Paradoxalement, c'est en travaillant, dans le cadre d'un prochain ouvrage, sur l'expérience de la cécité qu'a surgi, les mois derniers, un intérêt sérieux pour la photographie et plus généralement pour les arts picturaux. Ce n'est pas seulement que quiconque devient aveugle compense cette perte terrible par le développement d'autres facultés cognitives. Ce qu'il développe surtout, c'est une attention aiguë au monde, plus grande que celle du voyant ordinaire à qui, exception faite de l'artiste et du poete, le monde est donné, mais qu'il ne voit pas ou si peu. La photographie, tout comme la peinture et la poésie, s'efforcent de retrouver cette expérience de la présence au monde que, nous autres voyants, avons perdue autant par négligence et indifférence que par la place qu'occupent dans nos societes les abstractions réifiantes.
michelterestchenko.com
10 commentaires:
Bonjour M. Terestchenko, je ne saurais trop vous conseiller, si ce n'est déjà fait, le visionnage du film Black Sun (Gary Tarns, 2005) qui relate l'expérience de la cécité à 35 ans, d'Hugues de Montalembert, artiste peintre. L'intérêt tout spécial de ce film expérimental est qu'il tente de plonger le spectateur dans ce bouleversement du corps tout entier, grâce à des effets spéciaux visuels et la voix off. Avec une prise de conscience : cela peut arriver à tout le monde, quel qu'il soit, du jour au lendemain. Et l'on s'étonne alors que la société s'y prépare et accueille si mal puisque nous sommes tous, potentiellement, des personnes porteuses de handicap.
Quant à l'attention aigüe portée au monde, je ne connais pas de réflexion philosophique plus profonde que celle de la philosophe Simone Weil (cf par exemple Joël Janniaud, Simone Weil, l'attention et l'action,PUF, 2002). Je lirai avec plaisir et profit le fruit de vos réflexions. Bien cordialement, Ingrid S.
Lorsque l’on perd un sens, les autres se développent pour compenser cette perte. Il n’y a pas nécessairement besoin d’en perdre un pour pouvoir les développer. La photographie serait une sorte d’extension de tous les sens. Au travers d’un objectif, l’œil observe une scène, se concentre sur un ou plusieurs détails ; l’ouïe se retrouve à être attentif à ce qui l’entoure afin de capturer au travers de l’œil, cet instant dont on se souviendra. Le toucher s’applique à prendre en compte le bon angle, le bon cadrage, la bonne lumière, tout comme le fait l’œil, qui est au centre de cet exercice. Selon le cadre où l’on se trouve, l’odorat aura un impact sur notre vision du paysage qui se trouve devant nous. Une brise, l’odeur de l’herbe, le sel de la mer qui nous frappe. Alors, on pourrait penser que le goût n’intervient pas mais si l’on concentre sur l’instant présent, que l’on rassemble tous nos sens primaires en un, alors la scène devant le photographe aura un goût. Un panorama pourra offrir un goût sucré, des falaises un goût vinaigré, la montagne nous fera penser à la petite douceur que nous goûtions en cachette chez nos grands-parents. Au-delà de rassembler les sens, la photographie offre une réflexion sur le temps. Le temps s’arrête parce que la concentration l’exige, parce que nos sens l’exigent. Celui qui nous accompagne durant notre capture spatio-temporelle se retrouvera à observer le temps qui s’arrête. Il n’en saura rien puisqu’il est le spectateur inactif. Il nous verra être stoïque, à attendre le moment opportun pour appuyer sur le déclencheur, notre gâchette à instant. Il soufflera, s’impatientera, mais nous, nous continuerons à prendre notre temps. A aimer jouer avec le monde, à prendre ce qui lui appartient mais à lui rendre le plus bel hommage qu’il soit : l’instant présent.
La cécité fait perdre un de ces sens mais les vivants qui ne le possède pas, perd-il vraiment quelque chose d’utile ? Si les sens, entre eux, savent se compenser, alors en quoi pouvons-nous parler de perte, de non-fonctionnement. Il serait certainement mal venu d’affirmer que le monde est fait pour être regardé. L’exploration, la découverte, passent-elles nécessairement par les yeux ? Où se trouve les bruits du frottement des feuilles ? de la sensation de présence autour de soi ? des vagues qui claquent notre peau ? Tout ce qui nous entoure ne passe pas par cette nécessité de « voir ». N’est-ce pas notre vision du monde qui nous a rendu la vue obligatoire ? Voir avec les oreilles se trouve être beaucoup plus révélateur que d’entendre avec les yeux. Mais là, encore, n’y a-t-il pas un trop gros zoom sur un autre sens, les mots ne révèlent rien car injustes par rapport à nos pensées, à nos images dans nos esprits. Un jour, sera-t-il possible de voir plus loin que ce que nous connaissons dans cette réalité ? Si tout doit prendre appui sur cela, alors, il deviendrait urgent de nous retenir de compter sur ces derniers.
Ça a commencé par de petits malentendus après lesquels il m'a dit que ce serait bien de faire une pause, qui je pense s'est transformée en rupture. Il ne me cherche plus. Cela me rendait triste parce que nous étions ensemble depuis le lycée et qu'il était mon premier et unique amour. J'ai cherché de l'aide partout sur Internet, puis j'ai vu tant de personnes publier des témoignages sur le Dr DAWN, j'ai eu son contact via l'un des commentaires et j'ai parlé avec lui de ma situation et il a expliqué le processus de réconciliation et comment il va m'aider se réconcilier avec lui en trois jours. Cela fait exactement 3 mois que je l'ai contacté maintenant et tout était parfait et je devais poster ceci car il mérite tous les bons mots pour m'aider.
Il est WhatsApp : +2349046229159
Courriel : dawnacuna314@gmail.com
Bonjour Monsieur Tereschenko, ce que vous avez écrit m'a fait penser à la surprenante cécité que nôtre conscience développe dès que nous agissons dans ce que nous pouvons appeler nôtre "abitus". Comme vous l'avez dit, l'art est une fenêtre qui s'ouvre sur ce qui est présent devant nous mais que nous ne voyons pas, comme si un voile fin mais invisible rendait flou ce qui nous entourent. Je retrouve ce sentiment devant la peinture de Gustave Caillebotte (1848-1894), "Le Pont de l'Europe" qui représente simplement le pont du point de vue d'un passant ; on se surprend à regarder en détaille la barrière d'acier et les grands pylône soutenant le pont ; chose qu'y, en dehors de l'œuvre d'art, nous aurait été invisible.
Cette capacité de l'art à rendre visible l'invisible et criant sur le fonctionnement propre à notre esprit, j'y perçois d'ailleurs un parallèle avec les différentes branches de la science et de la philosophie. La physique, la chimie, la philosophie morale ou écologique, comme pour l'art ou la photographie ; cela permet de recentrer notre attention sur des détails, sur le réel, sur le qui "est" sans que l'on s'en "aperçoivent".
L'un des exemples les plus criant dans la photographie est à mon sens celui de l'artiste Christo (1935-2020) et de sa femme Jeanne-Claude (1935-2009) qui on emballer le Pont-Neuf à Paris du 22 septembre au 7 octobre 1985. Même si ce n'était pas l'initiative de l'artiste, de nombreuses photographies du pont ont perduré jusqu'à aujourd'hui. Cet exemple démontre d'une double cécité et d'un double dévoilement par le voilage du pont. Tout d'abord, Christo à permit de rendre véritablement visible de Pont-Neuf permettant au passant de le voir de nouveau, de s’attarder sur lui ; et la photographie permit de rendre son œuvre disparu, devenu invisible de paraître, comme un fantôme, et de perpétuer l'accès à une réalité bien présente mais tout simplement oubliée.
Dans La pensée et le mouvant (PUF Quadrige 1990 p 149-150), Bergson compare l’œuvre d’art à cette image qu’on trempe dans le bain dans les laboratoires photographiques où l’image se révèle. L’art révèle ce que l’on voit quotidiennement sans le voir vraiment : il est une lumière qui est mise sur les choses qui ordinairement passent inaperçues.
Paul Eluard a intitulé son recueil de poésies sur la peinture « Donner à voir ». Pourquoi ce titre ? Qu’est-ce que le peintre donne à voir ? La peinture élève-t-elle au rang d’œuvre un visible déjà vu ? La peinture serait alors une imitation ou une reproduction. La tâche de la peinture n’est-il pas plutôt de présenter ce qui sans elle échapperait au regard. La question est alors de déterminer ce que l’œuvre donne au spectateur si elle ne prétend plus restituer un visible déjà vu. Plusieurs réponses ont été apportées. Parmi elles, celle de l’art symbolique qui vise à rendre sensible l’intelligible (Kant et la théorie des hypotyposes dans le paragraphe 59 de la Critique de faculté de juger, Hegel et l’art égyptien…). La visée de l’art abstrait est autre : libérer des affects éprouvés à l’occasion des matériaux picturaux que sont la couleur et le trait (art théorisé par Kandinski dans Point, ligne, plan). Il faut dire de la peinture non figurative ainsi comprise ce que Platon déclare de la dialectique : elle est un long détour. En la voyant, nous réapprenons à voir. La peinture est réussie quand elle modifie notre regard et notre conduite, quand elle est invitation à être attentif à ce que nous ne posons pas, quand elle nous enjoint à être sensible à d’autres présences ou au monde comme présence. Eluard dit ainsi de Picasso (Donner à voir, éditions Gallimard, 1939, page 92) que « cet homme tenait en main la clef fragile du problème de la réalité. Il s’agissait pour lui de voir ce qui voit, de libérer la vision, d’atteindre à la voyance. »
Bonjour Monsieur,
Merci beaucoup pour le partage de cette réflexion que je trouve très intéressante et qui a fait écho en moi. Récemment, j’ai en effet pris conscience d’une certaine forme de perte d’attention au monde, je me suis rendu compte, comme vous le dites, de ma propre cécité au monde.
J’ai eu la chance en 2021 d’avoir une fille et c’est elle qui m’a amené à cette prise de conscience. L’expérience peut paraitre triviale, mais elle n’en pas été moins révélatrice pour moi. Un des premiers mots qu’a su prononcer ma fille est le mot « chien ». Nos promenades ont ainsi très rapidement été rythmées par des cris émerveillés de ma fille, pointant du doigt les chiens que nous croisions dans la rue et gazouillant le mot chien. A chacune de ces rencontres canines, ma fille devenait littéralement folle de joie et celles-ci s’accompagnaient immanquablement de discussions avec les maître.sse.s des chiens. A l’issue de quelques promenades, je repensai à ces situations et pris conscience non seulement qu’il y avait beaucoup de chiens à Paris, mais surtout que je ne les voyais plus, que je n’y faisais pas attention – sans ma fille je ne les aurais sans doute pas remarqués – et que leur rencontre ne me procurait plus aucun bonheur, ni aucune surprise. Les chiens étaient devenus pour moi invisibles dans la ville et sans intérêt. A l’inverse, ma fille les remarquait toujours, elle semblait comme surprise de rencontrer de tels êtres, était émerveillée de les voir bouger et émettre des sons, ce qui la remplissait de joie. Mais cette prise de conscience de ma propre cécité canine ne s’arrêtait bien sûr pas là et ma fille continua à plusieurs reprises de me faire constater une perte d’attention plus globale au monde, associée à une perte d’émerveillement au monde et aux choses. Cette cécité n’était d’ailleurs pas uniquement visuelle, mais partagée par tous mes sens : cécité auditive – je ne faisais plus attention aux chants des oiseaux dans certaines rues de Paris – ; cécité du toucher – je ne me rendais plus compte du caractère doux ou rêche de certains tissus de mes vêtements – pour ne prendre que quelques exemples.
Je dis perte d’attention au monde car je pense comme vous le dites, que j’ai eu autrefois cette attention au monde, celle que ma fille possède encore, mais que je l’ai malheureusement perdue, comme la majorité d’entre nous sans doute.
Ce phénomène d’attention limitée est bien connu des sciences comportementales qui le qualifient de cécité d’inattention (inattentional blindness en anglais). L’expérience du gorille invisible menée par Daniel Simons et Christopher Chabris est un exemple très connu de la mise en évidence de notre attention sélective. Dans une vidéo (https://www.youtube.com/watch?v=vJG698U2Mvo), nous sommes invités à compter le nombre de passes réalisées par un joueur de basket, ce qui nous rend invisible la traversée de l’écran par un individu déguisé en gorille. L’attention spécifique que nous portons à certains éléments ou à l’application d’une tâche, nous amène à sélectionner les informations auxquelles nous faisons attention. Nous limitons notre attention à certaines parties du monde et le reste nous est invisible.
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On trouve aussi des développements de ce phénomène dans les théories du traitement de l’information et du contrôle de l’interférence. Nous serions soumis en permanence à plus de dix millions de bits d’informations sensorielles par seconde alors que nous ne serions capables de traiter de façon consciente qu’environ quarante bits par secondes. Ces théories suggèrent que nos ressources attentionnelles sont limitées, nous imposant d’allouer notre attention à certaines tâches et à certains éléments du monde seulement.
Les neurosciences s’intéressent aussi à ce phénomène. On peut ainsi lire dans Le vieillissement neurodégénératif, 2018, Elsevier Masson que « les processus de sélection permettent à un individu de favoriser le traitement cognitif de stimuli ou de pensées ciblés et pertinents, au détriment d’autres stimuli ou pensées (Harris, Thiele, 2011). Les processus de contrôle permettent la gestion des ressources cognitives nécessaires pour réaliser avec efficacité des actions volontaires, en opposition aux comportements automatiques qui ne requièrent aucune attention (Rueda et al., 2015). » Enfin certains travaux (washington.edu/news/2005/12/01/specialized-neurons-allow-the-brain-to-focus-on-novel-sounds/) ont montré l’existence de neurones dans le cerveau qui se « focalisent exclusivement sur les sons nouveaux, aidant les humains et les autres animaux à ignorer les sons prévisibles ou continus ». Notre cerveau serait ainsi conçu pour se focaliser uniquement sur certains stimuli importants, en vue de la réalisation plus efficace d’une tâche ou afin de faire davantage attention aux éléments inattendus ou nouveaux qui pourraient présenter un danger.
Malheureusement, la nouveauté prend rapidement fin et ma fille ne porte déjà plus guère d’attention aux chiens que nous croisons maintenant dans la rue. La nouveauté semble devenir habitude et l’habitude désintérêt.
Mais il ne tient qu’à nous de changer cela. Je fais maintenant attention aux chiens. A nouveau, je les remarque dans la rue et y porte attention. Il ne tient qu’à nous de focaliser notre attention sur ce qui est présent devant nous, d’être réellement dans le monde et uniquement là. Notre volonté a le pouvoir de modifier notre attention, d’imposer à notre attention le sujet de son attention. Si d’instinct notre attention est portée vers l’essentiel, vers la tâche qui nous occupe, n’est-il pas salutaire d’interrompre parfois ce processus par la volonté. De ne faire attention à rien, ou plutôt au monde qui nous entoure, ce qui n’est pas rien ! Ceci afin de retrouver une attention accrue au monde, de voir ce monde qui nous entoure et que nous ne voyons plus ou de façon incomplète : cette mosaïque curieuse sur le mur d’un immeuble proche de chez moi, les fleurs magnifiques dans les arbres de la rue, la vibration du métro qui passe sous nos pas quand nous marchons, un air de musique joué par l’accordéoniste en face du supermarché.
Reprendre le pouvoir sur notre attention, retrouver l’expérience du monde, me parait essentiel à plusieurs points de vue. C’est d’abord l’opportunité de retrouver notre capacité à l’émerveillement et à la joie qui l’accompagne. Cet émerveillement et cette joie qu’avait ma fille en voyant les chiens. C’est passer d’un monde d’habitude à un monde de découvertes et de curiosités. C’est retrouver la richesse du monde.
Enfin, je pense que c’est aussi essentiel pour retrouver le souci des autres, s’ouvrir à nouveau aux autres. Nous vivons habituellement dans notre propre bulle d’attention, dans laquelle les autres sont généralement exclus, à l’exception bien sûr de nos proches les plus proches. Reprendre le contrôle de notre attention nous permet au contraire de revoir les autres, nos proches les moins proches mais aussi ces autres que nous ne connaissons pas et parmi lesquels nous vivons pourtant. Grâce à ma fille, je n’ai jamais autant parlé à mes voisins, aux passants dans la rue et bien sûr aux maître.sse.s de chiens !
Il est vrai que la photographie, la peinture, la poésie, ou plutôt l'Art en général fait preuve d'une attention aigüe pour le monde. L'Art semble présenter une façon toute à fait nouvelle de concevoir le monde - si nous posons côte à côte une photographie d'un paysage, et la "vision" de ce même paysage tel que nous le concevons habituellement, nous serions sans doute frappés par leur différence profonde, nous amenant à préférer la photographie plutôt que le paysage lui même, car celle-ci serait "plus belle". Mais finalement la différence entre "l'oeuvre d'art" et la "réalité" ne fait que profondément souligner notre déficience visuelle à tous.
Certains disent que les artistes inventent des choses extravagantes, irréelles; ils sont incompris et parfois même méprisés. Mais au final, ce sont bien les photographes, les peintres et autres artistes, qui sont davantage proches du réel ou dans le réel, que l'ensemble des hommes. La véritable question est : comment sommes nous devenus aveugles, au point de ne même plus reconnaître la "vraie réalité" et critiquer ceux qui la recherchent ?
Si l'on s'appuie sur les arguments de Bergson dans "Le Rire", notre principale erreur a été de devenir des "machines". Nous sommes coincés dans une conception de la "vie" et de la "réalité" entièrement fondée sur l'efficacité optimale : pour qu'une société soit efficace il faut faire ceci ou cela, pour que des hommes puissent s'approcher d'un "mieux-vivre" il faut faire ceci ou cela... On raisonne comme des machines, tout est un calcul d'efficacité. Et au 21e siècle, dans un monde où l'argent, la mondialisation et l'industrialisation sont à leur apogée, ne pouvons nous pas dire que nous sommes tous bloqués dans ce cercle machinal truquant la réalité comme simple affaire d'efficacité ?
Les hommes finissent tous par être bornés, oubliant ce qu'est une vie et le monde qui l'entoure. Finalement sans la photographie, les dessins ou la peinture - en somme sans l'Art et ses artistes - nous n'aurions peut-être jamais pu voir le monde dans sa véritable apparence - intense, dynamique et merveilleux. Mais même quand les artistes nous offrent une leçons de vie, nous continuons à les pointer du doigt.
Il serait peut-être de temps d'ouvrir les yeux, de soigner notre cécité, prendre l'Art comme modèle, et enfin voir à quoi ressemble notre monde et ce qui le compose.
Le pouvoir de ses abstractions réifiantes de nos sociétés ne sont elles permises que par notre habitude de voir ? Ces habitudes de la vision, ne nous rendent-il pas paradoxalement "aveugle" à la beauté, au monde, à la beauté du monde ?
Dans les rapports avec autrui, l'expérience du regard est une expérience fondamentale qui définit notre relation à l'autre. Il est l'expérience d'être vu par un autre et d'être perçu comme objet par cet autre. Le regard est donc une expérience d'objectivation, où notre être est transformé en objet pour l'autre. Cette expérience peut être ressentie comme oppressante ou aliénante, car elle limite notre liberté et notre subjectivité en nous réduisant à un objet pour autrui.
Cependant, le regard pas uniquement une expérience uniquement négative. En fait, le regard est aussi une occasion de se constituer comme sujet en se confrontant à l'autre. En regardant l'autre, je peux reconnaître sa subjectivité et sa liberté, et ainsi reconnaître mon propre statut de sujet libre. Le regard peut donc être l'occasion d'un échange mutuel, où chacun peut se constituer comme sujet en reconnaissant la subjectivité de l'autre. Le regard a une importance dans la construction de l'identité. Le regard de l'autre peut nous aider à nous percevoir nous-mêmes, à découvrir nos propres limites et à construire notre identité en relation avec les autres. Ainsi, le regard de l'autre est une partie essentielle de la construction de soi et de notre rapport au monde.
Celui qui voit peut donc s’enorgueillir de la reconnaissance des autres, des regards qui se tourne vers lui quand il passe quelque part s'il est habillé de toutes les parures qui sont socialement vues et jugées comme ayant de la valeur. Ainsi, cette société paraît n’être qu’une société du spectacle ou nous sommes noyé dans notre propre reflet. Le regard et ses habitudes nous ont donné trop d’arrogance, nous sommes des narcisse modernes pour qui la beauté de l’être des choses ce n’est que ce que l’on en voit. Être vu avec de tels trophées nous rassure dans notre identité que l’on pensera alors stable et fixe comme une statue a notre effigie.
Peut-on alors dans ce cas dire que ceux qui souffrent de cécité sont non seulement diminué dans l’usage d’un de leur sens, mais aussi dans leur façon de se voir soi-même ? Peut-on alors dans ce cas dire que ceux qui souffrent de cécité sont non seulement diminué dans l’usage d’un de leur sens, mais aussi dans leur façon de se voir soi-même ?
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Au contraire, loin d’être un handicap, la cécité est une faculté, une force, un talent. En réalité, un grand nombre d’entre nous sommes les esclaves de l’image et de ses présupposés pendant qu'eux sont les véritables "voyants" dont nous devrions nous inspirer pour exorciser nos illusions d’optique. Selon la tradition grecque, les aveugles étaient souvent considérés comme des personnes qui avaient un don de clairvoyance ou de prescience, en raison de leur incapacité pour voir les choses matérielles et physiques. Les aveugles étaient donc considérés comme ayant une capacité accrue à percevoir les aspects spirituels et métaphysiques de la réalité. Dans le cas de Tirésias, le voyant qui conseille Œdipe dans Œdipe Roi de Sophocle, son aveuglement symbolise sa sagesse et sa capacité à "voir" les vérités cachées et les mystères de la vie. Tirésias est capable de prédire l'avenir et de révéler des vérités cachées à Œdipe, même si Œdipe ne veut pas les entendre. Le fait que Tirésias soit aveugle souligne également la notion que la véritable clairvoyance et la sagesse ne viennent pas de la perception physique, mais plutôt de la perception intellectuelle et spirituelle. L'aveuglement de Tirésias dans Œdipe Roi est une représentation symbolique de sa sagesse et de sa capacité à voir au-delà des apparences physiques pour percevoir les vérités cachées.
On perçois aussi pour cela que dans le mythe grec de Psyché et Éros: Psyché a rencontré Éros dans l'obscurité parce qu’Éros ne voulait pas être vu par elle. En effet, Éros était un dieu et avait peur que si Psyché le voyait, elle ne soit effrayée par sa beauté ou qu'elle ne soit pas capable de le reconnaître sous sa véritable forme. Dans le mythe, Éros avait été envoyé par sa mère Aphrodite pour punir Psyché, qui avait été qualifiée de plus belle que la déesse elle-même. Cependant, Éros est tombé amoureux de Psyché et a décidé de l'aider plutôt que de la punir. Il a donc demandé à Psyché de ne jamais essayer de le voir dans la lumière, mais de le rencontrer seulement dans l'obscurité. Ainsi, Psyché a été obligée de rencontrer Éros dans l'obscurité, sans savoir à quoi il ressemblait. Cette rencontre symbolise que le véritable amour est aveugle aux illusions de la vue, car il est basé sur des qualités intérieures plutôt que sur des apparences physiques. On peut donc dire que l'amour véritable ne se base pas seulement sur l'apparence physique, mais qu'il est plutôt fondé sur les qualités intérieures de l'être aimé, comme la personnalité, les valeurs, les intérêts communs, etc, que l’on peut définir comme le sens de l’être.
En définitive, si comme le disait Anaïs Nin « On ne vois pas les choses telles qu'elles sont, on les voit telles que nous sommes » il faut alors se dessaisir de cette vision de soi-même pour atteindre la beauté du monde, il faut se dessaisir de la vision, du point de vue ordinaire pour atteindre le sens du monde, et la figure de l’aveugle peut nous inspirer en ce sens.
Ludovic J.
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