On se forme l'esprit et le sentiment par les conversations, Pascal

mercredi 19 janvier 2022

L'impossible commandement d'aimer.

Ces réflexions ont été rédigées en vue de la conférence sur le Pur Amour, donnée, le 18 janvier 2022, aux étudiants préparant le concours aux écoles supérieures de commerce du Lycée Hoche à Versailles  :

« Tu aimeras ton Dieu de toute ton âme, de tout ton cœur, de tout ton être », le premier commandement des Tables de la Loi s'accompagne inséparablement du deuxième : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », auquel Jésus Christ ajoute le devoir d'aimer nos ennemis, sans quoi qu'est-ce qui distinguerait les fils de Dieu des païens ? Que ce-dernier commandement soit contre nature – comment pourrait-on aimer qui nous veut et nous fait du mal ? - ne lève pas l'absurdité  qui fait de l'amour une obligation.
L'amour est un sentiment – s'agirait-il pour les théologiens d'un effet de la grâce divine - que l'on éprouve de façon indélibérée et qui ne peut être suscité par un mouvement de la volonté. Dès lors, comment pourrrait-il être exigible ? Respecter les commandements divins, fort bien ! Traiter autrui avec respect, cette obligation morale se comprend. En prendre soin, s'il est dans le besoin et dans la détresse, cela s'entend encore. Mais l'aimer, le chérir d'amour tendre, comment cela pourrait-il être exigé ? « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas », la pensée célèbre de Pascal plonge l'affectivité humaine dans une nuit à tout jamais inaccessible aux conclusions claires et lumineuses du raisonnement et de l'argumentation. S'il y a quelque chose de désespérant dans l'injonction « Aime-moi », cela tient au fait que, aussi désireux soit-on de répondre à cette demande éperdue et de « plier la machine » », il est tout bonnement impossible de faire advenir en soi un sentiment que l'on éprouve pas. La sécheresse du cœur ne fera pas davantage naître le sentiment d'amour que l'aridité du désert ne fait tomber l'eau du ciel. Et cette impossibilité n'est pas une faute dont il pourrait nous être fait reproche.
« Tu aimeras, écrit Franz Rosenzweig, – quel paradoxe dans ces mots! Peut-on commander à l’amour ? L’amour n’est-il point destin et saisissement, et s’il est libre, n’est-il pas offrande libre ? Et voilà qu’on le commande? Non, certes, on ne peut commander l’amour; nul tiers ne peut le commander ni l’obtenir par la force. »1
Désireux de donner malgré tout un sens au commandement évangélique d'aimer son prochain, Kant fait une distinction entre l'amour pathologique et l'amour pratique, lequel est une maxime de bienveillance. « Dans ce noyau de toutes les lois, lit-on dans la Critique de la raison pratique, il n’est donc question que de l’amour pratique. Aimer Dieu signifie dans ce sens exécuter volontiers ses commandements; aimer son prochain : remplir volontiers tous ses devoirs envers lui. »2, lesquels me commandent de traiter l'humanité en moi-même et en tout autre comme une fin en soi et non comme un moyen. L'amour pratique du prochain se ramène au devoir d'agir moralement envers autrui par obéissance à l'impératif de la loi. Seulement voilà, et Kant en reconnaît l'évidence, le respect auquel nous sommes contraints n'est pas l'amour. N'avait-il pas montré dans la Fondation de la métaphysique des moeurs que le secours d'autrui est d'autant plus méritoire qu'il est denué de toute incitation émanant du sentiment et de la sensibilité ? L'action d'un philanthrope sera de plus haute valeur morale s'il continue de répandre autour de lui le bien alors même qu'il se trouve dans un état intérieur « d'insensibilité mortelle », que lorsqu'il était spontanément porté à secourir la détresse humaine par sympathie, pitié ou compassion. Pour froide et glaciale que paraisse cette interprétation rationnelle du commandement évangélique, Kant, pourtant, n'innovait pas entièrement.
Confrontés au même problème interpétatif, les théoriciens du Pur Amour avaient distingué au XVIIe siècle l'amour affectif de l'amour effectif. Si le premier ne peut être exigé parce qu'il ne relève pas d'un acte de la volonté mais d'une détermination de la sensibilité et du cœur, il n'en va pas de même de l'amour effectif, autrement appelé « amour d'exécution », lequel désigne les œuvres de l'amour. Tels sont les gestes, ces actions extérieures, libres de tout inclination affective, à quoi conduit le commandement d'aimer lorsque la contrainte du devoir remplace l'impulsion du sentiment et de la spontanéité. De là vient que l'on puisse produire des attestations, manifestes et probantes, de l'amour en l'absence de tout sentiment d'amour. Plus encore, ces actes, ces preuves d'amour tiennent lieu d'amour, non pas parce qu'ils jaillissent d'un même fond affectif, mais, au contraire, parce qu'ils se substituent au sentiment défaillant, et cela sur le mode du "comme si" : « Il est donc dit, écrit Antoine Sirmond dans La défense de la vertu, publié en 1641, que nous aimerions Dieu mais effectivement, opere et veritate, faisant sa volonté comme si (souligné par moi) nous l'aimions affectivement, comme si cet amour sacré brûlait nos cœurs, comme si le motif de la charité nous y portait. »3
Dans ce « comme si », il ne faut pas voir les artifices de l'hypocrisie ou de la tromperie, l'honnêteté commandant de quitter l'être qui n'est plus aimé. Cette leçon moderne fait du sentiment le critère de l'authenticité de l'amour, mais une telle injonction à la sincérité conduit inévitablement à ériger la rupture, la séparation ou le divorce en devoir moral. Ne voit-on pas, cependant, que relations humaines se trouvent ainsi placées sous le joug d'un destin plus impitoyable que le décret arbitraire des dieux : l'inconstance du sentiment sur lequel nulle volonté ne peut rien. La morale du devoir rétablit la liberté humaine au cœur d'un commandement dont l'exécution se fait dans la lumière de l'acte, sans plus dépendre des obscures et involontaires intermittences du coeur. Agir « comme si » n'est pas un faux-semblant, c'est attester d'une liberté qui s'affirme lorsque, dans la froideur du cœur, se donne tout ce que nous pouvons donner et qui, en l'absence d'amour, est encore et bel et bien une preuve d'amour.

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1. Franz Rosenzweig, L’étoile de la rédemption, trad. A. Derczanski et J.-L. Schlegel, Paris, Seuil, coll. « La couleur des idées », 2003, p. 210.
2. V, 83. Cité par Florence Salvetti, "Une relecture critique du commandement d'amour évangélique", Institut Catholique de Paris, « Transversalités » 2013/2 N° 126, pages 81 à 93.
3. Voir notre Amour et désespoir, Le Seuil, 2000, p. 94.

25 commentaires:

GeorgesHOV a dit…

Bonjour a toutes et à tous.

Nous avons la un article très interessant rempli de questionnement et d'interrogation. Mais j'ai envie de vous dire, l'interrogation n'est-elle pas le propre de l'amour ?

Je voudrais commencer mon propos en disant que rien n'est plus affaiblissant et dénudant que le fait d'aimer. Aimer c'est se donner, aimer c'est se montrer comme tel, aimer c'est baisser la garde. Même la pire brute au coeur de pierre est un jour voué à tomber amoureux. D'ailleurs, il faut souligner que l'amour tant cherché relève du hasard. On "tombe" amoureux, le "coup de foudre", l'amour au "premier regard"... L'amour s'inscrit comme étant écrit d'avance, comme le souligne l'auteur Franz Rosenzweig :

« Tu aimeras – quel paradoxe dans ces mots! Peut-on commander à l’amour ? L’amour n’est-il point destin et saisissement, et s’il est libre, n’est-il pas offrande libre ? Et voilà qu’on le commande? Non, certes, on ne peut commander l’amour; nul tiers ne peut le commander ni l’obtenir par la force. »

Certes nul ne peut commander l'amour, tout simplement car l'amour nous touche sans qu'on ne s'y attende. comme un coup de grâce, la meilleure des choses, la plus pure, la plus puissante. "L'amour rend aveugle" ou "l'amour nous ouvre enfin les yeux" ? En effet, tant bien que l'amour tomberait du ciel, il faudrait encore pouvoir le voir. Je m'explique. L'Homme est un être rempli d'incertitudes et de tempêtes intérieur. Comment aimer si on ne s'aime pas ? Comment accepter l'autre si l'on ne s'accepte pas ? A mon avis, il faut s'aimer sois même avant de pouvoir être disposé à aimer l'autre. La question de la "disposition" remonte très souvent. Mon intention est portée sur autre chose, je ne suis donc pas disposé à aimer, à accepter l'autre, à voir l'autre. n'est-il pas vrai que pour aimer il faudrait déjà regarder l'autre, qu'il faudrait être attentif à l'autre pour trouver l'amour au premier regard. Tout est une question de disposition.

La question de l'amour reste un sujet très abstrait. J'aime la personne ou j'ai juste pris l'habitude de lui dire "je t'aime" ? Je l'aime ou j'ai juste peur de rester seul(e) ? Je l'aime ou j'ai juste peur de ne pas trouver mieux ?
La question de l'amour fait ressortir la question de la fidélité.

"La fidélité, c'est quand on n'a pas trouvé mieux"

L'amour ne se commande pas, mais faudrait-il encore y être disposé à tomber amoureux. Aimer ne serait-ce pas un besoin ? Un besoin du moment, un besoin égoïste ? Car aimer l'autre c'est avant tout attendre de l'autre quelque chose. Une relation avec attente, en comparaison avec l'amitié ou l'on attend rien de l'autre.

L'amour tombe sur l'un au moment ou l'autre décide de l'aimer. L'amour est un outil pour assouvir un besoin, un manque. l'amour est l'unique fruit d'un besoin égoïste. Dans le cas contraire ce n'est pas de l'amour, c'est de la dépendance. L'amour qui tombe du ciel comme par magie pour l'un, c'est un amour décidé et réfléchi pour l'autre. Un schéma perpétuel basé sur la confrontation "mignonne" entre un(e) gagnant(e) et un perdant(e). Car avant toute chose, l'amour ne prend-t-il pas fin au moment où les attentes de chacun restent incomplètes ?



Pierre VANEL a dit…

Bonjour à toutes et tous, bonjour M. Terestchenko,

Vous abordez là une des plus vastes questions qui se posent à l'Humanité - et qui concerne tout un chacun sans aucune exception, ce qui est loin d'être le cas de tous les questionnements philosophiques.
De quel amour parle-t-on, tant ses formes sont multiples, voire contradictoires ? On peut, au grand minimum, en distinguer trois : L'amour sensuel (si ce n'est purement et simplement la sexualité), l'amour de Dieu, et l'amour de ses proches, ascendants ou descendants.
Le texte s'interroge sur la difficulté d'obéir à l'injonction d'aimer son prochain dans le judéo-christianisme, dans la mesure où un sentiment ne se commande pas, mais s'impose. "Aimer ses ennemis" comme le suggère l'Evangile est un commandement rarement suivi d'effet, que certains qualifient même de pathologique. Mais ne s'agit-il pas d'une vision allégorique de l'amour ? N'est-ce pas l'équivalent de ce que la langue moderne dénomme la bienveillance, c'est-à-dire, en somme, le contraire de la violence, même verbale ? Nous sommes tous des créatures de Dieu, donc "nous devons être tous unis", car nous ne formons qu'un seul corps. On est très proche de l'Islam (tous membres de l'Umma), à cette différence près que la violence est plus facilement admise que dans le christianisme (lequel n'hésitait pas à brûler les hérétiques, ce qui n'est pas à proprement parler une preuve d'amour).
Par contre, et ce dans tous les monothéismes, l'amour de Dieu est inconditionnel et sans limites ; même lorsque le Mal que Dieu laisse faire semble inadmissible et incompréhensible (Voltaire et l'incendie de Lisbonne). S'agit-il alors du "pur amour" ? Peut-il exister un amour plus pur que l'amour de Dieu, puisque par définition, l'humanité est imparfaite, marquée par le péché originel, ou le péché tout court. Mais Dieu est également inconnaissable par nature, et donc, ce pur amour de Dieu, d'essence mystique, ne peut se comparer à l'amour du prochain.
Nous n'aborderons pas l'amour physique, qui semble hors sujet ; mais qu'il soit "pur" ou non, cet amour peut amener les êtres humains aux pires excès, ce qui montre sa force et sa place dans l'existence. Cette place peut être niée, mais si l'on en croit Freud, cette "sublimation" relève en réalité de la libido.
Il reste donc dans notre rapide survol l'amour au sein de la famille, entendue au sens large, notamment en dehors de la culture européenne. Cet amour, certes, n'est pas universel - il est à la merci de tous les conflits, voire de tous les traumatismes. Mais dans la très grande majorité des cas, cet amour, notamment entre parents et enfants, reste l'un des invariants majeurs de toute vie; n'est-ce pas, dans ce cas, le plus profond, le plus durable, "le pur amour" ?

Samuel a dit…

A la veille de la Saint Valentin, le commandement d'aimer prend une autre forme que celle de l'exigence biblique : aimer Dieu, son prochain.... Et elle n'en est pas moins forte... Alors que nous sommes tous conscients de la manipulation commerciale à l'oeuvre, Il est bien difficile de résister à l'exigence sociale et à la norme intériorisée qui nous pousse à témoigner à l'autre notre "preuve d'amour". La recette fonctionne tellement bien que les fleuristes se réjouissent des fêtes des mères, grands-mères et autres produits dérivés.
Que est donc l'origine de cette exigence qui s'avère si efficace ? On pourrait y voir notamment la capacité à réveiller en chacun le sentiment amoureux. Les services marketing des entreprises ont depuis longtemps compris et utilisé cette capacité à manipuler le sentiment humain. Sa fluctuation même obéit à des règles.
Mais on pourrait arguer qu'il s'agit là uniquement d'activer "l'envie d'aimer" et non "le sentiment amoureux" qui lui pré-existerait. Le paradoxe du "commandement d'aimer" biblique resterait entier. Pourtant, si ce paradoxe peut sembler puissant puisqu'il opposerait à la base "raison" et "sentiment", comment expliquer que cette injonction se retrouve de manière quasi universelle ? Ainsi du bouddhisme qui invite à la compassion, ou plus simplement des parents qui obligent à la réconciliation de leurs enfants qui se sont fâchés...
Et comment expliquer que la Bible fasse bien le distinguo dès le départ. Entre l'offrande de Caïn et celle d'Abel, c'est celle d'Abel, faite de bon coeur qui est préférée. Nous aurions donc la possibilité de créer le sentiment "d'amour" en nous. Il y a bien une insistance forte, non seulement pour réaliser les actions de manière délibérée, mais plus encore pour les faire en éprouvant un sentiment d'amour.
Renforçons encore le paradoxe apparent : pour toute personne ayant fait l'expérience de la passion amoureuse, il est tout aussi clair que ce sentiment très puissant ne peut pas être créé "volontairement". Cette passion est subie. A telle point que cette passion romantique a conduit les dramaturges à l'exposer régulièrement aux règles de la société, de la communauté ou de la famille (Shakespeare : Roméo et Juliette).
Alors : peut-on susciter ou pas "l'amour" ? Si oui, la volonté est aux commandes. Si non, elle ne peut au mieux que simuler. Comment souvent, la réponse est contenue dans l'amalgame lié à un "terme" qui cache une multiplicité de significations. Il existe une grande variété de formes d'amour : entre l'empathie et la sympathie, entre l'amour exclusif et la compassion universelle, entre l'amour fraternel voir inconditionnel d'un parent pour son enfant et l'amitié romaine qui dépasse le cadre familial, etc.
Autant il peut apparaître compliquée de créer le sentiment passionnel qui répond à une pulsion inconsciente et dont la science nous apprend qu'elle ne durerait au mieux que 3 ans, soutenue par l'hormone de la dopamine, autant il apparaît possible de générer et de cultiver le sentiment de compassion pour soi, autrui et le monde entier. Toujours selon la science, les couples qui durent aurait la capacité à substituer la production de domaine par celle de l'ocytocine. L'objectif n'est pas de rester à une conclusion positiviste, mais simplement de remarquer que l'exigence des stoïciens est possible, dans une certaine mesure : il est possible d'apprendre à apprécier son sort. Car la raison peut faire le tri et orienter la conscience sur des éléments d'une représentation qui lui échappaient. Il est donc possible de faire le choix d'aimer, comme celui d'être heureux. De la même manière qu'il est possible d'apprendre à aimer son travail, il est possible d'apprendre à aimer une personne lorsque l'on découvre qui elle est vraiment, ce qui va au-delà de son apparence.

klg a dit…

Je pense qu’il est bon de se demander si l’injonction divine n’est pas impossible à accomplir à dessein ? Comme tout ce qui existe, l’amour est donné par Dieu. C’est lui qui donne la capacité d’aimer. S’il commande d’aimer son ennemi, c’est que nous avons la capacité de le faire. Ainsi si nous ne le faisons pas, c’est que nous ne sommes pas assez « bons », que nous ne le voulons pas vraiment, qu’on ne fait pas assez d’efforts. Donc nous sommes fautifs, pécheurs.
Obliger à avoir un sentiment qui ne se commande pas, n’est-ce pas pousser à la frustration le chrétien. On lui demande une chose impossible puis on lui reproche de ne pas y parvenir. La religion Judéo-Chrétienne, fonctionne beaucoup sur ce principe, nous sommes tous pécheurs, nous devons nous racheter, mais ce que l’on nous demande pour le faire est impossible. Or nous savons que s’y Dieu nous le demande c’est que nous en sommes capable et que ça ne peut être que de notre faute si nous ne réussissons pas, donc nous ne sommes pas « bons chrétiens », nous ne sommes pas (encore) dignes.
L’injonction pourrait être vu comme une invitation à toujours s’améliorer, à rechercher toujours à se rapprocher de Dieu (même si là encore se rapprocher n’est pas atteindre, donc frustration) mais, il me semble que, même si l’injonction est prise de cette manière par de nombreux pratiquants, elle a été donnée afin de clairement remettre à leur place les « fidèles ». Ils ne sont pas encore dignes d’être heureux, ils ne le seront jamais, (dans cette vie terrestre en tout cas) donc ils doivent se laisser aller aux mains de ceux qui les dirigent. Ceux-ci d’ailleurs, que ce soit les Papes, les rois, ou toute grande figure judéo-chrétienne ayant eue une réelle existence historique, ont rarement mis en pratique l’exigence d’amour prôner par les textes sacrés.
L’amour est un sentiment sincère que, comme vous le dîtes très justement, l’on ne peut faire advenir si on ne l’éprouve pas. C’est aussi probablement le plus fort des sentiments, celui qui peut nous apporter le plus de bonheur, qui peut nous rapprocher d’un état divin. Et c’est pour cela qu’il est tant vanté, avec raison il me semble, dans quasiment toutes les religions. Néanmoins l’exiger des autres en leur reprochant de ne pas y arriver relève clairement de la manipulation et peut s’apparenter à une forme de torture psychologique d’une cruauté terrible. À une flagellation mentale du pauvre quidam qui se maudit de ne pas être capable d’accomplir sincèrement ce qui devrait être son tout premier devoir (le 1er commandement).

LPA a dit…

Partie 1 :

L’amour est jugé comme un sentiment pur et honorable, il est souvent décrit comme le plus beau sentiment humain. À travers l’amour, nous chérissons un être ou une divinité et nous ressentons de l’affection et de la confiance à son égard. L’amour est censé rendre les hommes plus vertueux et plus heureux. Mais nous pouvons constater que l’amour peut aussi être synonyme de souffrance, de haine et de désillusion. Aimer est certes un sentiment fort et symbolique, mais c’est aussi un sentiment instinctif et impétueux. Ce n’est donc pas simple de saisir complètement le sens de l’amour : il est partout mais en même temps nulle part. De nombreux philosophes (tels que Platon, Aristote, Augustin, Ficin, Lacan…), se sont interrogés sur la signification de l’amour, sa puissance, son impact et sur son rapport humain-divin. Et nous pouvons constater que l’amour ne désigne pas uniquement le sentiment amoureux mais aussi le sentiment amical, familial et religieux. L’amour est à la fois un sentiment personnel et un sentiment universel : chacun possède sa propre conception et sa propre interprétation de l’amour. On sous-entend donc que chaque être humain est capable de ressentir de l’amour et le recherche sauf ceux qu’ils se sont détournés du droit chemin, du bien (de Dieu qui est la source même de l’amour). Mais pourquoi faut-il un commandement de l’amour et pourquoi vouloir l’imposer ? Pourquoi obligatoirement renvoyer le terme de l’amour à Dieu ? L’amour est un fil conducteur de notre vie, c’est une des raisons pour laquelle l’amour est toujours si influent et si omniprésent à notre époque. Mais l’amour ne se contrôle pas et vouloir commander l’amour semble pour le coup être une idée assez présomptueuse, comme l’écrit Franz Rosenzweig : « on ne peut commander l’amour, nul tiers ne peut le commander ni l’obtenir par la force ». On ne peut pas forcer l’amour à apparaître quand il ne le veut pas et ce malgré la meilleure volonté du monde (surtout si nous cherchons un amour sincère et authentique qui vient du cœur). Comme l’écrit Emmanuel Kant dans les fondements de la Métaphysique des mœurs « l’amour est une affaire de sentiment et non de volonté, et je ne peux pas aimer parce que je le veux, encore moins parce que je le dois. Il s’ensuit qu’un devoir d’aimer est un non-sens ». L’amour ne s’impose pas comme on impose une règle ou une loi, il est plus facile d’apprendre une loi que d’apprendre à aimer. Parfois nous éprouvons de l’amour presque instinctivement et spontanément envers une personne et parfois nous ressentons des sentiments négatifs comme de l’animosité, de la jalousie, de la haine ou de l’indifférence.
Mais on peut souligner que les sentiments peuvent changer avec le temps, ce qui veut dire que le temps est à la fois un allié et un ennemi de l’amour. Tout peut changer : ce n’est pas parce que la connexion entre deux êtres n’est pas directe qu’elle est forcément impossible et à l’inverse ce n’est pas parce la connexion est directe qu’elle va durer. Le respect n’est pas à confondre avec de l’amour, puisque nous pouvons respecter une personne en tant qu’être humain (être vivant) sans l’aimer (faisant écho à Kant et à son obligation morale). L’homme à des attentes envers l’amour, il cherche toujours son autre moitié, celle qui lui a été séparé (son autre soi). L’amour exprime un lien de confiance solide, rassurant, positif, sincère et éternel. Dans l’amour, on cherche toujours une forme d’équilibre : l’homme veut recevoir autant qu’il donne. Nous n’aimons pas une personne sans raison, comme nous n’aimons pas un Dieu sans raison (il y a toujours un risque à aimer aveuglément). Et nous ne sommes pas aimer sans raison, Pascal dans ses Pensées va même jusqu’à dire que nous aimons avant tout des « qualités » et non réellement la personne.

LPA a dit…

Partie 2 :
Le commandement d’aimer se traduit par une obligation d’obéissance, une obligation d’aimer Dieu et donc par une obligation de respecter les devoirs que nous avons et devons envers lui. Mais il se traduit aussi par une invitation à se rapprocher d’autrui (à ne faire qu’un avec lui), à lui pardonner ses erreurs et à l’accepter malgré ses défauts. Que l’amour soit une puissance libératrice, divine et incommensurable et qu’elle représente une lumière à suivre si nous ne voulons pas nous perdre dans l’obscurité (le péché). Cette volonté d’unir tous les hommes malgré les différences est respectable mais peut-être un peu trop idéaliste, utopiste. L’homme en tant qu’être mortel et perfectible est-il vraiment capable d’aimer sans limite et sans condition ? Est-il capable de faire abstraction de tout y compris de ses plus bas instincts ? Si nous sommes honnêtes, nous reconnaîtrons qu’il est difficile d’aimer des personnes malveillantes, méchantes et égoïstes, dont le seul intérêt et le seul objectif est de faire du mal à autrui. Pourtant l’amour et notamment l’amour de Dieu appel à la compassion, à la sympathie, à la bienveillance, à la communication, au partage et au pardon (à la conciliation). Ce n’est pas simple de toujours suivre ce que nous dicte la morale surtout la morale religieuse, elle semble très grande exigeante et très catégorique bien qu’elle s’adresse à tous les hommes. Mais c’est en tant qu’être libre et conscient que l’homme doit choisir si ou non, il décide d’obéir aux commandements religieux. C’est toute une responsabilité d’aimer son prochain, d’être aimé et de s’aimer soi-même : pour être capable d’aimer son prochain (et son créateur), il nous faut d’abord croire en l’amour pour le comprendre et le ressentir. Faire « preuve d’amour », c’est en être digne et prendre sur soi, de vouloir créer un mouvement, une rencontre entre deux personnes. L’amour peut se créer à partir d’un rien pour ensuite devenir un tout, échappant à toute logique rationnelle, c’est bien connu « le cœur à ses raisons que la raison ne connaît pas » (Pascal). Est-ce qu’agir moralement est une preuve d’amour ? Faire preuve de bonne foi est-ce un premier pas vers l’amour ? L’amour est pratique, affectif et théorique et malgré qu’ils existent des certitudes concernant l’amour, son objectif est clair (bien que difficile à certaines occasions), répandre le bien, la joie et le bonheur.

flaine a dit…

Concernant le commandement qui est fait aux chrétiens d'aimer en dépit de tout, il en effet naturel de mettre en regard deux conceptions différentes de l'amour. Il y a d'abord la conception habituelle et courante de l'amour, désignant l'élan d'affection indépendant de la volonté qui nous porte à chérir quelqu'un sans que cette attention portée à l'autre ne soit le fruit d'un décision raisonnée. A première vue, il est difficilement concevable que le commandement ne porte sur cet amour là, puisqu'il ne pourrait être suivi d'aucun effet, sauf à supposer que la grâce de Dieu puisse permettre de parvenir de façon magique à une telle pureté d'âme et de sentiment. Dans un autre sens, conforme à l'idée d'un amour pratique, le commandement pourrait porter sur l'attention donnée volontairement et de façon réfléchir à l'autre. Il s'agirait donc d'une forme de dévouement et d'abnégation remarquable et hautement louable, et dont bon nombre de nos concitoyens font preuve chaque jour en étant admirablement fidèles à des convictions morales et humanistes.

Toutefois, nous pouvons remarquer que les commandement de Dieu sont rarement identifiables de façon si évidente à la morale laïque, et cherchent généralement à la dépasser en en ajoutant la notion de dépassement de la condition humaine : le Christ ne cesse, tout au long des Evangiles, de donner l'exemple d'un oubli de soi et d'un don aux autres qui dépasse la raison. En plus de cette exigence donnée par l'exemple, il énonce lui-même des commandements qui vont au-delà de ce que l'homme peut raisonnablement accepter : tendre l'autre joue, devoir aimer Jésus plus que son père et sa mère pour être digne de le suivre..., toutes ces exigences dépassent de loin toutes les normes et habitudes de la morale et de l'éthique. Elles sont l'expression du décalage entre la perfection de l'amour divin qui est sans limite, et l'imperfection de l'humanité qui aime de façon limitée et finie.

Dans cet esprit, on peut supposer que si l'amour de Dieu et du prochain est désigné si souvent dans les Ecritures comme l'un des fondements de la foi et du comportement du chrétien, c'est précisément parce qu'il ne porte en lui cette même exigence particulièrement difficile et ardue, et qu'il représente un défi pour chaque homme. Le commandement d'amour n'est pas supposé être facile à suivre, puisqu'il exige de l'homme une perfection qui ne lui est pas accessible. C'est même parce qu'il est par définition irréalisable d'aimer sincèrement et volontairement en même temps qu'il est demandé au croyant de poursuivre cet idéal.

Une fois l'amour dont parle le commandement considéré comme un idéal, il faut donc concevoir la question en dépassant la question de l'opposition kantienne entre l'amour pathologique et l'amour pratique : en plus d'un amour pratique -qui pourrait d'ailleurs s'apparenter plutôt à la charité dans la terminologie chrétienne - il s'agit de mettre tout en œuvre pour approcher réellement la perfection de l'amour divin : changer son regard sur l'autre, le considérer comme son prochain ( au sens de proche ) et essayer sincèrement de l'aimer en vérité. Ainsi le croyant de bonne volonté pourra-t-il peut être se rapprocher de l'idéal de l'amour divin pur et sans limite, symbolisé de façon si invraisemblable par la mort d'un innocent sacrifié pour le salut de l'humanité pécheresse.

Sanela MANJGAFIC M1 EAD PHILOSOPHIE a dit…

Partie 1.
Une conférence intitulée « PUR amour » éveille en moi une interrogation sur l’utilisation du concept de pureté : ce titre ne laisse-t-il pas sous-entendre qu’il existerait un amour impur ? Comment ce noble sentiment, si désiré et si loué par le commun des mortels, pourrait être impur ? Qu’est-ce qu’un pur amour ? Qu’est-ce que serait un impur amour ? Et d’ailleurs, qu’est-ce qui les distinguerait ? Surgit aussitôt une autre question ? Qui serait l’auteur d’un tel amour ? L’être humain ? Je ne peux alors m’empêcher de me demander s’il est constitué pour ressentir une telle émotion ? Ou pour le dire autrement, l’homo sapiens peut-il aimer pour l’amour lui-même ou sa nature l’empêche-t-elle de ressentir une telle émotion ? Est-il fatalement condamné à aimer du seul amour humain, conditionné par ses désirs ? Est-ce que ce dernier serait impur ? Et d’ailleurs pour qui ressentirait-il un tel amour ? Son Dieu ? Sa Patrie ? Ses semblables ? La nature ? La Vie ?

Le titre de cet article lui-même m’intrigue « l’impossible commandement d’aimer ». Qui commande à qui ? Et pourquoi quelqu’un ordonnerait d’aimer ? Pourquoi n’exigerait-il pas de haïr ? De détester ? Pourquoi ce serait mieux d’aimer que de haïr ? La haine n’est-elle pas aussi un sentiment humain ? N’est-elle pas un moteur créatif aussi efficace que l’amour ? Si j’osais, j’ajouterais bien plus facile et bien plus évident à expérimenter que l’amour. Mais je ne m’avancerai pas ici trop vite alors revenons à l’essentiel et demandons nous ce que veut dire ce verbe d’aimer.

Selon le Petit Robert il vient du latin amare et nous renvoie à l’idée d’éprouver de l’affection, de l’amitié, de la sympathie pour quelqu’un. Dans ce sens premier il s’agirait d’un sentiment tendre qui nous attacherait à quelqu’un. Il exercerait une action sur nous en nous imposant un certain nombre de comportements, de manières d’être vis-à-vis d’autrui. Le fait de connaître un tel affect semble bien contraignant et restrictif de liberté. Cette définition nous renvoie surtout à l’amour pour une autre personne car on nous parle d’attachement pour quelqu’un. Mais cela n’est-il pas trop limitant ? Le sens commun nous fait dire que nous pouvons aussi aimer d’autres êtres vivants ou encore avoir une certaine inclination pour telle ou telle activité : j’aime peindre, j’aime lire, j’aime mon chien, j’aime ma vie, etc.

Donc nous constatons que l’amour ne se limite pas à nos semblables. Ou pour paraphraser le deuxième commandement des Tables de la Loi, cela ne concerne pas que « mon prochain ». La lecture du premier commandement ne fait que confirmer cette intuition première que l’amour ne se limite pas qu’aux êtres humains. Son analyse me fait dire que Dieu serait notre premier et véritable amour. En aimant Dieu je devrais aimer donc toutes les manifestations de Son Être dans Sa création : la nature, les animaux, mes semblables, etc. Comme moi mon ennemi est une émanation de la puissance de l’UN que, selon le premier commandement, je devrais aimer «de toute mon âme, de tout mon cœur, de tout mon être ». J’en déduis ici qu’on me demande de faire preuve d’un amour absolu pour mon Créateur et ses créateurs. Est-ce cela le pur amour : aimer sans réserve ? Mais ma raison m’impose immédiatement la question suivante : puis-je réellement aimer sans rien attendre en retour, sans un quelconque désir inavouable susceptible de conditionner mon amour ? On me demande d’aimer mon prochain comme moi-même ne dois-je pas alors me demander comment je m’aime moi-même ? Est-ce que je m’aime sans condition, d’un amour absolu comme je devrais aimer Dieu Lui-même ? Ou mon amour pour moi-même est-il aussi conditionné par ma relation à moi, à mon corps, à ma vie ?
Et que faire si je me déteste moi-même, si j’ai une aversion profonde pour moi-même ? Cela veut-il dire alors que je peux haïr mon prochain comme je me hais moi-même ? Et si je me hais puis je me faire du mal et par ricochet faire du mal à mon prochain ?

Sanela MANJGAFIC M1 EAD PHILOSOPHIE a dit…

Partie 2.
Le deuxième sens du mot aimer ne fait que renforcer en moi cette interrogation car il peut aussi signifier « éprouver de la passion pour quelqu’un ». La passion comme état affectif ne présage rien de bon : tel que je l’entends c’est la source de souffrance et de supplice, un amour intense et violent qui obscurcit le jugement. Ne dit-on pas que l’amour rend aveugle ? Ne dit-on pas également que le Christ lui-même vécu la Passion sous-entendant qu’il fût sacrifié par son Père pour l’amour de l’humanité ? Aimer cela veut-il donc dire se sacrifier ? Dieu me demande-t-Il de me sacrifier en l’aimant et en aimant mon prochain même si c’est un ennemi ? Si je veux pouvoir aimer mon prochain comme moi-même je dois donc d’abord m’aimer moi. Mais que veut dire s’aimer soi ?

J.J. Rousseau nous répond qu’il faut distinguer deux types d’amour lorsqu’on l’applique à sa personne : amour de soi et amour propre. L’amour de soi est le souci que l’on a de soi-même, de sa propre conservation et de son bien-être tandis que l’amour-propre serait le respect que l’on a de soi. Pour Rousseau l’amour de soi est une inclination naturelle et primitive qui serait à la racine de la moralité : on ne se soucie des autres que parce que nous sommes capables d’empathie et que l’on s’aime soi-même. Quant à l’amour-propre il serait une passion artificielle née de la société, fondée sur la comparaison avec autrui et le désir de paraître et de dominer. Pour B. Pascal un tel amour s’apparenterait à de l’égoïsme c’est-à-dire le fait de « n’aimer que soi et ne considérer que soi ». Dans ce sens l’amour-propre serait un penchant négatif du cœur humain, opposé à la considération des autres ou à la modestie.

Donc si nous lisons bien ces quelques éléments ce que Dieu nous demanderait est d’étendre notre amour de soi, cette inclination primitive et naturelle, racine de la moralité, aux autres. En d’autres mots il exigerait de nous d’avoir de l’empathie pour nos semblables. Ou encore dit autrement, et comme nous pouvons le lire dans l’article ci-dessus, de l’entendre au sens kantien du terme comme une maxime de bienveillance c’est-à-dire un amour pratique. Comme vous le soulignez dans votre texte il est difficilement concevable qu’on puisse commander un sentiment : aucun de nous ne peut commander au cœur d’éprouver ou de ne pas éprouver telle ou telle émotion. Tout cela nous renvoie également à la question de notre connaissance des mécanismes du cœur et plus largement du fonctionnement de notre propre corps, cette matière-Vie si intime mais si difficile à appréhender.

Au regard de ce que nous observons au quotidien on pourrait même se demander si l’être humain est capable de ce strict minimum, de cet amour pratique. L’homme ne semble pas guider par l’amour mais par bien d’autres sentiments. Comme le dit si bien François Cheng « le mal, nous savons ce qu’il est, tant la vie humaine en est rongée. […] il y a celui que les hommes infligent aux autres hommes. […] ce mal démolit, avec une effroyable cruauté, non seulement le corps, mais l’âme. Il est capable d’anéantir l’ordre de la Vie même. Nous pouvons que déplorer que notre monde soit rempli d’actes, grands ou petits, qui démontrent chaque jour l’absence d’amour pur voire de la simple bienveillance des êtres humains envers leurs semblables et la vie elle-même. »

Sanela MANJGAFIC M1 EAD PHILOSOPHIE a dit…

Partie 3.
Mais qu’est-ce qui nous empêche alors d’appliquer la loi du talion : « œil pour œil, dents pour dents » ? Pourquoi ne pas rendre la monnaie de la pièce à nos ennemis et devenir à notre tour source du mal et de la vengeance ? Ne devrions nous pas nous soucier de notre bien-être, de notre conservation et notre premier devoir ne serait-il pas de mettre un terme définitif aux agissements de nos ennemis ? Ou pour le dire encore différemment, comment mettre un terme au cercle vicieux de la violence et de la vendetta ? Et qui est cet ennemi dont nous parle la Bible ? L’autre qui serait la source de mon malheur dois-je le tenir pour responsable de mes épreuves ou n’est-il pas lui-même que l’instrument d’une force plus puissante qui me renvoie mon propre reflet ? Notre ennemi n’est-il pas lui-même une création d’une puissance plus grande, dont les desseins seraient impénétrables pour l’entendement humain ? Aimer son ennemi est-ce que ce n’est pas s’aimer soi-même au final ? Ne portons nous pas tous notre ennemi au fond de nos cœurs qui est cette peur, cette envie, cette jalousie, cette part sombre et obscure qui réside en chaque homme que la haine et le ressentiment renforcent et entretiennent ? Comme le dit d’ailleurs E. Kant nous ne pouvons connaître que les phénomènes et jamais les choses en soi. Nous voyons l’acte de notre ennemi, nous voyons ses actions mais nous ne connaissons pas et nous ne pouvons pas connaître les raisons d’être de ces actes. Même si certains parfois tentent de les justifier voire de les glorifier (au nom de la patrie, de la protection des siens, de la communauté, des intérêts vitaux) d’autres sont incapables de les expliquer et ne se reconnaissent pas toujours dans l’acte commis. Incapacité de voir, de prendre du recul, en un mot de réfléchir, voilà notre plus grand mal, si banal et si fatal. Si nous refusons de nous servir de notre faculté de penser cela ne pourra qu’attiser la destruction mutuelle et tous les humains risqueraient alors de se retrouver aveugles et édentés.

En concentrant nos forces à entretenir cette inimitié, nous oublions l’essentiel : la vie. Si je ne peux aimer mon ennemi dois-je le haïr pour autant ? Le détester ? Et si je le déteste dois-je chercher sa destruction ? Ne dois-je pas chercher plutôt à détruire le mal qui s’immisce dans mon propre cœur ? Si je détruis mon ennemi, si je l’éradique de la Terre aurais-je pour autant détruit le mal ? Mon geste ne serait-il pas lui-même une nouvelle bûche, une nouvelle goutte d’huile, entretenant ce feu ardant du malheur destructif ? Et en faisant cela ne vais-je pas à mon tour devenir l’ennemi de quelqu’un qui se devra, à son tour, de me détruire ? Détester et détruire l’autre ne serait-ce pas détruire la création divine et soi-même ? Vouloir éradiquer le mal devrait peut-être commencer par l’éradication du mal qui est dans notre cœur. Nous sommes nous-mêmes aussi conduits par des motivations pas toujours très louables et honorables. Comme chacun nous éprouvons également tous ces désirs dont la réalisation se fait souvent au détriment des autres que nous instrumentalisons à notre seul profit. L’amour pathologique est de cet ordre : aimer de manière conditionnelle. Dans ce type d’amour alors ne sommes-nous pas notre propre ennemie qui conditionnons le bonheur, la paix de notre âme et d’esprit à l’obtention de choses qui ne dépendent pas toujours de notre volonté ?

Sanela MANJGAFIC M1 EAD PHILOSOPHIE a dit…

Partie 4.
Qu’est-ce qu’aimer alors ? Nous voici revenus à notre première question. Ne s’agit-il pas comme l’affirme Platon dans le Banquet de l’aspiration au beau et au bien, c’est-à-dire à l’Absolu ? Ne faudrait-il pas comprendre dans ce sens les paroles bibliques sur l’amour ? Aimer notre prochain, et ce prochain peut être parfois notre ennemi, intérieur ou extérieur, est-ce que ce n’est pas aspirer au plus grand bien et à la beauté ? Ne pas poursuivre l’autre comme un objet d’un amour égoïste et possessif mais plutôt tourner notre âme et notre cœur vers l’amour authentique qui nous délivre de la souffrance du désir (de la vengeance par exemple) et qui conduirait notre âme jusqu’au banquet divin. Avec E. Kant nous pouvons donc dire ici que ce qui est impossible à commander, au même titre que nos réflexes, est cet amour pathologique. Mais l’être humain est plus qu’une somme de réflexes et de désirs : il est aussi un être pensant capable de raison et de respect de l’autre. Il est capable de distinguer l’acte de son auteur. On peut détester l’acte, chercher à l’éliminer, mais au nom de la dignité de la personne humaine nous ne devrions pas détester l’homme puisse-t-il être notre ennemi. Car en haïssant nos ennemis nous nous haïssons nous-mêmes alors que nous nous devons un amour de soi. Nous devons chercher notre propre conservation et notre bien-être mais jamais au prix de la perdition de l’autre et de son mal-être. Si je me reconnais cet amour de soi je dois également le reconnaître aux autres. Et cette reconnaissance me permettra d’aimer l’autre comme moi-même c’est-à-dire ne pas juger l’être mais s’autoriser à condamner l’agir.
J’ai le droit de juger, de détester, de ne pas aimer l’acte en lui-même, mais je n’ai pas le droit de détester l'être humain auteur d’un tel acte. Ne pas aimer les circonstances, les actes mais respecter ce souffle divin que chacun enferme en soi, notre ennemi y compris. Détester l’autre c’est détester la création divine et donc soi-même. En quoi serions-nous différents de notre ennemi : en rien. Nous aussi nous avons envie de prévaloir, nous aussi sommes conduits par des motivations pas toujours très louables. Chacun d’entre nous éprouve de la jalousie, de l’envie, du désir et chacun d’entre nous agit dans son intérêt en utilisant les autres comme de simples moyens (consciemment ou inconsciemment).

Sanela MANJGAFIC M1 EAD PHILOSOPHIE a dit…

Partie 5.
Une approche matérialiste de la vie, des autres et un amour sensuel seraient contre-nature car l’amour christique nous demande d’appliquer les lois de l’amour inconditionnel dans toutes les circonstances de notre vie. Aimer c’est accepter la différence, accepter l’existence de cet amour-propre qui est l’ennemi de chaque être humain et le combattre grâce à notre raison, notre capacité de penser. Découvrir au fond de soi cet amour inconditionnel qui n’attend rien en retour et qui n’est pas conditionné par les actes. Il s’agit par cette preuve d’amour pour la VIE de pardonner à nos ennemis afin d’en guérir de nos propres blessures et de ne pas se laisser entraîner dans un cercle vicieux de la haine. Chaque émotion est un moteur qui nous transforme et qui a la faculté de nous enchaîner ou de nous libérer de cet ennemi intérieur pour nous guider vers un amour authentique et notamment l’amour de la sagesse. Au final, le Christ, par le commandement de l’amour pour nos ennemis, ne nous apprend-t-Il pas la résilience ? Ne nous incite-t-il pas ainsi d’aller à la découverte de notre cœur et de nous-mêmes ? Réagir au mal par le mal n’est pas si compliqué mais répondre avec l’amour au mal qu’on nous a infligé demande bien plus de courage et d'humanité. Cela demande une véritable transformation intérieure et un détachement de nos conditionnements qu’ils soient sociaux ou instinctifs.

Aimer nos ennemis c’est aimer au final l’expérience formatrice : chaque confrontation à l’autre est une découverte de soi. Notre « ennemi » participe à cette autre injonction, mais cette fois delphique : « Connais-toi toi-même ». Les épreuves de la vie, les comportements de nos ennemis peuvent être nos maîtres et nous leurs disciples. La peur, l’envie de vengeance pour ne pas dire notre amour-propre, nous commandent à détester notre ennemi mais notre amour-de-soi sait très bien que la haine est destructive et contreproductive pour la création et la Vie elle-même. Cet amour christique prôné par les Commandements de Dieu impose aux humains une loi d’amour inconditionnel leur permettant de retrouver leur nature profonde, cette inclination naturelle d’amour pour soi.

Isis a dit…

(1)
Nous proposerons une analyse de ces commandements en rapport avec la compréhension que nous avons de la foi chrétienne.
« Tu aimeras ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton être. »
Nous distinguerons plusieurs types d’amour : l’éros, qui pousse les Hommes à la légèreté et au libertinage. La conception de cet éros traduit la passion, le désir, animé par le manque. Mais le véritable amour, l’amour qui unit deux individus, ne saurait prospérer avec éros seul. Nous définirons éros comme l’amour-passion et ajouterons une notion, la philia, l’amour profond, ou amour-joie. Philia est un amour alliant désir et raison, où l’imaginaire suggéré par les sentiments amoureux ne nous empêche pas de voir la réalité de l’autre. Le véritable amour entre deux être serait donc un mélange d’Eros et de Philia. Platon distinguait quand à lui une autre forme d’amour. Il nommait l’éros que nous avons décrit précédemment l’éros vulgaire, et le distinguait de l’éros céleste, qui, éveillé dans l’âme par la beauté du monde, lui fait atteindre la beauté suprasensible et céleste. L’expression du divin peut donc s’admirer à travers la perfection de la nature et du vivant, ou encore à travers l’art. Nous énumèrerons une autre forme de l’amour, nommée agapè, mais nous reviendrons sur celle-ci pour étudier le second commandement.
L’amour qui est ici demandé n’est nullement associé à l’amour sentimental qui unit deux êtres , et il ne s’agit encore moins d'un amour charnel. Il s’agit de célébrer la puissance du lien qui unit l’Homme au divin. Mais pour que l’amour qui découle de ce lien soit prolifique, il faut comprendre ce que l’on aime. Saint Augustin parlait de « foi pensante. » En effet, pour accepter Dieu dans nos cœur, il faut comprendre ce qu’est Dieu, et ce n’est pas un simple commandement qui se chargera de cette compréhension. L’Homme qui « aime Dieu » doit comprendre ce en quoi il croit, sentir (ou non) une altérité divine en lui. On sait la tendance de la religion catholique au dogmatisme, aussi peut-on réellement commander à un Homme d’aimer Dieu, sans que celui-ci ne ressente ni ne comprenne ce qu’est ce Dieu ? C’est ainsi que de nombreux penseurs s’interrogent à raison sur la valeur de ce commandement d’aimer.

« tu aimeras ton prochain comme toi-même »

Le commandement d’aimer son prochain n’est pas à prendre au sens d’un amour affectif. Il s’agit de l’amour de l’Homme, de l’espèce humaine, un amour que l’on pourrait qualifier d’humaniste. Il invite à voir en l’Homme ce qu’il a de bon, de choisir de reconnaître le potentiel de l’humain plutôt que ses mauvais côtés.
Ce commandement d’aimer l’autre comme on s’aime soi-même incite à faire preuve de compassion. En effet, la pitié occupe une place très importante dans la religion catholique. Celui qui fait preuve de pitié fait preuve de sensibilité et d’humanité.
On peut en effet distinguer amour affectif et amour effectif, mais il ne s’agit pas pour nous d’un devoir envers l’autre qui serait dénué de sens pour celui qui l’accomplit. La visée « humaniste », si je puis dire, de cette maxime, est d’aimer autrui comme l’on s’aime soi-même, car nous les Hommes partageons tous les mêmes qualités. La pitié peut ici être perçue comme une source de proximité entre les Hommes.

Isis a dit…

(2)
Cependant, la pitié peut parfois s’opposer a la raison, et cette mise en avant de la pitié par la religion catholique sera critiquée par plusieurs penseurs, et celui à en avoir fait la plus importante critique est sans aucun doute Nietzsche.
Nietzsche trouvait que cette valorisation de la pitié en tant que qualité essentielle n’a fait que nuire à la civilisation européenne basée sur la chrétienté, elle lui aurait « ôté sa virilité ». N’oublions pas que dans sa conception, le bien et le mal ne sont que des principes inventés et mis en place par l’Homme pour garder dociles les esprits. En effet, le concept de bien en soi n’est qu’une émanation du dogmatisme des philosophes, persuadés de pouvoir accéder à la vérité. Pour Nietzsche, la volonté de puissance s’oppose à la compassion, qui ne peut être qu’une négation de la vie. Mais peut être la religion chercherait-elle justement à s’émanciper de cette contradiction, en révélant une force dans la faiblesse, et une certaine faiblesse dans la volonté de puissance.


Isis a dit…

(1)


Nous proposerons une analyse de ces commandements en rapport avec la compréhension que nous avons de la foi chrétienne.


« Tu aimeras ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton être. »

Nous distinguerons plusieurs types d’amour : l’éros, qui pousse les Hommes à la légèreté et au libertinage. La conception de cet éros traduit la passion, le désir, animé par le manque. Mais le véritable amour, l’amour qui unit deux individus, ne saurait prospérer avec éros seul. Nous définirons éros comme l’amour-passion et ajouterons une notion, la Philia, l’amour profond, ou amour-joie. Philia est un amour alliant désir et raison, où l’imaginaire suggéré par les sentiments amoureux ne nous empêche pas de voir la réalité de l’autre. Le véritable amour entre deux être serait donc un mélange d’Eros et de Philia. Platon distinguait quand à lui une autre forme d’amour. Il nommait l’éros que nous avons décrit précédemment l’éros vulgaire, et le distinguait de l’éros céleste, qui, éveillé dans l’âme par la beauté du monde, lui fait atteindre la beauté suprasensible et céleste. L’expression du divin peut donc s’admirer à travers la perfection de la nature et du vivant, ou encore à travers l’art. Nous énumèrerons une autre forme de l’amour, nommée agapè, mais nous reviendrons sur celle-ci pour étudier le second commandement.
L’amour qui est ici demandé n’est nullement associé à l’amour sentimental qui unit deux êtres , et il ne s’agit encore moins d'un amour charnel. Il s’agit de célébrer la puissance du lien qui unit l’Homme au divin. Mais pour que l’amour qui découle de ce lien soit prolifique, il faut comprendre ce que l’on aime. Saint Augustin parlait de « foi pensante. » En effet, pour accepter Dieu dans nos cœur, il faut comprendre ce qu’est Dieu, et ce n’est pas un simple commandement qui se chargera de cette compréhension. L’Homme qui « aime Dieu » doit comprendre ce en quoi il croit, sentir (ou non) une altérité divine en lui. On sait la tendance de la religion catholique au dogmatisme, aussi peut-on réellement commander à un Homme d’aimer Dieu, sans que celui-ci ne ressente ni ne comprenne ce qu’est ce Dieu ? C’est ainsi que de nombreux penseurs s’interrogent à raison sur la valeur de ce commandement d’aimer.
« tu aimeras ton prochain comme toi-même »
Nous reviendrons pour ce commandement sur la notion d'agapè. L’agapè, dans le nouveau testament, désigne aussi bien l’amour de Dieu pour l’Homme que l’amour fraternel qui unit les Hommes. C’est un amour désintéressé, qui se donne sans rien attendre en retour. Cet amour est affranchi de l’égo. On a de la compassion pour l’autre, même si on n’est pas aimé de lui. C’est donc sur la notion d’agapè que se basent ces commandements. Lorsque les premiers chrétiens voulaient exprimer leur charité, ils se réunissaient autour d’une table commune où ils prenaient conscience de leur fraternité. Ces repas basés sur la charité et la communion étaient appelés « agapes ».




Isis a dit…

(2)

Le commandement d’aimer son prochain n’est donc pas à prendre au sens d’un amour affectif. Il s’agit de l’amour de l’Homme, de l’espèce humaine, un amour que l’on pourrait qualifier d’humaniste. Il invite à voir en l’Homme ce qu’il a de bon, de choisir de reconnaître le potentiel de l’humain plutôt que ses mauvais côtés.
Ce commandement d’aimer l’autre comme on s’aime soi-même incite à faire preuve de compassion. En effet, la pitié occupe une place très importante dans la religion catholique. Celui qui fait preuve de pitié fait preuve de sensibilité et d’humanité.
On peut en effet distinguer amour affectif et amour effectif, mais il ne s’agit pas pour nous d’un devoir envers l’autre qui serait dénué de sens pour celui qui l’accomplit. La visée « humaniste », si je puis dire, de cette maxime, est d’aimer autrui comme l’on s’aime soi-même, car nous les Hommes partageons tous les mêmes qualités. La pitié peut ici être perçue comme une source de proximité entre les Hommes.
Cependant, la pitié peut parfois s’opposer a la raison, et cette mise en avant de la pitié par la religion catholique sera critiquée par plusieurs penseurs, et celui à en avoir fait la plus importante critique est sans aucun doute Nietzsche.
Nietzsche trouvait que cette valorisation de la pitié en tant que qualité essentielle n’a fait que nuire à la civilisation européenne basée sur la chrétienté, elle lui aurait « ôté sa virilité ». N’oublions pas que dans sa conception, le bien et le mal ne sont que des principes inventés et mis en place par l’Homme pour garder dociles les esprits. En effet, le concept de bien en soi n’est qu’une émanation du dogmatisme des philosophes, persuadés de pouvoir accéder à la vérité. Pour Nietzsche, la volonté de puissance s’oppose à la compassion, qui ne peut être qu’une négation de la vie. Mais peut être la religion chercherait-elle justement à s’émanciper de cette contradiction, en révélant une force dans la faiblesse, et une certaine faiblesse dans la volonté de puissance.


Je me suis permise de republier mon commentaire. En effet, j’ai remarqué qu’il en manquait une partie et je me suis trouvée dans l’impossibilité de supprimer le commentaire précédent.

Tom a dit…

Commentaire de Tom, partie 1 :

Commençons par regretter l’hypocrite unité du mot « amour », qui recouvre des réalités aussi différentes que l’amour passionnel d’une inclinaison naissante entre deux adolescents, l’amour d’une mère pour son fils, l’amour de son prochain (de mère Thérèsa à ses malades), l’amour de Dieu etc… et dont tous les substituts lexicaux, « tendresse », « générosité » ou « altruisme » semblent bien faibles. Il est de commune méthode de rappeler ici que le grec dispose de plusieurs mots adaptés à chacune de ces situations, comme Eros pour l’amour passionnel, Philia pour l’amour amical, Storgê pour l’amour parental ou Agape pour l’amour Altruiste.
Et c’est à la lumière de ces premières remarques qu’il convient, me semble-t-il, d’interpréter le commandement biblique d’amour. En effet, il ne me semble pas absurde que le décalogue exige l’amour qui, ici, ne correspond non pas à un sentiment « indélibéré » d’amour tel qu’on l’entend couramment mais davantage à une sagesse de la compréhension et de l’acceptation de l’autre, finalement à une sorte de tolérance que promeut la bible. Une mère aime son fils parce qu’elle se retrouve en lui, parce qu’il lui est similaire, parce qu’elle le comprend, et, paradoxalement, parce qu’elle lui donne beaucoup (on aime davantage à qui l’on donne que celui qui donne nous donne) : effectuons la translation et comprenons, il est possible d’aimer son prochain parce qu’on retrouve en lui l’humanité qui est en nous, parce qu’on fait le travail de le comprendre même dans ses faiblesses, et parce qu’on fait l’effort de lui donner un peu de nous. Le commandement d’aimer son prochain peut être passable d’exigibilité parce qu’il est le fruit d’un travail de compréhension, d’acceptation et de tolérance à portée universelle.
Deux questions surgissent alors : est-ce placer l’homme sur un piédestal que de croire en la capacité universelle d’amour du prochain ? Et dans le cas contraire, parle-t-on d’une obligation de moyen (je dois tout faire pour aimer mon prochain et tant pis si je n’y parviens pas), ou de résultat (je ne cesserai pas ma quête tant que je n’aimerai pas chacun comme moi-même), dans ce commandement divin ?

Tom a dit…

Commentaire de Tom, partie 2 :

Dans un second temps, j’aimerais parler de la relation amoureuse à proprement parler, pour répondre à certaines questions soulevées par la fin de l’article (De « Dans ce comme si… » à la dernière phrase), plus précisément de la leçon moderne qui fait du sentiment le critère de l’authenticité de l’amour. Il me semble que la solution de ce « piège » moderne (la relation est basée sur un amour passionnel qu’il est biologiquement impossible de faire durer dans le temps), demeure dans l’inversion même du principe de l’égoïsme vers l’altruisme. Il s’agit encore une fois de travailler pour aimer l’autre vraiment, non pas pour les raisons égoïstes de ce que l’autre me fait sentir ou ressentir (« j’ai des papillons dans le ventre », « je me sens capable de tout quand je suis avec elle ») mais de cet amour altruiste dont parle le psychologue dans Will Hunting et qui va consister à aimer l’autre plus que soi-même (« je la connais par cœur, j’ai appris à aimer chacune de ses idiosyncrasies », « je sais qu’elle est faible dans ses moments-là, alors je l’aide »).
L’amour de la relation amoureuse, pour être durable doit être un travail plus qu’une extase. J’ai écris dans un roman « Une simple lettre de suicide » : « il est écrit “tu la prends pour femme et tu l’aimes”, et non pas “tu l’aimera et tu la prendras pour femme” ; car la sagesse antique a compris que l’amour passionnel des débuts disparaît un jour et que l’institution du mariage n’est pas assez forte pour la remplacer et faire durer l’entente. En d’autres termes, il faut apprendre à aimer profondément l’être même, non pas de cette amour égoïste fondé sur nos propres ressentis. L’écrin n’est pas le bijou, et l’on tombe amoureux avant d’avoir réellement ouvert la boite. L’homme à la recherche de son moi perdu, de sa “côte disparue”, doit donc faire de cet être élu comme une prolongation de lui-même qu’il apprendra à connaître sur le bout des doigts et vice-versa. Il est des femmes dont je suis tombé amoureux, une vraie passion, pourtant notre union n’aurait pas pu durer plus de quelques mois tant les caractères étaient différents et la relation avait une tendance à la toxicité. Il en est d’autres dont jamais je n’ai été amoureux mais que j’aurais pu épouser et aimer de cette amour religieux et profond, sincère et tendre, une vie durant. »

Tom a dit…

Commentaire de Tom, partie 3 :

Enfin, je souhaiterais discuter du « comme si » ébauché dans l’article, où l’on parle de l’action en substitution du sentiment : on devrait faire « comme si » on aime pour que la preuve d’amour remplace l’amour ; j’aimerais aller plus loin. Si pour moi l’action peut bien constituer le substitut du sentiment, elle constitue davantage en ce qu’elle le provoque. On croit souvent à tort que c’est le fait de recevoir qui incite à aimer, je pense au contraire que c’est le fait de donner qui entraine le sentiment. La fait de recevoir crée en quelque sorte une dissonance cognitive qui se traduit par un sentiment de malaise et de frustration, tandis que le fait de donner incite à donner davantage, presque à se perdre soi-même dans ce don. La phrase « qui donne donne » aurait quelque chose de juste malgré la laideur de forme qu’elle transpire. Ainsi, dans le « faire comme si », l’action, la preuve d’amour n’est pas seulement substitut d’amour, elle en est aussi source profonde et quasi-intarissable.

Anonyme a dit…

Monsieur X,
Sans trop de complaisance, il me semble qu’ici M. Terestchenko propose une réponse à un élément majeur et fréquemment omis de la moralité, qui ne tient pas d’ailleurs tant à la question de l’amour mais à celle de la loi. La moralité d’un acte ne réside pas dans la volonté du sujet mais dans l’acte lui-même : et la loi aide à atteindre la qualité morale de l’acte. En fait c'est tout un relativisme qui se perd ainsi, avec le confort des positions extrêmement floues et diverses qu’il peut assumer. Le champ “éthico-social” concerné est assez vaste et passionné pour se convaincre que la position est audacieuse. Le billet sur Ph. Descola présente d’ailleurs une partie du problème d’un relativisme qui paraît s’imposer lui-même comme absolu, ce qui est une contradiction dans les termes (d’où l’utilisation du terme “relativisme inconsistant” dans ledit billet).
Le problème est politique : si “[on ne voit] pas, cependant, que les relations humaines se trouvent ainsi placées sous le joug d'un destin plus impitoyable que le décret arbitraire des dieux : l'inconstance du sentiment sur lequel nulle volonté ne peut rien”, l’arbitraire se place par exemple dans le mariage comme dans la vie citoyenne ou religieuse. Le divorce est alors compris comme la solution par excellence plutôt qu’un chemin de réconciliation, nonobstant le bien des enfants mais surtout le bien des époux eux-mêmes. De même la conversion identitaire (qu’elle soit religieuse, politique ou sexuelle) est plutôt vue positivement comme une affirmation de l’individu. Quels sont les domaines qui échappent à l’arbitraire du sentiment ?
Contre cet arbitraire, l’auteur propose une “morale du devoir [qui] rétablit la liberté humaine au cœur d'un commandement dont l'exécution se fait dans la lumière de l'acte”. Par là il nous propose deux changements : un changement extérieur sur l’acception des sentiments comme “non critère” absolu de l’acte, et un changement extérieur sur un fondement religieux à la moralité. Je me permets de poser une question : ce retour d’une morale du devoir intègre-t-elle sans la nier la dimension sentimentale de l’homme, si bien remis en lumière par la psychologie moderne ? La morale typée stoïcienne ou d’un consentement spinozien est devenu toute contemporaine. Mais le désir n’est-il pas un moteur essentiel non pas seulement de l’acte moral, mais de tout acte ? Cela ne nie d’ailleurs pas le rôle de la volonté dans le fait d’entretenir le désir (pour reprendre l’exemple qu’évoquait l’article de la fidélité dans le mariage).
Par ailleurs, le deuxième changement, à mes yeux significatif de l’article est que le fondement de cette morale du devoir se trouve dans le commandement biblique. Cela entérinerait-il donc qu’une morale ne pût exister sans clef de voute théologique ? Dieu et la question religieuse serait un lieu éminent de la morale (on se souvient de la maxime de Dostoïevski dans Les Frères Karamazov). Deux guerres mondiales après l’humanisme, l’homme suffit-il pour fonder la moralité ? Si pour Nietzsche la fondation de la moralité est justement un principe non interrogé, la Shoah montre bien que la force, voire la violence du réel s’impose à nous. Il a fallu juger les criminels : ils avaient fait le mal (consciemment ou pas, l’imputabilité n’est pas en jeu ici) : d’où un retour de l’objectivité, que prône l’article. Mais alors dans quelle mesure la loi peut-elle être coercitive, et contraindre notre liberté. Quelle serait cette morale qui ferait fi de la liberté de l’homme ? Bossuet ne posait : “aucune borne à l'absolutisme ; mais, dans la perspective qui est la sienne, il lui en assigne une incomparable : la religion”. Que sera donc l’objectivité autoritaire du réel et de la loi (qui donc est un citoyen exemplaire ?) sans la miséricorde du christianisme ? Doit-on inventer/découvrir/redécouvrir des formes religieuses capables de sauver l’homme de la tyrannie du mal dont il est capable ? Si le monde “postmoderne” peine face à l’objectivité, la morale en a pourtant besoin.

E.Ancelly a dit…

La notion d'"amour" est en effet très ambiguë. Et le fait que les Saintes Écritures, le présente comme une "exigence" où l'on doit aimer son prochain comme soi même, nous incite à davantage s'interroger sur ce principe d'amour.

L'amour en général est un élan du coeur qui nous pousse vers un être : mais un élan spontané ? ou un élan voulu et anticipé ?
Si on force l'amour, on a véritablement tendance à penser qu'en réalité il n'y a pas d'amour. Si on parle d' "effort", on l'envisage pour ceux justement que l'on n'aime pas. Or l'amour est fluide, sans gêne, un mouvement positif etc. Pourtant lorsqu'on parle d'amour, on parle justement d'une personne qui fait des efforts pour une autre, dans le sens où c'est parce que je t'aime que je fais un effort. L'amour est alors compliqué à définir et limiter, mais ce qui est sûr ce que si je ne t'aime pas, je ne peux te traiter comme je me traiterai moi, car je m'aime moi.

Le commandement d'aimer est donc impossible ? En réalité c'est toute notre conception de l'amour qu'il faut interroger. On souhaite définir l'amour comme fixe, universel, ça sera "ceci" et pas "cela"; c'est pour ça que le commandement d'aimer est compliqué à appliquer. L'amour n'est pas fixe en soi, il ne correspond pas à telle catégorie de choses conformément à tel ou tel principe fixé au préalable.
L'amour est un mouvement caractérisé par un lien entre deux parties différentes, et selon ce lien ou ce rapport, l'amour trouve sa forme précise et sa définition. Il n'y a pas donc une forme d'amour, mais plusieurs, dans le sens où plusieurs types de lien peuvent exister.
Il y a cet amour entre époux, cet amour entre frère et soeur, cet amour entre parents et enfants, cet amour entre deux amis… Mais dans le cas d'une personne qui nous insupporte ou qui nous est étrangère, est-ce vraiment de l'amour ?
Comme expliqué dans l'article, même la froideur d'un acte peut - être de l'amour, car c'est déjà une preuve de "quelque chose d'existant". Il ne s'agit pas de la forme d'amour qu'aurait deux conjoints, mais une forme d'amour qu'auraient deux personnes étrangères restant au simple cadre "d'humains existants". Par exemple, tu es un étranger certes, mais considérant ton existence je fais preuve de politesse et de respect. C'est une forme d'amour, car l'amour c'est d'abord un lien, un rapport.
Une telle conception de l'amour est difficile à concevoir je l'entends, mais cela est difficile à comprendre car nous sommes bloqués dans le cliché de l'amour-passion où la formule sacrée "je t'aime" est cruciale. Or l'amour ne s'arrête pas à cela, et n'est pas qu'une simple passion. L'amour c'est avant tout un rapport, un lien qui prend plusieurs formes, plusieurs pratiques et plusieurs définitions.

DR a dit…

La distinction entre amour affectif et effectif permet effectivement de penser un amour de l’ordre du devoir. Tout comme l’amour affectif possède plusieurs distinctions, l’amour familial n’étant pas le même que l’amour d’un ami ou de celui ou celle dont on espère partager la vie, l’« amour » entendu dans le sens du devoir désigne certainement plutôt une démonstration pratique d’un autre degré, portant cette appellation. Si nous ne pouvons aimer par le cœur chaque individu que nous croisons à chaque moment, nombres de nos attributs peuvent nous pousser à agir pour eux, spontanément, comme la compassion ou même la sympathie : mais si la compassion n’est pas la passion, il nous est également possible d’agir comme par devoir. Le devoir moral entendu par Kant place cette mesure de l’intention au cœur de la valeur de l’acte envers autrui : et si finalement aider l’autre n’était pas plus important que ce que l’on ressent pour lui, précisément parce que nous nous trouvons dans le champ de l’action pratique. Assister autrui peut bien être intéressé, qu’il revient tout de même à l’aider, et l’amour même ne contient-il pas cet intérêt qui nous pousse à agir pour des personnes précises par le fait premier que nous les aimons ? En ce sens, certainement que les intentions comptent mais, par exemple, sauver la vie d’autrui restera sauver sa vie. Agir comme si peut ainsi être jugé faux ou hypocrite, que nous aurons tout de même aidé quelqu’un. La bienveillance s’oppose ainsi à la malveillance, mais même aussi à la neutralité : faire est toujours mieux qu’ignorer la détresse, et le commandement exige certainement de nous davantage une bienveillance qu’un amour sincère, d’autant que cette dernière semble nous être propre selon des facultés que nous retrouvons en nous (sympathie, empathie, et même besoin social, besoin de l’autre). Enfin, même lorsque cela nous semble bien loin, certainement que notre intérêt reste à éprouver cette bienveillance : l’éprouver et en profiter en retour, plutôt que distribuer le mal et devoir le recevoir ; vivre parmi les autres n’est peut-être pas chercher, tel qu’on nous l’apprend souvent, à les écraser dans une compétition interminable, mais les aider, pour simplement s’entraider.

Léa Tavernier a dit…

“Tu aimeras ton prochain comme toi-même”, peut-on réellement/entièrement saisir la portée de cette déclaration ? Car il est parfois difficile en effet de savoir l’amour que nous nous portons à nous-même, parfois même si nous le faisons en tout temps. Je pense que si l’on s’aime soi-même, nous n’avons pas besoin de nous soumettre à une autorité (religieuse) pour pouvoir aimer les autres, il n’est nul besoin de nous commander pour pouvoir ressentir de l’amour envers nos semblables. Mais le mot amour est-il convenable ? Je ne pense pas, je pense que l’on pourrait plutôt parler de souci d’autrui, dans le sens où nous pouvons nous en préoccuper, le respecter, tout ceci pour favoriser le “bien commun”. Seulement, je pense qu’il est dangereux “d’aimer son prochain comme soi-même” car cela pourrait engendrer des dérives car poussée à l’extrême cette affirmation reviendrait à laisser autrui nous faire du mal (personnellement) et par là, le fait de se porter de l’attention et s’aimer soi-même s’évanouirait. Selon moi, vouloir aimer l’humanité et appliquer le principe de charité est directement relié à soi car il implique notre responsabilité à venir en aide ou pas à autrui, ce qui pourrait dans le cas ou ne le faisons pas amener en nous des “états d’âme”, de la culpabilité. De plus, peut-on parler véritablement de Pur Amour lorsque la question du salut est en jeu dans nos actions ? Les actions accomplies par Pur Amour ne relèveraient pas ainsi d’un total désintéressement.


Le Pur Amour est entendu dans la tradition comme amour dénué de tout “pathos”, de toute passion mais peut-on encore penser que la passion est inévitablement signe de déséquilibre, dangereux car il peut parfois conduire à de la violence ? Selon moi, pureté ici est entendue comme dénuée de toute affectivité comme mentionné par la suite de l’article, seulement n’est-ce pas retirer ce qui fait de nous des êtres sentants, n’est-ce pas nous couper de notre “humanité” (bien que nous sommes pas les seuls, les animaux aussi) ?
Il y a dans la religion et ses préceptes moraux, une tendance à “polisser” l’homme de toute ses “aspérités”, “irrégularités” en voulant le détacher toujours plus de son corps pour en faire un être seulement spirituel, un ascétisme qui peut s’avérer dangereux auquel cas il pourrait “perdre pied” avec le monde dans lequel il vit. Mais ne pourrait-on pas penser par ailleurs que ces commandements seraient une tactique pour permettre aux dirigeants d’opprimer le peuple en appliquant le principe de “toujours aimer son prochain comme soi-même” bien que ceux-ci oppriment leurs peuples comme le pensait Marx en affirmant que “la religion est l’opium du peuple”.

Aimer par obéissance, c’est-à-dire par soumission perd selon moi toute légitimité, toute “pureté” du sentiment car il ne relève pas d’une volonté libre, il se peut que cet amour soit régie par peur de représailles (aller en Enfer) . Dans ce cas, on ne peut parler de preuve d’amour d’amour selon moi, car prouver c’est ce qui tend à montrer, manifester ce qui est déjà présent en nous par des comportements. Les “preuves” d’amour ne sont en ce sens que des gestes mais il y n’y a pas de cohérence entre mon acte et mon sentiment (inexistant ?), une rupture entre l’intérieur et l’extérieur, nous serions dans un monde d'apparence car il

rachid El aalem a dit…

(1 partie)

Jalal Din Rumi, dans le Masnawi II, 1529.1531 dit:

“ Par amour, l’amer devient doux

Par amour le cuivre devient or

Par amour la lie devient claire, les souffrances deviennent guérison

Par amour le mort devient vivant, le roi devient esclave”

L'amour est l’un parmi les sujets primordiaux de la vie humaine, objet intournable de la littérature, du cinéma, de l’industrie musicale, des reality shows. Socrate voit dans l’amour un enfant de Pénia, la ressource, l’amour selon lui consiste dans la contemplation de la beauté, Aristote fait une liaison conceptuelle entre éros et philia, l’amour pour lui est un attachement à la partie supérieur de l’âme, un cheminement vers le bien supérieur. Dans le banquet de Platon, Aristophane, pense l’amour comme un aspiration à l’unité originelle, compris dans sa dimension cosmique. La psychanalyse de Sigmund Freud et de Jacques Lacan a apporté une autre approche conceptuelle et une analyse psychique de ce que c’est que la passion, le désir, l’émotion, les affects...etc. La psychologie évolutionniste s’est penchée sur les fonctions de la pulsion sexuelle et l’amour vues comme des émotions liées à la chimie de notre cerveau.

L’auteur du livre (L’origine de la conscience et la rupture de l’esprit bicaméral) annonce une thèse selon laquelle le cerveau est composé de deux hémisphères, de deux chambres la premières est occupée par : (les dieux, l’autorité morale, le roi, les prêtres, les ordres..) la personne obéit comme un zombie à tout ce qui est décrété car tout ce qui vient du sommet de la société et de la nature sacré et commandé, la seconde chambre est occupée par :(la vie privé, l’activité libidineuse, les rapports affectifs, sexuels...) Ibn Hazm dans Le collier et la colombe, définit l’amour comme sédition, une guerre civile, aimer dit-il : “c’est choisir, contre tous les autres, un seul qu’on en distingue et qui vous en distingue par l’amour même qu’on lui porte : c’est donner”

L’amour chez Krishnamurti, est le fait d’aimer par exemple un arbre, un oiseau, ou un animal de compagnie, de sorte que vous vous en occupez, vous le nourrissez, vous le chérissez, bien qu’il ne vous offre pas son ombre, mais la plupart d’entre nous n’aiment pas de cette façon-là, nous ignorons tout de cette forme d’amour, car notre amour est toujours assailli d’angoisse, de jalousie, de peur, ce qui sous-entend que dépendons intérieurement d’autrui que nous désirons être aimés, que nous ne nous contentons pas d’aimer tout simplement: nous demandons quelque chose en retour et cette attente nous rend dépendant, toutefois l’amour pathétique se différencie de l’amour sublime, l’amour désintéressé, ce dernier est le fait d’éprouver de l’amour au-delà de tout intérêt matériel d’éprouver de la tendresse envers les êtres humains, les choses, la nature ...etc. intervenir quand on voit un animal souffrir, ôter une pierre du chemin parce qu’il est foulé par tant de pieds nus, être ému par les gens, les oiseaux, les fleurs, les arbres, mais quand nous aimons quelqu’un parce que cette personne nous aime aussi en retour, ce n’est assurément pas de l’amour, aimer c’est avoir cet extraordinaire sentiment d’affection sans rien demander en retour.


Rachid El aalem
M1 philosophie EAD 2022/2023

rachid El aalem a dit…

(2 partie)

L’amour renvoie à l’unité de l’être humaine, à la fois corps et esprit, pour René Heyer, négliger le corps ou l’esprit, porte atteinte à la dignité humaine, ce n’est pas seulement l’esprit ou corps qui aime, mais l’homme, la personne, comme créature unifiée. La loi morale naturelle est un impératif intérieur, comprend-elle l’amour du prochain dans toute son extension ? Benoit XVI répond positivement : “ l’impératif de l’amour du prochain est inscrit par le créateur dans la nature même de l’homme, au-delà de sa nature sociale. Kant pense que l’enseignement de la morale chrétienne mérite que nous lui portions un intérêt parce qu’il exprime une éthique inédite parfaitement compatible avec les exigences rationnelles et nous fournit “les chartes incontestables d’une religion en général” le commandement d’aimer est à étudier selon deux axes, les devoirs morals et une règle universelle. “L’amour pratique du prochain se ramène au devoir d’agir moralement envers autrui par obéissance à l’impératif de la loi” l’amour pratique est le contraire de l’amour pathologique, le premier est le souci véritable du bien de l’autre tandis que le deuxième est lié à notre sensibilité et à notre intérêt, l’impératif de la loi, est le fait d’effectuer un devoir sans autre motif que l’appréciation immédiate de sa valeur, ce devoir inclut l’amour du prochain aussi bien que l’amour de soi-même.

Dans le Banquet, Platon découvre la place centrale de l’amour, l’amour authentique qui délivre de la souffrance du désir et conduit l’âme jusqu’au banquet divin, l’amour véritable ne peut être comblé que par la contemplation, par-delà le beau du vrai et du bien, la tradition philosophique reprendra généralement cette opposition entre l’amour-passion (égoïste) et l’amour-action (altruiste) depuis les stoïciens qui commandent sans appel l’amour-passion, jusqu’à Kant qui montre que seule l’amour pratique est moralement exigible, il est toutefois possible de remettre en cause cette dichotomie et de soutenir “ qu’il existe entre la conscience morale et la conscience amoureuse une secrète affinité” Alain Finkielkraut (la sagesse de l’amour).

Rachid El aalem
M1 philosophie EAD 2022/2023