On se forme l'esprit et le sentiment par les conversations, Pascal

samedi 6 mars 2010

Ce que c'est de ne pas avoir l'esprit économique !

" - Tu as fait là une grosse erreur, lui fit observer Louisa.
- Oui, Miss Louisa, je le sais maintenant. Alors M. M'Choakumchild a dit qu'il fallait encore me mettre à l'épreuve. Et il a repris : "Mettons que cette salle de classe soit une ville immense et qu'elle contienne un million d'habitants, dont vingt-cinq seulement meurent de faim dans la rue au cours d'une année. Quelle remarque avez-vous à faire sur cette proportion ?" Et ma remarque fut, car je n'ai pas pu en trouver de meilleure, qu'à mon idée c'était tout aussi dur pour ceux qui mourraient de faim s'il y avait un million d'habitants ou un million de millions. Et c'était faux aussi.
- Naturellement.
- Alors Mr M'Choakumchild a dit qu'il allait encore me mettre à l'épreuve et il a dit : "Voici les estatiques..."
- Statistiques.
- Oui, Miss Louisa, ça c'est encore une de mes erreurs... les statistiques des accidents en mer. Et je vois, a dit Mr M'Choakumchild, que sur cent mille personnes ayant entrepris de grandes traversées, cinq seulement se sont noyées ou ont péri carbonisées. Quelle est la valeur de ce pourcentage ? Et j'ai répondu, Miss - là-dessus Sissy éclata en sanglots comme si elle confessait avec contrition sa plus grave erreur - j'ai répondu que cette valeur était nulle.
- Nulle, Sissy ?
- Nulle pour les parents et les amis de ceux qui étaient morts. Je n'apprendrai jamais, dit Sissy".

Charles Dickens, Temps difficiles, trad. Andhrée Vaillant, coll. Folio, Gallimard, 1985, chap. IX, p. 94-95.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

J'avais posté ce commentaire sur le fil consacré à la vidéo sur Alain Caillé mais il semblerait que, bien que vous soyez passé ce jour sur votre blog, cela vous ait échappé.

Il y est toujours. Si vous désirez me répondre, faites-le sur le bon fil, effacez ce message-ci et pardonnez-moi cette intrusion sur ce fil...

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Bonjour Monsieur Terestchenko

C'est la passionnante lecture de votre livre "Un si fragile vernis d'humanité" qui m'amène vers votre blog.

Merci pour cette vidéo qui me permet de renouer un fil de pensée avec Alain Caillé que j'apprécie depuis très longtemps. Mais où est la partie 1 ?

D'autre part avez-vous une adresse-mail PUBLIQUE vers laquelle je pourrais m'adresser à nouveau à lui ?

PS : Jolie brin de fille que vous avez là ! Félicitations !

michel terestchenko a dit…

Vous pouvez le contacter en vous rendant sur le site de la Revue du Mauss.
Merci de votre commentaire élogieux.

Elisa a dit…

Le nom du professeur dit déjà tous. C'est ca aussi qu'on aime chez Dickens...