Si à la question qu'est-ce que l'art? La philosophie répond: une forme de création, de description du monde, de sons champ visible et invisible. Le grand art serait alors la forme, la pratique artistique la plus aboutie dans ce domaine. Si il y a donc hiérarchie en art, il y en a également en philosophie et en sciences. L'histoire de l'art à été écrite par les critiques de l'art. Ainsi Delacroix devient canonique longtemps après son refus (salon des refusés 1836) grâce à Victor Hugo et à Baudelaire. Baudelaire condamne la photographie et refuse son entrée dans les lieux dédiés à l'art. De la même manière le Jazz est condamné par Adorno, le cinéma muet condamne le cinéma parlant et on assiste au désir de maintient des disciplines artistiques telles qu'elles sont, telles qu'on les a défini, dans une certaine "grandeur". Orson Welles ou Alfred Hitchcock sont les grands cinéastes d'Hollywood. En réalité ils ne sont pas plus "grands" au sens d'inventif, que d'autres. Ils ont toutefois la plus grande part de visibilité, de reconnaissance dans l'Histoire du cinéma. De même que cette Histoire à oublié le rôle des femmes et leurs inventions et réalisation, nous pouvons dire que ce qui est élu comme "grand" dans ces disciplines est une "valeur" et non une "vérité". Ici nous convoquons Nietzsche.
Ainsi le "grand art" ne pose aucunement une description d'une pratique artistique, mais présuppose l'art correct, bon, abouti, comme celui qui vient réaffirmer des valeurs sociales qui réconfortent l'établissement d'une puissance gouvernante (les critiques d'art par exemple, Platon face aux copies et au simulacre en peinture...).
"Ecrire comme on peint avec l'aisance et la spontanéité du maître qui tire le bambou d'un trait, des deux mains et les yeux fermés." Cette phrase nous fait penser à Picasso dans le film de Clouzot: Le mystère Picasso, ce dernier peint avec une assurance désarmante. Il peint et repeint sur sa toile, déformant et reformant le tableau sans aucune pitié pour ce qu'il vient de faire naître et ce qu'il détruit. Il peint comme on dévore et on se ressert d'une autre assiette. Deux choses nous frappent: pas de temps mort et de la violence. l'acte de peindre en réalité n'est pas défini par la technique picturale spontanée de Picasso mais par ce qui est prépictural. le prépictural est une idée de Deleuze (cours sur la peinture).
En observant des combats d'art- martiaux, où voltigent avec une certaine économie de mouvement les combattants, sans temps mort et avec élan de force, on est frappé par ce qu'on ne voit pas. Ce qui permet un beau combat sans temps mort et avec une attaque c'est ce qui précède le combat.
Peut-être alors que la formule: "Ecrire comme on peint avec l'aisance et la spontanéité du maître qui tire le bambou d'un trait, des deux mains et les yeux fermés." vient assurer que l'expérience artistique spontanée est le fruit d'un travail pré-artistique fondamental et constant. De même lorsque sur les tatamis nous nous voyons combattre dans un état second, sans "réfléchir", de même qu'un photographe est dit d'avoir "un compas dans l’œil", l'art est ici le fruit révélé d'une discipline.
"Ecrire comme on peint", et non peindre comme on écrit : assigner à l'écriture les qualités de la peinture, c'est affirmer que l'écriture est un art, chose que je ne pourrai jamais nier. Ici, c'est alors la peinture qui est fondement de l'exercice de l'écriture. La peinture, se caractérisant comme un art, une activité artistique nécessitant le(s) geste(s) d'un sujet s'établissant grâce au médium d'une matière, la peinture. Ecrire, c'est transmettre un sens, mais n'implique pas nécessairement une esthétique, notamment lorsqu'il s'agit d'un discours à portée uniquement informative. Or, pouvons-nous déterminer que l'art réalise toujours de la beauté ? Nous pourrions nous poser la question suivante : L'art rend-il le monde plus beau ?
L’art exerce-t-il un effet transformateur sur le monde ? L’art a-t-il effectivement le pouvoir d’exercer un effet transformateur sur celui-ci? Le sujet ici présent, en usant de l’adverbe de quantité « plus », part du principe que le monde est déjà beau. La question posée n’est pas de savoir si l’art rend le monde beau, s’il est l’élément qui offre la beauté au monde, mais si cette activité améliore, perfectionne la beauté du monde. Nous partons en effet du principe que la beauté est déjà une qualité du monde, et nous nous demandons si l’art a un effet transformateur sur la quantité de beauté inhérente au monde. Etablir une réponse à cette question implique la nécessité de comprendre avant tout la signification de ses termes. Tout d’abord, le monde est l’ensemble des phénomènes physiques regroupés dans l’idée générale que nous détenons de notre planète, autrement dit, le monde est synonyme de la nature. Si l’art perfectionne le monde, s’il a la puissance de transformer l’état qualitatif de la nature, cela impliquerait une supériorité ontologique du premier sur la dernière. Or, la nature n’est-elle pas la beauté même, autrement dit ne détient-elle pas le niveau de beauté suprême ? Serait-il prétentieux de vouloir améliorer la beauté de la source même de la vision esthétique de l’artiste ? Tout de même, il paraît évident, d’un autre côté, que l’art créé effectivement du beau. Nous avons d’ailleurs tous le sentiment de ce que représente le beau, néanmoins, le définir clairement est une tâche qui semble relever d’un travail ardu. Il existe, malgré la difficulté inhérente à cette notion, deux courants généraux de définition du beau, adjectif du nom « beauté ». Le premier considère la beauté comme élément distinct de toute subjectivité, c’est-à-dire signifiant objectivement, sans qu’aucun sujet ne soit nécessaire pour la mettre en exergue. La beauté répond à ses règles. La seconde conception générale consiste en l’idée que le beau existe en fonction de la subjectivité d’un homme, autrement dit la beauté est une affaire proprement humaine, dépendant du regard de chaque homme. Dans ce cas, ce ne sont pas des règles extérieures au sujet qui la définissent, mais bien celui-ci. Dans la lignée du premier type de conception de la beauté, celle-ci est généralement admise comme répondant aux critères de l’ordre et de l’harmonie. Au sein du dialogue de Platon intitulé « Philèbe », la signification du beau est offerte à travers cet énoncé : « Partout mesure et proportion ont pour résultat de produire la beauté et quelque excellence ». Si l’art offre une quantité supplémentaire de beauté au monde, c'est une problématique qui comprend également celle de savoir si la beauté du monde est diminuée par l’art. Ce regard critique sur l’art est celui qu’intègre Platon, à l’inverse d’Aristote qui détermine que l’absence de l’art ne permet pas le perfectionnement de la beauté du monde.
Alors écrire comme on peint, c'est apporter une qualification à l'écriture qui lui est extérieure. Cela engendrera-t-il une esthétique plus effervescente au sein du monde ?
La calligraphie peut-elle être nommée « le grand art » ?
La citation au ton de haïku « Ecrire comme on peint avec l'aisance et la spontanéité du maître qui tire le bambou d'un trait, des deux mains et les yeux fermés. » évoque le geste recherché dans la calligraphie.
En effet, dans la calligraphie chinoise, le lettré qui réalise son œuvre doit tendre à peindre sans poser son poignet sur la table. Il recherche à passer dans son pinceau son intellect et à transcrire sur la feuille le motif par « l’Unique Trait de Pinceau ». Se faisant, il « lie l’Un à l’Universel » et réalise ce vers quoi les traditions philosophiques chinoises tendent.
Cette recherche de l’absolu dans la calligraphie mais aussi dans la peinture de paysage chinoise est théorisée dans « les Propos sur la peinture » de Shi Tao. Ce philosophe-peintre Chinois de la fin du XVIIème siècle écrit un traité sur la peinture qui peut être appliqué à un second art comme l’illustre cette citation : « C'est pourquoi ma théorie embrasse conjointement la calligraphie . » Or la comparaison « écrire comme on peint » ainsi qu’un traité sur la peinture transposable à la calligraphie, ces deux indices ne laisseraient-ils pas entendre que le geste pictural supplanterait le geste scriptural dans une hiérarchie des arts ?
Le premier argument à opposer à cette proposition est à trouver dans la philosophie théorisée par Shi Tao. Comme le précise Pierre Ryckmans dans ses notes, Shi Tao rassemble dans « L’Unique Trait de Pinceau » différentes traditions chinoises issues du Tao et de Confucius notamment. Ainsi on peut lire dans une note sur le Chapitre I « par le truchement du concept de l’Un, Shi Tao forge un principe syncrétique, récupérant les données fondamentales de la philosophie chinoise ». C’est plus une question de syncrétisme qu’une question de hiérarchie. Les différents arts tendent par une pratique hautement réglée à transposer par le geste la pensée. Ce n’est pas tellement le choix de l’art qui crée sa valeur que sa compréhension, sa maîtrise. La recherche de la voie vers la transcription de l’universel, lequel regroupe les opposés dans un même mouvement, supplante le classement.
Le second argument est à rechercher dans notre perception occidentale de la calligraphie. En effet, ce que nous retenons de cette pratique est souvent sa capacité à allier l’écriture à la peinture ce qui peut nous apparaître comme un accès privilégié vers la traduction parfaite de la pensée. Le médium du bambou s’entendrait ainsi comme une passerelle entre ce que l’on souhaite exprimer et ce que l’on exprime. Les mots, la grammaire, la syntaxe paraissent parfois empêcher la compréhension et la calligraphie faciliterait en ce sens la transcription. Dans son essai « L’Homme sans image », Agnès Minazzoli précise ce point : « notre propos ne devrait rien perdre de cette forme humaine. Il devrait en relever les moindres traits et tous les mouvements, les mots s’ajoutant toujours les uns aux autres, ne s’effaçant jamais ». Elle lie ici l’humain à l’écriture signalant que tous deux sont des figures mouvantes qui recherchent perpétuellement leur forme. Or la calligraphie, en tant qu’art se sert de l’écriture non pas pour transmettre une information mais bien plutôt pour exprimer les qualités d’artistes de son auteur.
Comme art gratuit qui s’inspirerait de la nature pour suivre son propre chemin vers la création , la calligraphie pourrait donc être un idéal à rechercher pour le littérateur. Il lui faudrait en littérature comme en calligraphie et ou en peinture : « Réaliser l'union de l'encre et du pinceau, c'est résoudre la distinction de Yin et Yun, et entreprendre de défricher le chaos . » car le « grand art » ne serait-il pas celui qui ordonne le monde ?
3 commentaires:
le grand art existe-t-il?
Si à la question qu'est-ce que l'art? La philosophie répond: une forme de création, de description du monde, de sons champ visible et invisible. Le grand art serait alors la forme, la pratique artistique la plus aboutie dans ce domaine. Si il y a donc hiérarchie en art, il y en a également en philosophie et en sciences.
L'histoire de l'art à été écrite par les critiques de l'art. Ainsi Delacroix devient canonique longtemps après son refus (salon des refusés 1836) grâce à Victor Hugo et à Baudelaire. Baudelaire condamne la photographie et refuse son entrée dans les lieux dédiés à l'art. De la même manière le Jazz est condamné par Adorno, le cinéma muet condamne le cinéma parlant et on assiste au désir de maintient des disciplines artistiques telles qu'elles sont, telles qu'on les a défini, dans une certaine "grandeur".
Orson Welles ou Alfred Hitchcock sont les grands cinéastes d'Hollywood. En réalité ils ne sont pas plus "grands" au sens d'inventif, que d'autres. Ils ont toutefois la plus grande part de visibilité, de reconnaissance dans l'Histoire du cinéma. De même que cette Histoire à oublié le rôle des femmes et leurs inventions et réalisation, nous pouvons dire que ce qui est élu comme "grand" dans ces disciplines est une "valeur" et non une "vérité". Ici nous convoquons Nietzsche.
Ainsi le "grand art" ne pose aucunement une description d'une pratique artistique, mais présuppose l'art correct, bon, abouti, comme celui qui vient réaffirmer des valeurs sociales qui réconfortent l'établissement d'une puissance gouvernante (les critiques d'art par exemple, Platon face aux copies et au simulacre en peinture...).
"Ecrire comme on peint avec l'aisance et la spontanéité du maître qui tire le bambou d'un trait, des deux mains et les yeux fermés." Cette phrase nous fait penser à Picasso dans le film de Clouzot: Le mystère Picasso, ce dernier peint avec une assurance désarmante. Il peint et repeint sur sa toile, déformant et reformant le tableau sans aucune pitié pour ce qu'il vient de faire naître et ce qu'il détruit. Il peint comme on dévore et on se ressert d'une autre assiette. Deux choses nous frappent: pas de temps mort et de la violence. l'acte de peindre en réalité n'est pas défini par la technique picturale spontanée de Picasso mais par ce qui est prépictural. le prépictural est une idée de Deleuze (cours sur la peinture).
En observant des combats d'art- martiaux, où voltigent avec une certaine économie de mouvement les combattants, sans temps mort et avec élan de force, on est frappé par ce qu'on ne voit pas. Ce qui permet un beau combat sans temps mort et avec une attaque c'est ce qui précède le combat.
Peut-être alors que la formule: "Ecrire comme on peint avec l'aisance et la spontanéité du maître qui tire le bambou d'un trait, des deux mains et les yeux fermés." vient assurer que l'expérience artistique spontanée est le fruit d'un travail pré-artistique fondamental et constant. De même lorsque sur les tatamis nous nous voyons combattre dans un état second, sans "réfléchir", de même qu'un photographe est dit d'avoir "un compas dans l’œil", l'art est ici le fruit révélé d'une discipline.
"Ecrire comme on peint", et non peindre comme on écrit : assigner à l'écriture les qualités de la peinture, c'est affirmer que l'écriture est un art, chose que je ne pourrai jamais nier. Ici, c'est alors la peinture qui est fondement de l'exercice de l'écriture. La peinture, se caractérisant comme un art, une activité artistique nécessitant le(s) geste(s) d'un sujet s'établissant grâce au médium d'une matière, la peinture. Ecrire, c'est transmettre un sens, mais n'implique pas nécessairement une esthétique, notamment lorsqu'il s'agit d'un discours à portée uniquement informative. Or, pouvons-nous déterminer que l'art réalise toujours de la beauté ? Nous pourrions nous poser la question suivante : L'art rend-il le monde plus beau ?
L’art exerce-t-il un effet transformateur sur le monde ? L’art a-t-il effectivement le pouvoir d’exercer un effet transformateur sur celui-ci? Le sujet ici présent, en usant de l’adverbe de quantité « plus », part du principe que le monde est déjà beau. La question posée n’est pas de savoir si l’art rend le monde beau, s’il est l’élément qui offre la beauté au monde, mais si cette activité améliore, perfectionne la beauté du monde. Nous partons en effet du principe que la beauté est déjà une qualité du monde, et nous nous demandons si l’art a un effet transformateur sur la quantité de beauté inhérente au monde.
Etablir une réponse à cette question implique la nécessité de comprendre avant tout la signification de ses termes. Tout d’abord, le monde est l’ensemble des phénomènes physiques regroupés dans l’idée générale que nous détenons de notre planète, autrement dit, le monde est synonyme de la nature. Si l’art perfectionne le monde, s’il a la puissance de transformer l’état qualitatif de la nature, cela impliquerait une supériorité ontologique du premier sur la dernière. Or, la nature n’est-elle pas la beauté même, autrement dit ne détient-elle pas le niveau de beauté suprême ? Serait-il prétentieux de vouloir améliorer la beauté de la source même de la vision esthétique de l’artiste ? Tout de même, il paraît évident, d’un autre côté, que l’art créé effectivement du beau. Nous avons d’ailleurs tous le sentiment de ce que représente le beau, néanmoins, le définir clairement est une tâche qui semble relever d’un travail ardu. Il existe, malgré la difficulté inhérente à cette notion, deux courants généraux de définition du beau, adjectif du nom « beauté ». Le premier considère la beauté comme élément distinct de toute subjectivité, c’est-à-dire signifiant objectivement, sans qu’aucun sujet ne soit nécessaire pour la mettre en exergue. La beauté répond à ses règles. La seconde conception générale consiste en l’idée que le beau existe en fonction de la subjectivité d’un homme, autrement dit la beauté est une affaire proprement humaine, dépendant du regard de chaque homme. Dans ce cas, ce ne sont pas des règles extérieures au sujet qui la définissent, mais bien celui-ci. Dans la lignée du premier type de conception de la beauté, celle-ci est généralement admise comme répondant aux critères de l’ordre et de l’harmonie. Au sein du dialogue de Platon intitulé « Philèbe », la signification du beau est offerte à travers cet énoncé : « Partout mesure et proportion ont pour résultat de produire la beauté et quelque excellence ». Si l’art offre une quantité supplémentaire de beauté au monde, c'est une problématique qui comprend également celle de savoir si la beauté du monde est diminuée par l’art. Ce regard critique sur l’art est celui qu’intègre Platon, à l’inverse d’Aristote qui détermine que l’absence de l’art ne permet pas le perfectionnement de la beauté du monde.
Alors écrire comme on peint, c'est apporter une qualification à l'écriture qui lui est extérieure. Cela engendrera-t-il une esthétique plus effervescente au sein du monde ?
La calligraphie peut-elle être nommée « le grand art » ?
La citation au ton de haïku « Ecrire comme on peint avec l'aisance et la spontanéité du maître qui tire le bambou d'un trait, des deux mains et les yeux fermés. » évoque le geste recherché dans la calligraphie.
En effet, dans la calligraphie chinoise, le lettré qui réalise son œuvre doit tendre à peindre sans poser son poignet sur la table. Il recherche à passer dans son pinceau son intellect et à transcrire sur la feuille le motif par « l’Unique Trait de Pinceau ». Se faisant, il « lie l’Un à l’Universel » et réalise ce vers quoi les traditions philosophiques chinoises tendent.
Cette recherche de l’absolu dans la calligraphie mais aussi dans la peinture de paysage chinoise est théorisée dans « les Propos sur la peinture » de Shi Tao. Ce philosophe-peintre Chinois de la fin du XVIIème siècle écrit un traité sur la peinture qui peut être appliqué à un second art comme l’illustre cette citation : « C'est pourquoi ma théorie embrasse conjointement la calligraphie . » Or la comparaison « écrire comme on peint » ainsi qu’un traité sur la peinture transposable à la calligraphie, ces deux indices ne laisseraient-ils pas entendre que le geste pictural supplanterait le geste scriptural dans une hiérarchie des arts ?
Le premier argument à opposer à cette proposition est à trouver dans la philosophie théorisée par Shi Tao. Comme le précise Pierre Ryckmans dans ses notes, Shi Tao rassemble dans « L’Unique Trait de Pinceau » différentes traditions chinoises issues du Tao et de Confucius notamment. Ainsi on peut lire dans une note sur le Chapitre I « par le truchement du concept de l’Un, Shi Tao forge un principe syncrétique, récupérant les données fondamentales de la philosophie chinoise ». C’est plus une question de syncrétisme qu’une question de hiérarchie. Les différents arts tendent par une pratique hautement réglée à transposer par le geste la pensée. Ce n’est pas tellement le choix de l’art qui crée sa valeur que sa compréhension, sa maîtrise.
La recherche de la voie vers la transcription de l’universel, lequel regroupe les opposés dans un même mouvement, supplante le classement.
Le second argument est à rechercher dans notre perception occidentale de la calligraphie. En effet, ce que nous retenons de cette pratique est souvent sa capacité à allier l’écriture à la peinture ce qui peut nous apparaître comme un accès privilégié vers la traduction parfaite de la pensée. Le médium du bambou s’entendrait ainsi comme une passerelle entre ce que l’on souhaite exprimer et ce que l’on exprime. Les mots, la grammaire, la syntaxe paraissent parfois empêcher la compréhension et la calligraphie faciliterait en ce sens la transcription. Dans son essai « L’Homme sans image », Agnès Minazzoli précise ce point : « notre propos ne devrait rien perdre de cette forme humaine. Il devrait en relever les moindres traits et tous les mouvements, les mots s’ajoutant toujours les uns aux autres, ne s’effaçant jamais ». Elle lie ici l’humain à l’écriture signalant que tous deux sont des figures mouvantes qui recherchent perpétuellement leur forme. Or la calligraphie, en tant qu’art se sert de l’écriture non pas pour transmettre une information mais bien plutôt pour exprimer les qualités d’artistes de son auteur.
Comme art gratuit qui s’inspirerait de la nature pour suivre son propre chemin vers la création , la calligraphie pourrait donc être un idéal à rechercher pour le littérateur. Il lui faudrait en littérature comme en calligraphie et ou en peinture : « Réaliser l'union de l'encre et du pinceau, c'est résoudre la distinction de Yin et Yun, et entreprendre de défricher le chaos . » car le « grand art » ne serait-il pas celui qui ordonne le monde ?
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