On se forme l'esprit et le sentiment par les conversations, Pascal

jeudi 16 juillet 2009

Hannah Arendt

Hannah Arendt donna fort peu d'interviews télévisées. Celle qu'elle accorda à Roger Ferrara en 1974, un an avant sa mort, est donc d'autant plus précieuse. Elle y évoque brièvement certains des thèmes principaux de sa pensée politique : sa critique du nationalisme et de l'Etat-nation, son attachement à la pluralité des opinions, liée au refus d'une conception de la démocratie fondée sur le principe du vote majoritaire (conduisant à l'éviction des minorités), l'importance dans le système républicain des Etats-Unis de la Constitution, dont le premier but, explicitement poursuivi par les Pères fondateurs, est d'éviter l'apparition d'une tyrannie de l'exécutif.
A l'époque, l'oeuvre d'Hannah Arendt était fort peu connue en France. Seul son livre Eichmann à Jérusalem avait été lu, ayant déclenché, ici comme aux Etats-Unis, une vive polémique, en particulier dans Le Nouvel Observateur, mais pour le reste, il fallut encore presque deux décennies pour que sa pensée soit reconnue comme étant l'une des plus importantes contributions à la philosophie politique du XXe siècle.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour,

J'ai lu récemment "Qu'est-ce que la politique ?" de Arendt. Quel dommage qu'elle n'ait pas terminé ce qu'elle avait entrepris. Lorsqu'elle condamne "L'état nation", cela me fait penser à la distinction qu'elle fait entre les Grecs et les Romains dans leur manière de concevoir la politique. Les romains sont "ouverts" sur le monde alors que les grecs "fermés" dans leur cité. L'universalisme est du côté des romains et non des grecs (je résume à la hache). Avons-nous hérité davantage des Grecs en concevant l'état nation ? La guerre ainsi ne peut trouver d'issue si ce n'est en exterminant l'adversaire. Ce que les romains ne faisaient jamais, préférant le "contrat" plutôt que la soumission de la cité conquise. Bien à vous.

michel terestchenko a dit…

L'Etat nation n'est pas vraiment un héritage grec. C'est une construction, comme vous le savez, bien plus "moderne", liée à tout un processus de centralisation du pouvoir royal et de mise au pas de l'aristocratie féodale.
Vous avez raison, ce livre inachevé d'Arendt est essentiel de bout en bout pour la connaissance de sa pensée.
Merci de votre confiance.
Avez vous lu l'excellente biographie d'Arendt par Elisabeth Young Bruehl ?

Anonyme a dit…

Vous distinguez l'état-cité de l'état-nation ? Dans son sens moderne peut-être mais au fond la cité grecque ne ressemble-t-elle pas à la cité de Hobbes ? C'est peut être encore plus vrai chez Rousseau et son modèle spartiate ou genevois. quand je vois la difficulté à faire de l'Europe quelque chose de commun, c'est ici qu'on sent les limites et le poids de l'état nation. Les Américains sont ils plus romains que nous ? Merci pour votre conseil de lecture.

michel terestchenko a dit…

Oui, c'était exactement l'espoir d'Arent : une fédération européenne qui ne soit pas une fédération de nations, mais plutôt une communauté sur le modèle du gouvernement fédéral américain, qu'elle louait pour ses vertus républicaines. Elle s'inscrit, pas de doute, dans la grande tradition du républicanisme civique classique, dont elle voyait une expression moderne dans les soviets d'avant la Révolution bolchévique ou dans la révolution hongroise de 1956. De là aussi ses réserves - dans l'entretien par exemple - à l'endroit du systéme politique et constitutionnel français.