place des drones de surveillance pour éviter que les promenades de santé ne prennent la forme de balades estivales à haut risque de contacts physiques, recourir à un modèle anonyme de retraçage de la chaîne de contacts du malade, pousser les citoyens à utiliser des systèmes de géolocalisation anonyme à même de les avertir s'ils se trouvent à proximité de nouveaux malades - car un refus d'accepter de telles pratiques n'aurait pour moi plus lieu en vertu du principe de liberté mais d'égoïsme - cf la classique citation de Mill : "La liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres").

jacquesmggg a dit…

Enfin, je relancerais tout de même le débat sur ses points clefs.

1. Concernant la lecture du Pr. Terestchenko selon laquelle la rapide acceptation citoyenne du retrait des "libertés fondamentales" témoignerait de l'existence d'un soulagement à quitter un certain totalitarisme économique, je l'ai tout d'abord trouvée éminemment pertinente. Cependant en échangeant avec un ami, ce dernier m'a finalement convaincu à la voir sinon comme fausse du moins très insuffisante. N'y a-t-il pas en effet avant tout à l'oeuvre derrière ces réactions, la manifestation d'un attachement de l'homme à sa vie sur Terre/ un simple désir de survie qui pourrait être - si l'on renvoyait les perceptions métaphysiques (Dieu, le moi, le monde) au rang de simples constructions mentales - le réel but de l'homme ?

2. Sur la question de la perte de nos "libertés fondamentales" en ces temps de confinement, permettez-moi d'y ajouter (au risque d'être vu comme un paranoïa - rires) mon sentiment de perte de la liberté de savoir. Dans les allocutions du président Macron (comme ce pourrait sans doute aussi être le cas avec d'autres politiciens), je crains percevoir l'existence d'une totale sortie de ce qu'on pourrait considérer comme le "tacite pacte de la république à démocratie représentative" (tacite du fait que les français s'attachent, à juste titre peut-être, davantage à participer d'un rapport politique fondé sur le bon sens - à la manière des religieux, défendus d'ailleurs par Rousseau, qui ne lisent pas les textes mais tendent à entretenir un naturel rapport à Dieu - que sur les écrits de la Constitution) à travers le déploiement d'un lourd obscurantisme à l'endroit de la nature des projections (-bien qu'il ne s'agit que de projections) nationales et internationales relatives à la crise du coronavirus. Pourquoi donc s'adresser à nous comme à des enfants ?

jacquesmggg a dit…

3. Sur le constat des bienfaits existentiels de la crise du coronavirus (-dont on pourrait notamment ajouter l'arrivée de nombreuses initiatives solidaires comme la plateforme "1 lettre 1 sourire" qui permet d'envoyer des lettres aux personnes âgées isolées dans les EHPAD), permettez-moi de les contrebalancer avec les méfaits/la négativité malheureusement également à l'oeuvre. En effet, sont notamment constatables par des travaux de psychologie sociale :
-Une hausse de la consommation d'alcool aux États-Unis durant les troisième et quatrième semaine du mois de mars par rapport aux mêmes périodes l'an dernier (respectivement +55% et 22%) - qui pousse des journaux à sensibiliser leurs lecteurs sur les symptômes d'une consommation impulsive ou excessive en termes de quantité (https://www.them.us/story/am-i-drinking-too-much-alcohol-quarantine-coronavirus)
-Une dégradation de la qualité du sommeil (trois adultes français sur quatre rapporteraient des problèmes de sommeil et la moitié d'entre eux estimerait qu'ils sont apparus durant le confinement) à haut impact sur le quotidien (six fois sur dix, ces problèmes impacteraient le quotidien de l'individu) - ainsi que l'indique l'étude du journal Coconel (https://www.mediterranee-infection.com/wp-content/uploads/2020/04/Note-n2-impact-sante-mentale.pdf)
-Les hausses des signes de détresse psychologique (toujours selon l'étude du journal Coconel, 37% des français présenteraient des signes de détresse psychologique) et de risque d'une augmentation du taux de suicide. Selon l'article de JAMA Psychiatry (https://jamanetwork.com/journals/jamapsychiatry/fullarticle/2764584), la crise du coronavirus exacerberait un certain nombre de catalyseurs du suicide aux États-Unis, comme les inquiétudes économiques (l'argument historique est à l'oeuvre : les situations de déclin économique présentent un fort lien avec les années à plus haut taux de suicide que "la normale"), l'isolement sociale (mention du constat dans l'histoire d'une corrélation entre isolation sociale et pensées ou pratiques suicidaires), la non-participation à une activité communautaire ou religieuse (mention du constat dans l'histoire qu'une participation hebdomadaire à des activités religieuses diminuerait de cinq fois le risque de tentative de suicide chez les femmes) ou encore le difficile traitement de maladies mentales ou physiques et l'arrivée d'un sentiment national d'anxiété (à travers la chaîne d'informations qui tourne en boucle). Si une hausse des achats d'armes à feu a déjà pu être constatée aux États-Unis depuis le début de cette crise sanitaire, ce journal de psychéatrie souligne tout de même l'existence de solutions à portée de mains pour éviter un tel drame comme le recours aux échanges à distance (numérisés ou pas), le "pulling together effect" (idée selon laquelle vivre une forte expérience ensemble peut renforcer les liens), la mise en place de chaînes télévisées visant à améliorer la santé mentale des citoyens ou encore le recours au système de consultations médicales à distance.

Djogbe FIFA a dit…

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Alexis A a dit…

J’aimerai avoir le même optimisme que vous mais il faut avouer une chose : cette période où les politiques ont le plein pouvoir ne durera pas. De plus, les mesures mises en place ne servent pas à chercher de nouvelles perspectives pour changer la société mais plutôt à sauver, à « réanimer » le système économique actuel. Comme je le vois dans les commentaires précédents : bien que cette crise a provoqué énormément de dégâts économiques, d’autres arrivent à s’enrichir malgré tout. Et on fait tout pour que cette période ne dure pas et que si elle dure, trouver des solutions pour que les entreprises tournent : le télétravail, les primes pour appâter les employés, la réouverture (prématurée ?) des écoles pour que les parents reviennent travailler. Je ne pense pas que le gouvernement agisse sans penser au système actuel, bien au contraire.

Mais ce que l’on constate, c’est qu’avant cette crise, on nous disait qu’on n’avait pas les moyens, qu’il fallait encore se serrer la ceinture. Or, en temps de « guerre », il faut croire que tout est possible même ce que l’on croyait inenvisageable comme l’effacement de la dette Africaine. Mais la question sera après cette crise, qui paiera les conséquences de toute cette « énergie » déployée ? Qui paiera véritablement le traitement face à ce virus ? Malheureusement, au vue de ce qui est dit par le gouvernement et ceux qui dirigent le système économique, je pense avoir une idée. Alors on pourrait se dire qu’on peut changer les choses individuellement, de manière isolée et c’est vrai, le confinement nous a permis de voir que les choses qu’on pensait dépassées dans notre société mondialisé (comme l’artisanat ou les producteurs locaux) se retrouvent être des moyens inestimables en ces temps de crises et donc à ne pas négliger. Le gouvernement relance et encourage les productions « made in France » et les valorisent car en cette période où les pays sont confinés entre eux, les productions locales sont plus que jamais nécessaires.

Mais là encore, est-ce que cette vision des choses perdurera après cette crise, ou bien, allons-nous tout oublier pour revenir à notre mode de (sur)consommation ? Seul le temps nous le dira mais je pense que d’un point de vue individuel, cette crise va nous montrer que d’autres voies de société sont possibles et meilleures pour garder cette « liberté retrouvée ».

chebli a dit…

Le confinement ou la liberté retrouvée ?
La vie n’est pas ailleurs, la vie est ici, il n’y a pas de réalité autre que celle que nous partageons, il n’y a pas d’autre monde que celui dans lequel on vit. Le plan transcendantal déniant les corps, la Terre au profit d’une réalité autre, d’un ailleurs où l’être existerait selon des modalités non corporelles, non temporelles propose trois mouvements restrictifs de la vie et de son expression :
1 - Avec l’idée d’une « vie ailleurs », d’une vie « plus vraie » que celle que nous avons dans les mains, dans les poumons, dans les crissements des trains, avec nos pathologies et handicaps, devant les humeurs glauques et les queues angoissantes au super marché on bascule notre existence actuelle vers un désir de sa virtualisation. On passe du monde sensible au monde de l’impensable (de l’indicible dirait Wittgenstein).
2- Ce faisant, nous posons une nouvelle hiérarchie : si la « vraie vie est ailleurs » c’est alors cet « ailleurs » qui prime, cet « ailleurs » qui produira les normes de mon quotidien. C’est au nom de cet ailleurs utopique, exaltant, infini et suspendu que mon quotidien se formera. Non dans l’expérimentation de la vie immanente, non dans la vision du monde tel qu’il est : grouillant, résistant, informe, violent …. Mais bien dans une vision de la répugnante fange face à l’éther, la lumière : l’Idée.
3- Dans une conception transcendantale, tout désir de réalisation, se posera dans cet « ailleurs »- je me réaliserais dans l’étreinte d’un Dieu aimant, dans mon existence « idéalisée » après ma mort, dans mon inscription dans l’Histoire … Pas de réalisation de soi pour soi, pas de découverte gratuite du monde, pas d’expérience pour le bonheur de l’expérience : pas de découverte du monde !
Avec Spinoza et Giordano Bruno, l’immanence pose l’idée révolutionnaire que l’on ne peut pas s’accomplir, se réaliser ou plutôt s’émanciper – atteindre une forme de bonheur – malgré le monde qui se défait en continuité et se refait tout tordu dans les interstices des ruines de l’ancien – on ne peut pas satisfaire ce que nous nous sommes (des corps) en nous rendant aveugles aux corps, on ne peut pas s’émanciper ailleurs que dans ce monde, que nous partageons.
Jean-Paul Manganaro est venu à l’université de Lille, il y a quelques années, pour parler de son travail de traducteur, d’écrivain – Ce type très poli, attentif, à grande carrure tout gris et très intimidant, nous raconte des expériences de ses travaux au théâtre, de la traduction de romans infinis sur des mois etc…. Ce qui me frappe dans son discours, est le fait qu’il parle de son corps, du mal de dos, de la fatigue, du pouce qui ne tient plus, des épaules qui lâchent, des jambes qui n’en peuvent plus, qui sont malades d’être assises. Grand type merveilleux, érudit dans une petite santé, dont le cerveau chauffe et invente des mots, des forme de locution. Il pense avec son corps, ses oreilles pour entendre chanter les langues, sa bouche de dialecticien, la douleur au dos, dans les mains et les épaules : c’est bien le chemin, la gestation de ces mots, de ces idées qui biochimiquement, neurologiquement naissent dans son corps !

chebli a dit…

« Que peut le corps ? » demandait Spinoza : et bien le corps pense, il produit l’idée et l’Idée, ainsi le mettre de côté ce serait ne plus penser !
Le danger de « la vie est ailleurs » dans une acceptation transcendantale me semble visible, des élèves ayant une capacité d’abstraction plus développée que d’autres se retrouvent dans les sections scolaires avantagées. Les métiers demandant des capacités d’abstraction sont les plus attractifs dans nos sociétés actuelles. Même en Art on se doit de conceptualiser, de faire des formes qui incarnent une pensée déterminée et acceptable sinon pas de subventions, pas de réalisation, pas de réceptivité de la dite œuvre d’art !
Le confinement dû à l’épidémie n’a pas été aussi lourd pour les familles nucléaires, les enseignants, les informaticiens, les théoriciens … Il a été difficile mais ceux qui dépendent de la Terre, ceux qui dépendent absolument de leur corps pour vivre, les danseurs, les agriculteurs, les athlètes, les schizophrènes isolés, les fous, les malades… Tous ceux qui ne peuvent plus se séparer de leur corps. Tous ceux qui ont encore besoin de leur corps pour communiquer et vivre ne vivent pas le confinement, ils essayent de le survivre avec le moins de séquelles possible.
Effectivement, une certaine liberté a été retrouvée, mais pas la liberté de tous. Si pour finir je convoque Aristote afin de reparler de la « réalisation », je reformulerais une idée dans Ethique à Nicomaque en disant que l’amitié, la justice… Tout ce qui est vertueux et vrai s’accomplit dans la relation à autrui : je ne peux pas être poli ou juste ou sincère et surtout libre hors d’une relation avec autrui, ces attributs s’accomplissent dans ma relation avec quelqu’un : dans le rapport immanent des corps.

Un pour tous et Tous pour un
(marie chebli - M1Philo Reims)

LESEINE Lucero a dit…

Monsieur,

Il y a un an (presque) que vous avez partagé cette réflexion sur votre blog… j’ai décidé de commenter cette ancienne publication pour me rappeler ce que nous avons vécu et essayer d’établir une comparaison à un an de la déclaration de la pandémie COVID-19. Malheureusement, la liberté que nous avions retrouvée a été bien éphémère, et nous avons repris nos activités quotidiennes en vue de protéger justement l’économie du pays, de le faire fonctionner un minimum… d’essayer d’éduquer les enfants de la France… il est vrai que nous sommes « contents » de retrouver la vie sociale, nos amis, peut-être même nos collègues et bien sûr notre famille de temps en temps mais vous l’avez bien dit « le retour d’un autoritarisme consenti »… cette fausse liberté, qui nous permettra peut-être de vivre comme nous l’avons connu avant le COVID, alors de temps en temps nous avons des apéritif en bouche pour nous rappeler justement « le retour de Machiavel », confinement partiel du pays, couvre-feu, limitation de brassage des élèves dans les écoles, cette fausse impression du Prince protecteur… je me demande personnellement ce qu’il nous prépare par la suite, en tout cas, nous pouvons affirmé une efficacité minimale de ce retour du politique.

Lucero
M1 Philosophie EAD

Vincent a dit…

Sur le confinement :
Pourquoi on ne peut parler d’atteinte aux libertés en pareil moment ?
Car il y a urgence, car des gens meurent et que les soignants risquent leurs vies pour en sauver. Car d’autres, qui se font vecteurs actifs, ne comprennent pas que la liberté n’est restreinte que par la nécessité de la situation.
Ils préfèrent s’indigner de voir leurs prétendus droits être limités alors que la seule chose qui est réellement mise à mal c’est leur faculté à pouvoir rester seul avec eux mêmes, à contempler leurs misérables existences gouvernés par des divertissements illusoires plus que superficiels. Alors ils bafouent les règles qu’ils ne daignent pas comprendre parce qu’après tout « on est pas en Chine, on est le pays des droits de l’homme». Mais il y a de beaux principes qu’il faut savoir replacer dans de bons contextes et ne pas les brandir comme un étendard face aux vents contraires. La liberté des uns s’arrête (ou se limite plutôt) pour que des vies soient sauvées.
Alors il faudra en tirer des leçons quand tout cela sera fini, sur la gestion politique, médiatique, financière et économique mais il faudra aussi pouvoir savoir comment lutter contre le pire des virus qui ait atteint l’humanité : la connerie.

« L’impulsion du seul appétit est esclavage, l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté » - Jean-Jacques Rousseau